Le magazine électronique Eurozine nous offre une belle interview de Jacques Le Goff par Josef Tanzer. Jacques Le Goff revient sur les combats de l’historien et le sens de l’histoire, au regard de l’histoire de la longue durée, prônée par les Annales. Ainsi il estime qu’après » la découverte de l’Amérique, événement il est vrai considérable qui a entraîné une première mondialisation, l’essentiel des structures économiques, sociales politiques et mentales de l’Occident et du reste du monde n’ont pas fondamentalement changé au tournant du XVe au XVIe siècle. Le Moyen Age a connu plusieurs renaissances à l’époque de Charlemagne, au XIIe siècle, et la grande Renaissance n’est que l’une d’elles. L’historiographie de la fin du XIXe siècle me parait avoir exagéré la nouveauté du XVIe siècle et même la Réforme n’a pas apporté de changements fondamentaux. Les vrais changements ont eu lieu avec les débuts de la science moderne et les Lumières au XVIIIe siècle, du point de vue social et politique avec la Révolution française et du point de vue économique avec la Révolution industrielle ». C’est donc un très long Moyen-Âge qu’il détermine du Vème au XIXème siècle. Sur le rôle de l’historien, Jacques Le Goff pense que » l’histoire doit éclairer la société, doit éclairer des choix de société, l’historien doit préserver une position non pas de neutralité mais de vérité ou en tout cas d’efforts pour l’atteindre et le seul engagement dans son métier s’il est fait avec un sens des responsabilités sociales est déjà, me semble-t-il, un engagement ». Pourquoi alors accepter l’échec d’un renouvellement de l’enseignement de l’histoire basé sur les conceptions des Annales : » La conception de l’histoire des Annales est un programme de recherche et de production historiographique. C’est plus difficilement une méthode d’enseignement, en particulier pour les écoles secondaires. J’ai participé avec Fernand Braudel à des rencontres avec des responsables des programmes d’histoire dans les écoles secondaires et dans les universités, je dois reconnaître que le résultat a été plutôt un échec. Je pense qu’il ne faut pas continuer ces efforts sur la base d’un compromis entre historiographie des Annales et histoire enseignée dans les établissements scolaires et universitaires, mais il faut poursuivre un renouvellement des programmes des universités et des écoles primaires et secondaires ». ?
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