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Patrick Picard

Extraits des interventions de la journée : Les institutionnels

M. Debbasch, directeur de l’enseignement scolaire (DESCO) : « Il fallait réagir, identifier les faiblesses, jeter un regard lucide et objectif sur les méthodes utilisées et leur résultat. De très nombreux parents constatent avec surprise que la phase d’identification des mots vient trop tard. Des études irréfutables prouvent depuis longtemps quelles sont les méthodes efficaces. Savoir lire et aimer lire, c’est cet objectif simple que nous poursuivons ensemble. Le bonheur d’apprendre, le bonheur de comprendre, de découvrir par la lecture… Pourquoi ne pas penser que les enseignants n’en seront pas comblés ? Il reste à convaincre, former les maîtres, les professeurs d’IUFM. Le ministre en fait une des grandes priorités de la rentrée 2006.« 


Jean-François Perret, Doyen de l’Inspection Générale :
L’inspection générale repérait en 2004 des pratiques dont l’équilibre peut être aléatoire. L’Inspection Générale demandait aux IEN de veiller à l’équilibre de toutes les activités qui entrent en compte dans la lecture.

En 2005, un nouveau rapport mettait en lumière le fort investissement de la formation continue sur l’apprentissage de la lecture. Ils reconnaissent que l’équilibre entre la combinatoire et la compréhension semblait mieux respecté, mais pointait que les activités liées à la conscience phonologiques semblaient insuffisantes, et que le choix du manuel était rarement fondé sur l’analyse didactique du manuel.

La dernière étude s’intéresse à l’apprentissage de la lecture sur les trois cycles de l’école primaire. Les appréciations sont plus critiques :  » l’enseignement de l’identification des mots semble insuffisant. L’observation des compétences phonologiques à l’entrée du CP, notamment l’étape de la syllabe orale, ne semble pas suffisamment travaillée « . L’originalité de ce rapport est qu’il tente de définir une démarche de l’apprentissage de la lecture à l’école plus favorable que les autres, et demande de privilégier :

  • la saisie du principe alphabétique
  • la correspondance entre graphème et phonèmes
  • l’identification des mots écrits
  • l’approfondissement du travail sur la langue et la culture de l’écrit.

Martine Safra développera.

Nous attendons de ce colloque qu’il nous permette de croiser les connaissances et les pratiques dans les classes. Beaucoup a déjà été fait grâce à la mobilisation de tous, des maîtres formateurs, professeurs d’IUFM, inspecteurs… Je souhaite que nous poursuivions.


Jean-Marc Monteil, Directeur de l’Enseignement Supérieur :
J’en resterai à plusieurs trivialités :

  • La pratique d’enseignement, comme la médecine, n’est pas une science, mais peut se nourrir de la science. Mais l’articulation entre la science et les pratiques, largement diffusé par les grands média, ne nous met pas à l’abri de raccourcis qui nous donnent parfois froid dans le dos. Nous avons une responsabilité collective : les praticiens comme les chercheurs ont à dire dans des formes audibles ce qu’il font.
  • C’est ce qu’il y a de plus difficile. La formation doit y contribuer, pour mieux lier le monde scientifique et les enseignants. Tous les formateurs savent que c’est facile à dire, mais très difficile à faire. Les comportements ne répondent pas à des prescriptions de circulaires ministérielles, et c’est tant mieux, puisqu’on demande davantage une processus d’adaptation, en fonction des bases de connaissances et des contextes de chacun.
  • Il me semble absolument nécessaire que l’on s’accorde sur un répertoire identifiable, qui accepte la diversité des pratiques, avec des invariants sur ce que la science connaît, mais il y a une responsabilité des scientifiques à ne pas confondre la science avec l’impressionnisme. Il faut savoir séparer ce qu’on avance en l’ayant confronté à l’épreuve des faits, à partir de l’accumulation des savoirs et de ses hypothèses. Ca vaut pour toutes les sciences : avoir l’exigence éthique de ne pas confondre l’opinion avec le début de preuve.
  • Si ces choses là étaient installées, qu’on liait les interrogations liées de la pratique avec la science dans la formation, on serait débarrassé de la  » saturation idéologique « .

