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« construire le sens d’apprendre, dans l’altérité »
remeryLe sens d’apprendre, c’est ce qu’il y a à reconnaitre, dans tous les sens du terme, pour que les élèves ne confondent pas la norme scolaire avec une normativité extérieure à subir.
« La disqualification intellectuelle peut entraîner, pour certains élèves, une disqualification identitaire qui les amène à redouter l’épreuve scolaire, à ne pas oser répondre pour ne pas risquer d’être « pris en faute », faute de comprendre ce qui se passe sur la scène scolaire : « j’ai raté, je suis nul ». Perçu comme « en difficulté » dans leur essence et leur être, ces élèves ne trouvent, comme solution pour ne pas perdre la face et conserver l’estime de soi, d’autre logique que de s’opposer, de résister. »
Nombre de parents, revenant à l’Ecole, font part de cette violence subie et s’excusent de ne pouvoir « être à la hauteur ».
« Nous pensons au contraire que c’est dans l’activité que se construit le rapport au savoir et à l’autorité, pour sortir d’un rapport utilitariste à l’Ecole, de rapports affectifs aux enseignants, s’inscrivant uniquement dans le passage de classe en classe et un avenir incertain. »
remeryCertains facteurs internes à l’Ecole peuvent jouer, y compris à l’insu des enseignants, à mesure que la déchirure sociale entre les « eux » et les « nous » creusent les écarts. Au contraire, pour C. Passerieux et le GFEN, certains types d’activité, certaines modalités contribuent à les faire s’engager. Les élèves se mobiliseront d’autant mieux sur les textes que le contenu rejoindra leur émotion, leur histoire, leur préoccupation. « Quelque chose se crée de la relation aux autres, qui n’est plus piloté par les affects, mais médié par les objets culturels ». Lorsque les contenus ont une portée anthropologique, qu’on comprend l’histoire de l’écriture, son évolution et son ancrage culturel, il comprend mieux le lien entre ce qu’il est et ce qu’il fait là, et cela a un impact sur son comportement : il déplace son regard sur l’Ecole, il comprend qu’il est à la fois l’héritier de l’Histoire et de ses histoires singulières.
Lorsque les situations invitent les élèves à se dépasser, ils s’engagent souvent davantage lorsqu’ils comprennent qu’il faut passer par les autres (enseignants, élèves, cultures) pour résoudre le défi. « mets ton pull, il fait chaud » ou « le chat mort est-il vivant ? » amènent à regarder différemment le mone, à déconstruire ce qu’on croit savoir, à avoir besoin de l’interprétation des autres pour affirmer la sienne, que la réponse n’est pas toujours disponible immédiatement, mais qu’il faut prendre le temps et faire l’effort de la construire, por peu que le guidage de l’enseignant évite de se perdre dans des chemins de traverse stériles. De la même façon, le projet permet de s’engager dans le futur à plusieurs.

« Dans un contexte où l’idéologie du handicap socio-culturel est de plus en plus présente, et qu’il faudrait donner moins à ceux qui sont faibles, il est efficace de faire vivre des réussites à des problémèes exigeants, pour modifier le sens de ce qu’on vient faire à l’Ecole. »
la difficulté pour l’enseignant est de construire un cadre contraint par lLactivité, et ouvert aux cheminements singuliers…
Mais comment faire ? remeryDans les démarches inventées dans le cadre collectif du GFEN, ce n’est pas le dispositif qui prime, mais l’objectif en terme de contenu d’apprentissage à atteindre. Le cours magistral peut être une réponse, pour peu qu’il réponde à des questions qu’on a pris le temps d’identifier et de faire surgir pour initier le travail intellectuel.
De la même manière, le travail individuel, en petits groupes ou en grand groupe peut se révéler plus ou moins productif, si on n’a pas clarifié les enjeux du travail, qui sécurisent les élèves (on sait vers où on va), rendent intelligibles les attentes du scolaire et évitent aux élèves de se laisser porter de situations en situation.
