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P Picard

Michel Heinrich, député-maire d’Epinal

Nous avons travaillé à partir des écrits des chronobiologistes pour supprimer le mercredi libre et raccourcir les journées scolaires et les vacances. En 89, nous avons réuni les acteurs et avons mis en place un nouveau rythme : tous les matins du lundi au vendredi, et une après-midi par semaine. Les autres après-midi, ils sont pris en charge par la collectivité, soit 30h de prise en charge pour l’enfant, mais une journée scolaire plus courte. Nous avons commencé avec une expérience sur deux écoles, avec des parents et des enseignants volontaires et des activités périscolaires gratuites (72 sur la scolarité, 3 par semaine, 2h par semaine pendant un trimestre, avec des BE ou des BAFA). Aujourd’hui, environ 220 intervenants pour 12 écoles de la ville (1/3 des écoles : l’expérience s’étend quand le conseil d’école unanime et 70% des parents le demandent) et 1500 enfants. Mais nous n’avons pu obtenir d’évaluation, si ce n’est le vécu des enseignants et des enfants ( » très bien dans leur peau « ). Nous avons une école d’handicapés moteurs qui participent et une classe de trisomiques.

Nous avons aussi d’autres types de projets pour les autres écoles qui, si elles ne sont pas dans ce dispositif, peuvent être aidés par d’autres projets. Nous organisons aussi, pour toutes les écoles, l’aide aux devoirs des enfants en difficultés par un tutorat avec des étudiants bac+2 que nous mettons à disposition des écoles qui le souhaitent.

Tout ceci a un surcoût : 300 Euros par an, avec la participation de la CAF, du CEL, du Conseil régional (fonds régional de cohésion sociale et de la DRAC). Environ 20% restent à charge de la ville.

Les enseignants n’ont pas eu de réticence à abaisser le temps journalier de classe. Les enseignants sont en retrait quand on monte un projet sans eux. Si on monte le projet sans les enseignants et qu’après on va leur demander s’ils en veulent, il ne faut pas s’étonner qu’ils n’en veuillent pas…

Le seul problème que nous avons eu a été avec l’évêché qui nous a donné son autorisation deux jours avant le démarrage. Une autre difficulté est évidemment la coupure forte lorsque les enfants retrouvent un système traditionnel.
L’intégration des parents est aussi très forte dans la ville, ce qui n’était pas notre objectif de départ. Ca a permis aux familles de s’approprier la ville, les équipements (bibliothèques, salles de sport…) du fait que leurs enfants les fréquentaient. En primaire, les enfants sont assez peu inscrits dans les clubs, ça se développe en collège.

Adjointe de Vandoeuvre (59) :

Nous avons arrêté l’aménagement que nous menions sur quatre écoles ZEP de la ville, parce que dans les écoles où l’adhésion des enseignants n’était pas totale, ça ne marchait pas. Et aussi parce que du fait des deux calendriers existant sur la ville, nombre d’enfants ne revenaient pas de vacance à l’heure des vacances.

Ailleurs : nous avons mené ça avec des écoles volontaires, c’était bien, mais quand de nombreuses écoles ont demandé la généralisation, on n’a pas pu tenir parce qu’il nous manquait des moyens (personnels, équipements…)

Annick Letellier-Tiberghien (Fédération nationale des Office Municipaux des Sports)

Nous avons mené des enquêtes qui nous donnent une assez bonne perception de ce que sont vraiment les CEL

– Les Contrats Educatifs Locaux ne concernent que très minoritairement le temps scolaire. En général, c’est surtout le temps péri-scolaire qui est visé. Les  » Comités de Pilotage  » doivent donner leur place à chaque composante, et se réunir ! Dans les enquêtes que j’ai menées, certains comités de pilotages ne se réunissaient qu’une fois par an…

– Les évaluations ne sont en général pas menées au-delà du  » sentiment positif  » lié à une meilleure perception de l’école par les enfants.

– Les associations sont en général les pivots indispensables des actions menées.

– Les mairies se plaignent de la complexité administrative des dossiers, regrettent de se lancer sans savoir où elles allaient en matière d’aide budgétaire reçue.

– Les communes rurales font état de leur satisfaction de pouvoir mener enfin de véritables politiques en direction de l’enfance et la jeunesse.

– Le débat n’est pas clos sur le rôle et la formation du coordonnateur de CEL : doit-on aller vers une professionnalisation ? En général, la réponse est plutôt négative, pour garder la diversité d’origine des coordonnateurs et leur capacité à être bien lié avec le terrain.