Nous avons tous une responsabilité individuelle là-dedans, à quelque niveau que nous soyons : ne jamais prendre des vessies pour des lanternes


Martine Safra, doyenne du groupe de l’enseignement primaire de l’Inspection Générale :
Comment aider les enseignants ? L’essentiel repose sur les corps intermédiaires (IEN, CP, IUFM). C’est au niveau du terrain que nous devons travailler, et nous ne partons pas de nulle part : beaucoup de circonscriptions se sont déjà mobilisées sur la lecture.

En tant que prof d’histoire, tenons un retour : au cours des années 60, l’école a connu une très grave crise, lorsque tous les élèves arrivent au collège, où les professeurs leur demandent de lire POUR quelque chose. La demande des professeurs a amené à travailler fortement sur les procédures liées à la compréhension et un travail important dans les IUFM. Quand on vient dans les classes, on nous montre ce qui est de l’ordre de la compréhension, et on montre moins le travail au jour le jour sur l’apprentissage du code, dont on pense qu’il est moins attendu par l’institution, alors qu’il est largement mis en œuvre. 85% des maîtres répondent aux enquêtes que  » lire c’est comprendre « , répondant ainsi à ce qu’ils pensent être la demande de l’institution. C’est pourquoi il est utile que nous disions clairement aux maîtres qu’ils ont raison de faire l’ensemble des activités qu’ils mettent en œuvre.

Le ministre a recommandé d’être vigilant sur les plusieurs procédures :

  • les correspondances grapho-phonétiques
  • l’identification sûre des mots
  • la culture littéraire

Quels sont les passages obligés ?
C’est là-dessus qu’on peut faire un travail commun avec les formateurs, et c’est là que sont les points obligés :

  • place, dès la maternelle, à la maîtrise du langage oral et écrit, à la formulation progressive des idées dans la langue de l’écrit,
  • Elargissement des entrées culturelles et des textes,
  • Place faite aux activités liées à la prise de conscience des sonorités de la langue, pour que les enfants apprennent à distinguer les syllabes, et beaucoup plus compliqués, ce qu’on n’entend pas, les phonèmes. Et entre gâteau et château, le phonème initial est très difficile à distinguer… Le principe alphabétique en est la conclusion. Nombre de maîtres maîtrisent déjà bien tous les jeux à mettre en place pour cela.
  • La place à faire très tôt dans les relations entre phonèmes et graphèmes, par un travail méthodique leur permettant d’étudier l’ensemble des sons en allant du simple au complexe. Mais là encore, c’est parfois difficile : allez lire ananas sans connaître le mot : vous lirez forcément /AN/ au début. Ce travail est à mener aussi longtemps que nécessaire
  • Associer étroitement écriture et lecture, non seulement pour l’apprentissage du geste graphique, mais aussi pour fixer la relation graphème-phonème, par des petites dictées, des situations problèmes collectives, par une entraînement régulier qui va amener la reconnaissance orthographique d’un nombre de plus en plus grand des mots, et ainsi dégager des ressources attentionnelles pour le sens du texte.
  • Ne pas négliger un premier travail sur la morphologie des mots, qui va leur faire identifier préfixes et affixes.
  • Ne pas négliger le travail sur la compréhension : enrichissement du lexique, connaissance du monde, compréhension de ce qu’est la lecture, pour leur faire acquérir les méthodes de travail pour revenir en arrière, vérifier… Tout ceci s’apprend.
  • Penser les temps d’apprentissages au sein du cycle, les poursuites au cours du CE1 où on va encore revenir sur les révisions de sons, travailler sur des textes plus longs, développer la production d’écrit… Et le cycle III et le collège doivent y travailler.
  • Tout cela nécessite de doser le temps, ce qui est difficile et doit être travaillé avec les maîtres.
  • Et ne serait rien sans la nécessité de travailler les différences inter-individuelles entre élèves, en prenant le temps de travailler à évaluer précisément où en sont les enfants, et construire des apprentissages à partir de là…

Aider les maîtres à clarifier leur démarche didactique, à analyser leur propre pratique, expliquer ce qu’ils font aux parents. C’est très important pour que les maîtres prennent éventuellement conscience des déséquilibres et renforcent la confiance que leur font les parents, élément indispensable de la réussite des élèves. Le travail des maîtres ne se limite pas aux manuels, aidons-les à se mettre au clair avec tout ça.

Suite : Extraits des interventions de la journée : Les chercheurs

Page publiée le 10-03-2006