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Vingt associations et mouvements se sont mobilisés à l’occasion du 20ème anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant pour publier un texte qui condense en quelques dizaines de pages l’essentiel de la pensée korczakienne. On trouve dans la liste des vingt, outre les associations Korczak française et suisse, une association du Quebec et la plupart des mouvements que les éducateurs progressistes ont l’habitude – souhaitons-le en tous cas en cette période de déni de la pédagogie – de rencontrer : CEMEA, CRAP, Francas, FOEVEN, GFEN, ICEM Freinet, OCCE… Quelle belle idée ! Quel bel outil pour la réflexion pédagogique !


Janusz Korczak est ce médecin, éducateur et écrivain visionnaire, juif polonais, assassiné à Treblinka en 1942 avec les enfants de son orphelinat. Son œuvre littéraire et pédagogique, son action de précurseur dans ses orphelinats à Varsovie entre les deux guerres mondiales, son activité d’enseignant et de formateur, son implication constante depuis le début du XXème siècle dans la presse, à la radio et jusque dans l’enfer du ghetto, lui ont valu d’être considéré comme le père spirituel des droits de l’enfant, auquel on associe volontiers Maria Deraismes, de culture maçonnique, Ferdinand Buisson de culture protestante et Maria Montessori de culture catholique .


Janusz Korczak dénonce avec vigueur le manque de considération dont souffrent les enfants, à la maison comme à l’école, entretenu par l’égoïsme, l’ignorance ou l’orgueil des adultes. Il revendique, au nom des enfants, leurs droits à être ce qu’ils sont, c’est-à-dire des êtres humains non pas en devenir, mais à part entière, qui méritent respect, écoute et confiance. Peut-on faire semblant de vivre ? « La hiérarchie des âges n’existe pas » nous dit le pédagogue. Publié pour la première fois plus d’un demi-siècle avant la ratification de la convention internationale des droits de l’enfant, ce manifeste est toujours frappant d’actualité.

Les travaux de Janusz Korczak qui ne se contentait pas de dire et d’écrire mais qui faisait, contrairement à beaucoup de soi-disant experts, peuvent toujours être exploités aujourd’hui. Je pense notamment à la notion de sanction différée que j’ai moi-même expérimentée avec enthousiasme dans des écoles où la violence s’était gravement développée. Le regard de Korczak sur les dangers de l’humiliation, souvent involontaire et inconsciente, est salutaire. Les traumatismes produits sont de nature à renforcer des rejets de l’école, ils surgissent parfois de nos mémoires des dizaines d’années plus tard. A cet égard, actuellement, les excès d’évaluationnite et du « teaching for testing » ne sont pas sans conséquence sur l’état des enfants et des jeunes. Mais les snobismes technicistes tendent à effacer l’humain si généreusement décrit par Korczak.

Ce beau texte est complété par la déclaration universelle et des annexes. Frédéric Jessu et Bernard Defrance, vice-présidents de DEI France (section français de défense des enfants International), signent la préface et s’interrogent : « Et si, aujourd’hui, nous mettons les enfants à l’école, n’est-ce pas essentiellement pour leur poser une question dont nous sommes incapables d’esquisser la réponse : comment vont-ils s’y prendre pour que leur histoire soit un peu moins sanglante que celle de leurs pères et de leurs maîtres ? ». On pourrait ajouter « et moins violente que celle du système ultra libéral qui se met en place dans une certaine indifférence » ; Nous sommes alors très loin des définitions de grammaire et de la table de Pythagore ou des « nouveaux vieux programmes » de 2008.

Un très beau petit livre, pas cher, à mettre dans toutes les bibliothèques pédagogiques et sur les bureaux et tables de nuit de tout éducateur.


Pierre Frackowiak



Janusz Korczak , Le droit de l’enfant au respect, Paris Fabert 2009, 135 pages.