Quand on ne sait pas où on va, on se perd : tous les élèves connaissent-ils le rôle du brouillon ? Comprennent-ils ce qui est attendu dans les tâches, comme le décrit bien l’exemple cité par S. Bonnery lorsque l’élève apprend par coeur la carte de géographie sans savoir qu’il va être interrogé sur une autre carte, et met l’origine de son échec sur la mauvaise volonté du professeur envers ses pairs de la cité ?
De même, le but de l’activité oriente le travail, conditionne les procédures, mobiliser le déjà-là. Lorsque une enseignante explique ce qui doit être appris, et comment o »n va s’y prendre pour réussir, elle ne change pas grand chose dans son travail, mais elle change tout dans la tête des élèves. » Elle constate alors la baisse de l’agitation, l’augmentation des pratiques d’entraide, la limitation des demandes d’aide des élèves. A l’inverse, l’élève de maternelle qui a fini sa tâche, faute de savoir ce qu’on attend de lui, continue à coller ses gommettes lorsqu’il a fini, déclarant avoir « bien collé les gommettes sur toute la feuille sans en laisser une seule. »
remeryContraindre à définir les étapes de l’action, clarifier les procédures, prendre le temps de la suspension, gérer le temps imparti sans dépasser, c’est installer des « filets de sécurisation » qui vont progressivement entrainer l’apaisement, la rencontre avec les autres. L’élève y percevra progressivement que les autres, dans les tâches scolaires, ne sont pas des ennemis, mais des alliés. « Il faut donc rendre ces collaborations nécessaires en leur permettant de réélaborer ce qui est attendu en le traduisant dans leurs mots. »
Revenir sur son expérience, sur ce qu’on a fait pour mieux s’en décrocher ou comprendre les ressorts de la situation, les cheminements de la pensée, tout cela renforce le sentiment que le résultat de l’activité excède le but initialement fixé : réussir le problème, certes, mais aussi écouter les autres, gérer le temps, convoquer ce uq’on sait déjà… On recompose donc les mobilses d’apprendre. On ne nait pas élève, on le devient en étant confronté aux apprentissages scolaires et aux conditions de ses apprentissages.
Vivre ensemble, ou apprendre ensemble ?Pour les enseignants, le risque de renoncer à la transmission de savoir au profit de la paix sociale est réel, face aux prescriptions, … « C’est pourquoi la seule course aux petites ficelles a des effets mortifères, pour tenter de mainteneir un pouvoir-leurre, car à reconquérir à chaque minute, s’il n’est pas inscrit dans le cadre normatif qui fait autorité« . Il ne fait que renforcer l’angoisse des élèves face à un prof absent à lui-meême, et non disposible à eux. La normalisation des comportements, comme une imposition sans sens, est promise à la faillite. Au contraire, les contraintes des normes de savoir libèrent et permettent d’accéder à de nouveaux pouvoirs, pour peu que l’enseignant allie empathie et exigence, croyance dans la réussite possible et cadre de sécurité imposé sans discussion. Leur renvoyer que « c’est possible », qu’on est là pour « ne pas abandonner » en accompagnant leur propre réflexion, en les contraignant progressivement à réfléchir par eux-me^me, seul et à plusieurs, pour sortir de l’impasse. Leur dire : « Rien est joué, et la balle est dans ton camp, si tu veux bien t’en saisir, et accepte que personne ne fera à ta place ».

La mission de l’école n’est pas de vivre ensemble, mais d’apprendre ensemble. Pas de magie dans les pratiques, mais un questionnement sur ce qui sous-tend l’action, et de pratiques en cohérence avec ses valeurs.C’est difficile à tenir tout seul. « S’il y a un message à faire passer aux débutants, c’est de ne pas rester seul, sauf à se condamner à la désepérance. la dispute sur le métier. S’empoigner pour de bon sur nos conceptions, renforcer la « dispute sur le métier », rien de plus efficace pour défendre le métier« , comme dit Yves Clot.