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« c’est la classe qui fait autorité »
remerySe plaçant d’entrée de son point de vue, la pédagogie institutionnelle, Jacques Pain soutient que le problème de l’autorité a été largement « construit » par l’univers médiatique. Rappelant que la thématique de la « violence » fut longtemps tabou, durant les années 80, au fur et à mesure que des signes s’installent dans les établissements difficiles, notamment dans les lycées professionnels. Revenant en détail sur sa trajectoire personnelle et ses rencontres, qui laissèrent de marbre la plupart des jeunes stagiaires composant la salle, il précise enfin son idée forte : l’autorité n’est pas la violence, et la violence n’est pas l’autorité. Pourtant, l’idée de collaborer avec la police, dans certaines conditions, ne le heurte pas, pour peu que ce soit un travail de réseau social en profondeur, comme il le constata avec la police de proximité aux Mureaux, il y a quelques années.

« L’autorité, c’est d’abord le pouvoir de l’auteur, l’autorisation. D’Alembert le reconnaissait déjà au XVIIIe siècle. Avoir de l’autorité, c’est avoir des droits d’auteur. Un concierge, un éducateur de boxe thaï peut en être le portier. Ils font transfert, au sens clinique. Ils ont décidé qu’ils s’autorisaient à agir, à faire quelque chose. L’autorisation, c’est l’assemblée constituante de l’autorité : dans un groupe, quelqu’un devient un leader, une clé qui fait consensus démocratique, par transfert et contre-transfert ».
Ce qui l’intéresse n’est pas l’autorité « redressante », « décificitaire », « par défaut » qu’il voit parfois dans certaines classes-relai, mais l’autorité inscrite dans un cadre qui permet d’instaurer le PSG (pouvoir-savoir-grandir). Il cite la recherche des Bourseaux, en ligne sur son site, qui valide l’hypothèse des aphorismes de F. Oury, initiateur de la pédagogie institutionnelle : désir + compétence = activité (ou enseigner ?). L’autorité éducative n’est donc pas l’autorité naturelle.
Ces « enseignants qui réussissent », les « experts », ont certes des dimensions personnelles, mais pensent le groupe, la classe, la structure de travail, d’un point de vue psychosocial, mais aussi en se centrant sur les savoirs, avec les remises de ceintures symboliques au cours desquelles les jeunes viennent présenter à un jury ce qu’ils savent faire, et comprennent comment leur comportement peut les aider à être reconnu différemment. « Mais il ne faut pas tomber dans la névrose organisationnelle, il faut laisser des trous dans l’emploi du temps, des lieux où on n’a rien a faire ».
Instituteur, institution… C’est le maître qui décide… Décidément, J. Pain n’aime pas trop le mot professeur…

remeryJean-Louis Auduc lance la première rafale de questions : « Peut-on réfléchir à l’autorité dans la classe sans parler des problèmes de société ? Et n’y a-t-il pas des différences importantes entre le premier degré, ou l’enseignant gère toute la temporalité, et dans le second degré caractérisé par le fractionnement des intervenants, et donc où c’st l’établissement qui est le lieu d’autorité ? »
Réponse également en rafale de J. Pain : « Que les familles soient accablées est un fait, et c’est la preuve qu’on ne peut pas faire tout seul. Et que le collège soit morcelé est une réalité… C’est pourquoi j’ai toujours été « engagé », pour m’emparer des latitudes qui étaient les miennes, dans les groupes desquels je faisais partie. Rien de pire que la dé-socialisation à laquelle nous assistons aujourd’hui. N’attendons pas les votes favorables, et agissons avec l’objectif de résoudre les problèmes immédiats qui se posent à nous, autrement qu’en réclamant les sécurisations brutales. C’était au Moyen-Age, avant Sarkozy« .
De la salle, on prend la balle au bond : l’Ecole ne saurait être le seul lieu de l’autorité, quand tous les autres secteurs implosent, où on passe de l’égalité à l’équité, où le travail est chronométré, où la violence « vous met le nez dans le paradoxe », ou la souffrance au travai amène au suicide. Faites attention à votre santé mentale, soyez détendus, c’est le plus dur… L’égalité, ça se construit..

« Mais si un enseignant ne se sent pas assez compétent pour mettre en place ce que vous préconisez » ? oppose un formateur issu du premier degré. « C’est bien le problème. La formation ne travaille sans doute pas assez à renforcer chez les enseignants ce sentiment de compétence. Il ne faut pas avoir de l’autorité préalable pour monter un conseil. Ca s’apprend à plusieurs, pour théoriser, prendre de la distance affective. Surtout, ne pas rester seul, mettre des débrouilleurs, des interfaces… »