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Par Sandrine Lelièvre

Comment transmettre la mémoire de la Shoah aux élèves ? Mémoire demain est un DVD réalisé par l’Union des déportés d’Auschwitz (UDA), avec le soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et de la Ville de Paris. Il offre 8 heures de témoignages sur Auschwitz, enregistrés sur les lieux mêmes, la rampe, le camp de quarantaine, la baraque des femmes, le camp des familles, le camp des Hongrois, le camp des hommes, le camp des Tsiganes… Accompagné d’un livret pédagogique, « Mémoire demain » est un outil efficace à utiliser aussi bine en 3ème qu’en terminale. En témoigne Sandrine Lelièvre qui a utilisé ce DVD en classe.

Il me semble que le premier écueil à éviter dans l’utilisation du DVD par le professeur est de faire un cours sur le DVD et non plus un cours sur l’étude des mécanismes de destruction des Juifs au niveau européen. Un cours d’histoire se construit par la confrontation de documents. C’est pourquoi j’ai d’abord modifié la fiche de M. Claude Dumond (ci-jointe) en y ajoutant le génocide par balles et la mort dans les ghettos grâce aux documents du manuel des élèves. La fiche me paraît être un support important dans la mesure où elle guide le raisonnement. Elle permet aussi à l’élève de questionner une source historique, de comprendre l’articulation entre les différents témoignages et leur complémentarité. La trace écrite est guidée ou dictée par le professeur après les réponses orales des élèves.

Quelle place pour l’émotion ?

Je me suis également interrogée, comme beaucoup de mes collègues, sur la part du sensible, de l’émotion dans l’étude de cet évènement. Je pense que la qualité du DVD permet de ne pas tomber dans cette difficulté. En effet, l’utilisation de cartes et de plans, la volonté d’utiliser un vocabulaire approprié et le découpage en séquences mettent à la fois en valeur et en perspectives les témoignages. Toutefois, il reste au professeur de faire son travail, c’est-à-dire d’interroger la source pour la conceptualiser et la contextualiser. Ce qui m’a paru le plus difficile est le choix à opérer parmi les huit heures de témoignages. J’ai choisi de ne pas montrer les descriptions d’assassinats les plus dures ainsi que les témoignages de Mandelbaum Henryk sur les lieux des fours crématoires. La séquence appelée Krematorium décrit de façon explicite le déroulement des faits. De même, il ne me semble pas judicieux de laisser un élève seul devant son ordinateur, pour découvrir les témoignages. La présence d’un adulte qui l’accompagne est indispensable.

L’amorce de débats passionnants

Ce travail n’empêche pas l’émotion. Au contraire, les élèves comprennent bien que les témoins ne se plaignent pas mais qu’ils racontent leur vécu. Je crois que si un évènement est compris et ressenti, il n’en est que mieux retenu. Volontairement, j’ai choisi de m’asseoir au milieu de la classe, à leur niveau, pendant le visionnage des témoignages dans le but de séquencer le cours entre le témoin et la prise de parole du professeur qui explique et qui met à distance. Néanmoins, il m’a fallu maîtriser la curiosité pour ne pas être débordé par le temps, leur faire comprendre que l’on ne peut pas tout voir du DVD. Le niveau de concentration et de compréhension du vocabulaire était très satisfaisant. Certains réagissent comme si le témoin se trouvait devant eux (pleurs dans la classe, discussions à la fin du cours ou avec d’autres collègues plus tard). L’identification est forte. Les élèves ont été très réceptifs à la qualité technique du DVD. En effet, il s’agit d’un outil « moderne » qui met en dynamique les acteurs d’un évènement sur les lieux mêmes de l’action. Les débats et les questionnements ont été nombreux, très enrichissants et d’un bon niveau (Peut-on qualifier les bourreaux d’ « hommes ordinaires » ?; Quelle est la part de la responsabilité individuelle dans ce crime collectif ?; Comment a-t-on gardé les preuves de ces assassinats ?…)

L’exploitation pédagogique du DVD Mémoire Demain est passionnante. Cet outil ouvre de nouvelles perspectives dans l’enseignement de la Shoah dont pourront bénéficier les élèves.

Fiche pédagogique : un exemple de séquence pour des élèves sur la page :

http://www.cercleshoah.org/spip.php?article67

« Mémoire demain » : fiche pédagogique

Par Claude Dumond

Projet pour une heure de cours en classe entière

Montage de 38 mn et réponses à des questions prévisibles

– Donner aux élèves

Le texte du commentaire des cartes du début pour leur éviter de prendre des notes sur un discours très dense.

