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P Picard

Agnès Van Zanten, sociologue au CNRS

(A. Van Zanten vient de sortir un remarquable Que-sais-je sur  » Les politiques d’Education « )

Mixité sociale et ségrégation, les établissements de la périphérie…
Entre inégalités et exclusions, les liens sont forts. Pas seulement les inégalités d’accès, mais la différentiation : accéder au collège, mais à quelle classe ? avec quels personnels ?

Très souvent, on dit que l’Ecole est victime de la ségrégation urbaine, puisque soumise aux évolutions sociales de la population environnante. Cette question est évidemment centrale, mais les choses ne sont pas aussi simples : les stratégies urbaines des familles peuvent aussi être conséquence de ce qu’elles perçoivent de l’Ecole. Les promoteurs immobiliers sont les premiers à faire état de la qualité de l’école du quartier pour attirer des clients.

Je voudrais décliner différentes façons dont l’école peut développer les inégalités :

– la politique de carte scolaire fait l’objet de découpages institutionnels qui peuvent accentuer ou réduire l’hétérogénéité sociale

– les programmes scolaires, très ambitieux et très centralisés, sont très peu vérifiés sur le terrain. Donc les écarts de pratiques d’enseignements peuvent être très grands d’un établissement à l’autre.

– la multiplication des politiques et des dispositifs (dans un collège que j’observe, je compte un empilement de 25 dispositifs !)

– l’action des parents qui accentuent leurs stratégies d’évitement. On tolère de grands écarts dans les choix en niant qu’il y ait un problème (parfois, c’est 25% des enfants), en niant la peur des parents que leur enfant soit dans un environnement jugé hostile…

– l’action des chefs d’établissements qui regroupent dans des bonnes classes (et fabriquent de mauvaises) pour garder des  » clients  » de bon milieu social dans leur établissement. On peut donc avoir, dans un établissement ZEP, une ségrégation interne réelle qui va avoir un impact réel sur les résultats des élèves. Parfois, on développe les politiques sécuritaires qui, si elles n’ont pas que des aspects négatifs, empêchent de chercher des solutions éducatives (contenus de cours) et provoquent des politiques répressives.

– dans la classe, il devient très difficile pour les enseignants d’enseigner, de maintenir leur exigence. 5mn consacré à l’enseignement, 55 mn à rétablir l’ordre, ça donne des résultats mécaniques sur l’exposition au savoir… dans des contextes où les élèves apprennent à devenir déviants.

La ségrégation scolaire opère à différents niveaux. Il ne faut pas désespérer, mais prendre ne compte ce niveau multiple des difficultés : la classe, l’établissement, l’éducation nationale, les partenariats locaux. Je ne pense pas que la  » mixité  » soit une politique. C’est une condition nécessaire, mais pas une politique. Il ne sert à rien de mettre les gens ensemble s’ils n’ont rien à faire ensemble. Construire un projet social, un projet scolaire, c’est là qu’est l’enjeu…

Quel pilotage des dispositifs ?

La question me semble moins de savoir qui doit piloter, que de savoir comment chaque institution assure sa propre place. L’Ecole, par exemple, ne pourra se coordonner que si elle se coordonne déjà à l’interne (par exemple entre enseignants et non enseignants.) La question me semble, plus que celle de qui pilote, celle de la légitimité des acteurs : un IA n’a pas forcément la légitimité pour piloter, négocier. C’est un problème politique très difficile, dans laquelle il y a beaucoup d’experts qui ne parlent sans pouvoir assurer leur légitimité…