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Peut-on réformer l’Ecole ? C’est l’aboutissement d’un marathon lancé dès l’arrivée de François Hollande au pouvoir. Vincent Peillon présente la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école au conseil des ministres du 23 janvier. Rédigée dans des conditions particulières, la loi est critiquée à la fois par ceux qui la jugent insuffisante et ceux qui trouvent qu’elle va trop loin trop vite. Elle amorce un changement sensible pour l’Ecole. Pour achever la refondation il faudra faire passer encore de nombreux textes, décrets et circulaires. Il faudra aussi faire lever le vent du changement dans les établissements…

« Le président nous a demandé de faire une loi courte ».

« Première loi d’orientation du quinquennat », comme aime le dire V Peillon, le texte, que nous nous sommes procuré, a sensiblement évolué depuis sa première mouture publiée par le Café. Mais, même s’il gagne 6 articles supplémentaires, il reste sommaire. L’expérience de 2005 et de nombreuses lois suivantes ont amené le ministre à faire un texte assez sec de façon à éviter le risque d’annulation en Conseil constitutionnel. Il laisse au domaine réglementaire et administratif des points très importants mais qui ne relèvent pas du législatif. La loi s’intéresse finalement à la formation des enseignants, au socle commun, à l’organisation des enseignements, au primaire, au numérique, à l’orientation, à la décentralisation et à la morale laïque. C’est dire que sur bien des points l’essentiel du changement sera inclus dans des textes non législatifs. C’est le cas par exemple de la réforme des rythmes scolaires.

Priorité à la formation des enseignants

« Les pays qui améliorent leurs résultats sont ceux qui améliorent leur formation des enseignants ». Vincent Peillon veut faire de la formation des enseignants le fondement de la refondation. C’est un des points pour lesquels la loi fixe la calendrier (rentrée 2013) et entre dans les détails. La loi supprime les Iufm et crée les Espe. Ils  » organisent… la formation initiale des futurs enseignants et des personnels d’éducation et participent à leur formation continue ». Celle-ci  » inclut nécessairement des enseignements théoriques, des enseignements pratiques et un ou plusieurs stages », ce qui est une façon de reconnaitre la formation professionnelle des enseignants. Enfin les Espe accueillent aussi bien les futurs enseignants de l’enseignement scolaire que ceux du supérieur ou des professionnels de l’éducation. C’est un autre point qui démarque le projet Peillon. La loi définit les missions et le fonctionnement des Espé. Mais l’essentiel de la formation se trouvera dans un cahier des charges qui reste à établir. Les Espe consommeront la moitié des postes créés dans l’éducation nationale durant le quinquennat. Un millier de postes de formateurs sera créé. Quant aux stagiaires, ils représenteront 26 000 postes. Chaque stagiaire enseignera à mi temps pour un salaire à temps complet. La formation continue du secondaire reste dans le brouillard. Au primaire on sait qu’une formation à distance sera incluse dans les 108 heures annuelles.

Priorité au primaire

Sur les 21 000 postes d’enseignants titulaires qui seront créés durant le quinquennat, 14 000 iront au premier degré : 3 000 pour la scolarisation avant 3 ans, 7000 pour le plus de maitres que de classes et 4 000 pour améliorer l’équité territoriale.

La maternelle est redéfinie ainsi :  » La formation dispensée dans les classes et les écoles maternelles favorise l’éveil de la personnalité des enfants, conforte et stimule leur développement affectif, sensoriel, moteur, cognitif et social. Elle les initie et les exerce à l’usage des différents moyens d’expression. Elle prépare progressivement les enfants aux apprentissages fondamentaux dispensés à l’école élémentaire ».

L’école élémentaire est elle aussi décrite dans un sens qui va au -delà du fondamental.  » Cette formation assure l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance : expression orale et écrite, lecture, calcul, résolution de problèmes ; elle suscite le développement de l’intelligence, de la sensibilité artistique, des aptitudes manuelles, physiques et sportives. Elle dispense les éléments d’une culture scientifique et technique. Elle offre une éducation aux arts plastiques et musicaux Elle assure l’enseignement d’une langue vivante étrangère. Elle contribue également à la compréhension et à un usage autonome et responsable des médias ».

Le ministre met aussi en place une reforme des rythmes scolaires ainsi que des activités périscolaires. Celles -ci sont traitées dans la loi qui mentionne pour la première fois le projet éducatif territorial.