Patrice David, Association Nationale des Directeurs à l’Education des Villes de France (ANDEV), Montbéliard

Commençons par déjà savoir ce qu’est le projet d’une commune… Entre les élus et les techniciens ou directeurs des services, le temps n’est pas le même. La rotation des enseignants fait que les plus beaux projets peuvent devenir des coquilles vides quand ils partent…

Je gère un secteur éducation, jeunesse et sports, qui travaille avec tous : clubs, associations, écoles. Ca peut être une richesse et un handicap : par exemple, nous avons du mal à développer le secteur de la petite enfance…
La co-intervention des différents services de l’Etat est difficile, lorsque les normes qui s’y appliquent ne sont pas les mêmes (textes sur la responsabilité et les qualifications des intervenants)

Nous avons été ensuite vérifier si nos partenaires avaient les mêmes valeurs que nous :
– citoyenneté, autonomie (et non prise en charge),
– responsabilisation des familles et des jeunes (on s’inscrit, on vient si on est inscrit,
– on paye un minimum pour ne pas donner l’illusion que ça ne vaut rien,
– on donne le droit pour les usagers de dire leur avis et qu’il soit entendu par les fonctionnaires qui sont payés pour un service…
– on ne crée un service que si on est sûr qu’il n’existe pas déjà
– au niveau du collège, on finance des activités auxquelles vont vouloir profiter les enfants des autres communes. Il faut donc poser la question de l’agglomération, alors que rares sont celles qui ont pris la compétence  » éducation-jeunesse « .

Les axes de notre CEL : lecture, activités sportives différentes (et non foot et boxe thaï…) avec une place pour les filles, utilisation du milieu naturel (ski), cyber-espace et fracture numérique, éducation à la responsabilité (garçons-filles), santé (surpoids…)

Ce dispositif est pratiquement totalement à charge de la collectivité territoriale.

Sophie Saramito, responsable d’un centre social en milieu rural

Les centres sociaux sont interpellés par rapport à certains risques.
Pour moi, les centres sociaux s’inscrivent dans l’Education Populaire. Mais on constate une évolution majeure avec la professionnalisation de nombreux acteurs, ce qui modifie les pratiques de l’Education Populaire, la manière dont elle s’inscrit dans les projets. Très longtemps, les associations ont été à l’initiative des dispositifs. Mais aujourd’hui, les incitations des donneurs d’ordres, leurs cahiers des charges, leur vocabulaire précis amènent des formalismes préjudiciables.

Dans ma région (Montreuil-Bel Air, Pays de Loire), nous avons cherché des co-constructions, les outils n’étant pas du niveau de ceux qu’on trouve en ville. Le centre social est à un carrefour, il est plus adaptable que d’autres structures, et y sont associés à la fois la CAF, différents ministères. Il peut être un partenaire  » indépendant  » qui respecte les susceptibilités des uns et des autres.

Il faut bien vérifier que le diagnostic  » partagé  » le soit bien, et corresponde bien à ce que pensent les acteurs et les citoyens. Nous avions identifié des demandes importantes en matière de pratiques culturelles. Mais elles n’ont pas toujours été subventionnées à la hauteur de nos besoins.
Le monde associatif a certes besoin d’argent pour vivre, mais ne faut-il pas nous méfier d’un certain activisme qui transforme les acteurs en prestataires, où ceux qui peuvent maintenir le bon sens d’une action n’en deviennent que ces vendeurs.

Débat :

o Olivier Masson, enseignant : il existe des représentations institutionnelles, des contextes locaux, des dysfonctionnements institutionnels qui doivent être prises en compte pour comprendre les réticences des enseignants à entrer dans les dispositifs de partenariats quand ils craignent d’y perdre des plumes…

o Chargé de mission Roubaix : comment on structure les interventions, les décisions, pour s’inscrire dans la durée même quand les élus ou les IA changent… Le  » diagnostic partagé  » est nécessaire, dont découlent des objectifs à moyen terme, avec du monde qui s’y colle et qui accepte de gérer les conflits

o Chargé de mission Valenciennes : le contrat de ville a créé un réseau de coordonnateurs CEL qui se réunissent chaque mois, avec les différents partenaires. On va vers une complémentarité, des demandes de formations catégorielles ou mixtes (avec les coordonnateurs ZEP ou les directeurs).

o La Rochelle : la meilleure connaissance des acteurs reste à gagner…services municipaux, communautaires, Education Nationale (conseils de zone, de ZEP, contrats de réussite… avec une volonté de rester maître chez elle). Les crédits supplémentaires  » ville  » sont bien plus importantes que les crédits ZEP  » éducation nationale « . Les expériences sont peu mutualisées, peu partagées, surtout quand elles bousculent les organisations classiques…

o Jean Bourriau, chargé de mission à la DIV : quelle structure pourrait permettre que se construise une façon de travailler commune sur un territoire ? un financement unique de toutes les activités éducatives sur un territoire, sous le contrôle d’un conseil d’administration intégrant tous les partenaires ?
o GIP Nord Isère : on parle de simplifier les procédures, mais j’aimerais que l’Etat ne soit pas uniquement dans une logique descendante. On pense aux propositions que vous faites, mais surtout ne nous pondez pas un nouveau super-dispositif qui prétendra tout réguler. Les aller-retours sont nécessaires,

o Directrice mission locale : le partenariat est organisé par rapport aux difficultés des enfants à un moment donné, mais il faudrait aussi y réfléchir en longitudinal : les manques de liens entre les enseignants, les services des mairies empêchent les gens de comprendre dans quel état de casse sont des jeunes de 16 à 25 ans qui expriment toute la difficulté de ce qu’ils ont subi dans le système.

o Maire adjoint de Saint-Denis : les projets ont été confisqués par les hiérarchies intermédiaires de différentes super-structures qui organisent et écrivent les projets. Le partenariat est totalement invisible pour les habitants lambda qui auraient pourtant sans doute des choses à dire… Quand on écoute les parents, on pense à faire une salle pour accueillir les parents…