– S’arrêter 30s sur le plan général pour expliquer où les témoignages ont lieu : la Judenrampe, Auschwitz et Birkenau, l’usine de l’Union Werke

– Ecoute de témoignages

(Mettre ces témoignages dans le classeur au préalable)

1) La sélection à l’entrée et l’assassinat immédiat

1 Léa Judenrampe : Toute ma famille, mes parents et douze enfants 4’12

2 Van Ryb Judenrampe : Ceux qu’on mettait dans les camions 1’39

2) L’entrée dans le camp et la déshumanisation

3 Yvette Lévy Birkenau 27 Sauna centrale : C’est la pièce où on a perdu notre dignité 2’18

4 Yvette Lévy Birkenau 22 BIIe: On a été tatouées 0’59

5 Raphaël Auschwitz 10 Block 11 : Un de mes camarades a eu un œil presque arraché. 2’55

Simone Veil Birkenau 20 BI : Tout était fait pour nous humilier 2’30

Liliane-Ida-Léa Birkenau 11 BI : L’appel c’est un moment très dur 2’10

Ginette Birkenau 19 BIb : Rondelles de saucisson contre épluchures 1’23

3) La hiérarchie dans le camp, les bourreaux

VanRyb Birkenau 18 B1b : Les privilégiés c’étaient les criminels 3’02

VanRyb Auschwitz 1 BI : Il y avait un kiosque pour les familles des SS 1’23

4) Le Travail

Simone Veil Birkenau 20 BIb : Une des grandes activités c’étaient les travaux inutiles 1’31

Liliane Birkenau 23 B23 : On portait des rails de chemin de fer

Raphaël Union Werke : On m’a attaché à un SS fou 3’35

Ida Union Werke : On venait travailler pour l’Allemagne, on était pas enchantée 2’52

5) Les sélections des êtres inutiles

Yvette Lévy Birkenau 22 BII : Si le SS montrait sa baguette vers vous 2’50

Raphaël Auschwitz 4 : Je les ai vus partir à la chambre à gaz 1’59

André Rogerie Birkenau 25 BIIF : Des camions entraient dans le camp des Tsiganes 2’04

6) Déportation des Juifs et déportation des Résistants

André Rogerie Birkenau 25 BIIF : Déportation de répression et déportation de persécution 1’14

Total : 38’38

Mémoire demain : Questions pour les élèves

Par Claude Dumond

Séquence 1

Pourquoi les personnes amenées à Auschwitz étaient-ils confiants en montant dans les camions ou en voyant leurs proches y monter?

– Conditions épouvantables du transport

– Pas pensable que l’antisémitisme des nazis aille jusqu’à l’assassinat

Qui Léa et Nathan ont-ils perdu à Auschwitz ?

La Shoah : un assassinat de masse, inimaginable, dont les enfants, les vieillards, les faibles sont les premières victimes. Des hommes et des femmes amenés de toute l’Europe dans des conditions qui relèvent du sadisme.

Séquence 2

Quels sont les procédés utilisés par les nazis pour déshumaniser les déportés ?

– dès l’entrée dans le camp ?

– dans la vie quotidienne ?

Pourquoi traiter des hommes et des femmes comme du bétail sans intérêt ?

– Quel est l’effet attendu sur les victimes ?

– Quel est l’effet attendu sur les bourreaux ?

La déshumanisation, les hommes et les femmes traités comme un bétail sans intérêt, la logique de l’idéologie nazie

Séquence 3

Pourquoi les SS ont-ils établi cette hiérarchie décrite par Nathan Vanryb ?

Pour chaque élément de cette hiérarchie essayer d’énoncer les mobiles qui font des ces hommes et de ces femmes des assassins ?

Pourquoi a-t-on pu dire que ces assassins sont des hommes ordinaires ?

Les nazis, les premiers responsables du génocide, ont créé un système qui formait des complices plus ou moins consentants

Séquence 4

A qui profite le travail des déportés ?

Pourquoi les conditions de travail épouvantables dans le camp ?

Le système concentrationnaire provoque la mort des déportés mais aussi permet leur exploitation au service des intérêts de la SS et de l’Allemagne nazie

Séquence 5

Qui en dehors des Juifs a été systématiquement assassiné à Auschwitz ?

En quoi la sélection est-elle au cœur de l’idéologie nazie ?

