Agir pour l'Ecole : le doute subsiste pour Paul Devin
Alors que l'association Agir pour l'Ecole se prévaut d'une nouvelle étude publiée dans une revue scientifique, Paul Devin, secrétaire général du Snpi-Fsu, en démonte les rouages. "« Agir pour l’école » prétend faire la preuve de l’efficacité de sa méthode. Mais l'association ne fait que le constat tautologique des effets de ses entrainements intensifs", écrit-il. "Rien qui puisse recouvrir les enjeux de la compétence de lecture, qui puisse aider l’école à former des élèves capables de s’approprier le sens des textes complexes et de développer les usages culturels de l’écrit."
"Si les études précédentes consacrées aux méthodes APE s’étaient désintéressé de leurs effets sur la compréhension, ce n’est pas le cas de celle-ci … et voilà justement qu’elle annonce un progrès considérable des élèves en la matière et que ce progrès serait assuré sans un enseignement explicite de la compréhension mais par les seuls effets d’une meilleure fluence. A y regarder de plus près, si les élèves des classes où intervient APE ont de meilleurs résultats, l’écart est loin de pouvoir se résumer par une augmentation de 30% de la compréhension, résultat qu’APE clame haut et fort mais que l’article ne retient d’ailleurs pas comme un élément essentiel de sa synthèse", poursuit-il. "Ce résultat n’est obtenu que parce que les items de compréhension étaient centrés sur une compréhension élémentaire de phrases. Or, il faut rappeler ici que lorsque PIRLS 2016 souligne les difficultés des élèves de CM1, c’est leur difficulté à comprendre des textes qu’il constate et tout particulièrement lorsqu’il s’agit des processus de compréhension les plus complexes. C’est là que se trouve la difficulté majeure de l’école française à lutter contre les inégalités face à l’écrit. La méthode APE et plus globalement le choix d’intensifier les apprentissages instrumentaux en maternelle et au CP ne font toujours pas la preuve de leur capacité à relever ce défi de compréhension.
D’ailleurs si les résultats d’APE en compréhension étaient si remarquables, on devrait observer un écart notable aux évaluations nationales CP/CE1 dans l’ensemble des écoles où l’association intervient…C’est loin d’être le cas des résultats des items « compréhension des textes » !"
Pour lui, "savoir lire ne sert à rien si on n’est pas capable de mettre cette compétence au service d’une meilleure compréhension du monde, d’une expression plus efficace, d’un meilleur accès à l’information et d’une plus grande jouissance de la relation à l’œuvre écrite. C’est là qu’est le cœur du travail enseignant, celui qui permet de construire cette relation culturelle à l’écrit par la lecture d’œuvres littéraires, par la recherche documentaire, par l’usage d’écrits fonctionnels, par la production d’écrits, par la multiplication de pratiques culturelles diversifiés. Ce sont ces pratiques pédagogiques qui donnent au savoir lire la force des vertus émancipatrices d’un accès autonome au sens des écrits. Ce sont ces pratiques d’usage quotidien des écrits qui font naître le plaisir intellectuel qui permet qu’on domine ses craintes tout particulièrement quand on est issu d’un milieu où l’écrit n’est pas d’usage familier….Tout cela ne peut se contenter de l’exercice d’entrainement …"
Par fjarraud , le lundi 11 mars 2019.