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Mercredi 30 septembre, Marcel Gauchet ouvrait le cycle des « Mercredis de Créteil » proposé par l’Académie de Créteil avec un thème qui concerne tous les enseignants : « L’autorité, condition de l’éducation ». Au terme de son intervention, l’auteur a accepté de répondre à nos questions.

Pour Marcel Gauchet, nous en avons fini avec l’autoritarisme, nous ne faisons que commencer avec la question de l’autorité.

En quoi consiste-t-elle? Obtenir d’un tiers son consentement par la croyance au bien-fondé de l’ordre énoncé. L’autoritarisme s’appuyait sur le respect de la religion, de la tradition et de la hiérarchie, pensées comme des formes substantielles de l’ordre social. L’autorité n’a pour elle que la raison. La démocratie n’admet de hiérarchie que fonctionnelle, et s’en remet pour le reste à l’examen raisonné des individus. Tout y est discutable, tout y est négociable. Cette transformation profonde ne relève pas d’une décadence ou d’une perversion de la modernité, mais d’une évolution considérable et irrémédiable.

Dans ce contexte, l’institution scolaire a vu s’éroder la forte position sociale qui garantissait son autorité. Dans les rapports sociaux fondés sur la discussion et la négociation, elle tient difficilement l’équilibre entre liberté et contrainte : elle doit former des individus libres. Mais elle doit s’imposer par contrainte, parce qu’elle porte l’injonction sociale universelle de l’obligation de se former, et parce qu’elle transmet des savoirs systématiques qui ne peuvent pas s’acquérir au gré de la curiosité ou du désir, mais exigent une méthode de progression contraignante.

Lieu de tension entre principes et pratiques, l’école fait l’objet d’une valorisation et d’un désintérêt embarrassé des pouvoirs publics. Aucune recette providentielle à appliquer ; seulement un art ou une sagesse, pour inventer des solutions toujours précaires. Dès lors, il faut bien comprendre la spécificité et la fragilité de l’autorité de l’enseignant : elle est de représentation. Le charisme personnel est un leurre, ce sont le poids du savoir et le mandat de la société qui rendent l’enseignant crédible. Au sein d’un climat social qui dénigre les savoirs, seul face aux élèves, aux pressions médiatiques, économiques, institutionnelles, il ne peut pas réussir. Il a besoin d’un dispositif extérieur consolidé pour permettre une organisation collective, concertée, partagée, moins individualisée du travail pédagogique, dans un cadre institutionnel expressément garant du bien-fondé de ses exigences.

Marcel Gauchet répond à nos questions

Vous dites que les familles se défaussent volontiers sur l’école de ce qu’elles ne font pas et exigent qu’on fasse à leur place. Mais ne sont-elles pas, comme l’école, socialement disqualifiées ?

Marcel Gauchet : Ce n’est qu’une petite partie de l’explication. Il s’agit plutôt d’une dissolution que d’une disqualification. La structure familiale n’a plus réellement de sens dans le contexte actuel; il n’y a plus que des mères. La mère seule importe. Les pères n’ont aucun rôle à jouer; et quel rôle joueraient-ils, d’ailleurs? Ils ne comptent pas, n’ont pas de place. L’attitude des familles à l’égard de l’école s’explique davantage par la tendance individualiste et revendicatrice que l’on retrouve dans l’ensemble des comportements des gens.

Beaucoup de tensions se focalisent autour de la question de l’évaluation. Estimez-vous, comme certains enseignants innovants, qu’il faudrait y renoncer, ou participe-t-elle de l’autorité?

Marcel Gauchet : Il faut bien, à un moment donné, apprécier l’efficacité des enseignements. Mais ce ne devrait pas être l’affaire individuelle de l’enseignant, une notation qui renvoie chacun à ses propres doutes. On pourrait concevoir une évaluation collective par l’ensemble de l’équipe pédagogique, clairement et librement discutée. Si l’évaluation se faisait de manière très ouverte et transparente, dans un esprit de concertation et dans un souci de clarté, en associant tous les acteurs, la pression sur les notes s’apaiserait beaucoup.

Entretien : Jeanne-Claire Fumet

Les Mercredis de Créteil

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