La Shoah s’inscrit dans la logique nazie pour qui la » sélection » ne concernait pas que les Juifs même si ceux-ci ont été les principales victimes.

Séquence 6

Qu’y a-t-il de commun et de différent dans la déportation politique et dans la déportation de persécution ?

Les déportés politiques savaient qu’ils risquaient leur vie, les Juifs ne pouvait imaginer qu’ils pouvaient être condamnés à mort pour la seule raison qu’ils étaient nés juifs. Les uns pouvaient retrouver des camarades de combat dans les camps, les autres, déportés en famille, voyaient leur proches assassinés dès l’arrivée ou menacés de l’être à chaque instant .

Témoignages où autres documents en réponse à quelques questions prévisibles d’élèves

1) Y a-t-il eu des évasions ?

Cliquer sur « Rechercher » –> Lexique –> évasions

2) Y a-t-il eu des révoltes

Charles Baron Birkenau 2 B « C’était la règle de mourir ici » 1’21

Ida Grinspan Auschwitz 14 « Il y avait une potence à 2 cordes » 4’36

3) Comment ces témoins ont-ils pu survivre

Ginette Birkenau 19 BIb Il n’y avait pas de loi 1’13

Simone Veil Birkenau 20 BIb Tu es trop jolie pour mourir 2’25

Madeleine Birkenau 19 BIb On savait qu’on n’était pas là pour rien 1’30

4) Existait-il des solidarités dans le camp ?

Liliane Ida Léa Birkenau 10 BIb « On s’est tout de suite attachées les unes aux autres » 2’00

Yvette Lévy Birkenau 22 BIIe « Elle me soignait comme si j’étais sa propre fille » 1’14

Raphaël Union Werke « J’avais rencontré une jeune fille à Drancy » 3’21

5) Que sait-on des derniers moments de tous ceux qui sont montés dans les camions dès l’arrivée

Cliquer sur « Menu » ? « Histoire » ? « Krématorium II » 2’41

6) Pourquoi avoir utilisé le gaz pour assassiner les déportés

Cliquer sur « Menu » ? « Histoire » ? « Historique des gazages » 4’13

7) Demandes de précisions sur un ou plusieurs témoins

Cliquer sur « Témoins » ? sur le témoin ? « Biographie »

8) A quelles dates les camps d’Auschwitz et de Birkenau ont-t-ils été construits ?

Cliquer sur « Menu » ? « Histoire » ? Historique d’Auschwitz

Voir aussi : Simon Gutman Birkenau 3 BIID « On a construit Birkenau » + sa biographie 1’07

9) Que sont devenus les SS et les responsables après la guerre ?

Cliquer sur « Rechercher » ? Lexique ? Procès

10) Les témoins ont-ils été libérés par l’Armée rouge à Auschwitz ?

Liliane, Raphaël, Ida, Sarah Auschwitz E « Evacuation » 5’12

Texte d’introduction pour mettre dans les classeurs :

L’Allemagne nazie, totalitaire, raciste et antisémite étendit sa domination sur une grande partie de l’Europe, entre 1938 et 1942, par annexions, conquêtes et établissement de régimes alliés.

La destruction systématique des Juifs d’Europe fut d’abord mise en œuvre en Union Soviétique par les Einsatzgruppen qui exécutèrent, principalement par balles, plus d’un million de Juifs, entre 1941 et 1944.

En Pologne, près de 3 millions de Juifs furent initialement enfermés dans des ghettos ; plus de la moitié d’entre eux furent ensuite assassinés par gazages, dans des centres de mise à mort, créés à Chelmno, Treblinka, Sobibor et Belzec.

La majorité des autres périrent dans les ghettos, des camps de travail et les camps de concentration-extermination de Majdanek et Auschwitz–Birkenau.

Le complexe concentrationnaire d’Auschwitz-Birkenau-Monowitz et sa quarantaine de camps annexes devinrent, entre 1942 et 1944, le principal centre de déportation et de destruction des Juifs du reste de l’Europe occupée.

De 1940 à 1945, 1 300 000 personnes furent déportées à Auschwitz-Birkenau dont 1 100 000 Juifs.

Près d’un million d’entre eux furent exterminés par gazage, d’autres par la faim, l’épuisement, les coups.

Plus de 100 000 prisonniers de guerre et internés politiques, notamment Polonais et Soviétiques, ainsi que des milliers de Tsiganes, y furent également anéantis.

Claude Dumond


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