Le socle commun et les cycles

Objet d’une confrontation régulière lors de la concertation, le socle commun fait son chemin dans la loi mais reste partiellement dans le flou. La loi renomme le socle en lui ajoutant « la culture ». Elle précise que  » la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribuent l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité » mais aussi que « Les éléments de ce socle commun sont fixés par décret. » Pour Vincent Peillon le socle « doit être un tremplin et non un smic culturel ».

C’est aussi par décret que seront définis les cycles étant acté le fait que la maternelle constitue un cycle et qu’il doit y avoir un cycle cm2 – 6ème pour favoriser la dialogue école collège.  » Il est institué un conseil école-collège qui propose au conseil d’administration du collège et aux conseils des écoles des actions de coopération et d’échange. Le conseil école-collège peut notamment proposer que certains enseignements ou projets pédagogiques soient communs à des élèves du collège et des écoles. La composition et les modalités de fonctionnement de ce conseil sont fixées par décret ».

Le numérique exceptionnellement présent

Le numérique occupe une large place dans le projet de loi.  » Un service public de l’enseignement numérique et de l’enseignement à distance est organisé » afin notamment de  » proposer aux enseignants des ressources pédagogiques pour leur enseignement ». La loi hésite un peu sur ce qu’est l’éducation numérique. Elle  » s’insère dans les programmes d’enseignement et peut également faire l’objet d’enseignements spécifiques ». La loi règle deux problèmes sérieux. Le premier c’est l’exception pédagogique qui fait l’objet de l’article12. Le second c’est la maintenance du matériel qui est donnée par la loi aux départements et aux régions. La formation des enseignants au numérique se fait dans les Espe (art 42).

Les nouveaux conseils

La loi institue le Conseil national des programmes et le conseil de l’évaluation de l’Ecole. Tous deux sont composés de parlementaires et d’experts nommés par le ministre. Indépendants, ces conseils devraient remplacer le HCE. Les deux conseils correspondent à un souci de transparence porté par Peillon. On saura dorénavant qui fait les programmes scolaires par exemple.

La décentralisation en marche

Certains textes n’attendent pas la loi sur la décentralisation et sont inscrits dans la loi d’orientation. C’est le cas d’abord de la création de projets éducatifs territoriaux. C’est aussi l’attribution aux régions de responsabilités pour la carte des formations professionnelles. Ou encore de l’augmentation du nombre de représentants des collectivités territoriales dans les EPLE .

Le secondaire en attente de nouveaux textes

La loi dit peu de choses sur le second degré. Les dispositifs de sélection précoce, comme le DIMA, sont supprimés. Mais la loi prévoit le cas particulier des troisièmes professionnelles.

54 000 créations de postes

N’ayant pas valeur légale, l’annexe regroupe des éléments de programme qui mettent en perspective des points précis du projet de loi. C’est le cas des créations de postes. Sur les 60 000 fonctionnaires que l’Etat veut embaucher en plus des départs en retraite, 1000 devraient aller à l’enseignement agricole et 5000 à l’enseignement supérieur. Restent 54 000 postes pour l’enseignement scolaire. 21 000 postes d’enseignants sont prévus pour le primaire (14 000) et le secondaire (7 000). Sur les 14 000, 3000 postes alimenteront la maternelle, 4000 les écoles élémentaires et 7 000 pour le « plus de maitres que de classe ». La réforme de la formation devrait utiliser 26 000 postes de stagiaires et 1 000 de formateurs. Enfin le ministère crée 6 000 postes de personnels éducatifs et autres.

Et les enseignants ?

Est-on vraiment en face d’une refondation de l’Ecole ? Beaucoup en doutent, à commencer par Philippe Meirieu dans une tribune accordée au Café. La loi a omis d’aborder la question de la revalorisation des enseignants. Elle ne parle pas de l’évolution du métier. Vincent Peillon promet qu’il interviendra sur ces sujets. La loi n’évoque pas plus l’enseignement prioritaire. Ou encore l’évolution de la notation. Vincent Peillon promet de publier prochainement une circulaire sur ce point et une autre sur le redoublement qui en militerait le nombre. C’est dire que rien ne sera terminé avec le vote de la loi probablement cet été. Le texte devra être complété par de nombreux décrets et des textes complémentaires pour inscrire légalement les orientations de la loi. Il restera encore, et ce sera encore plus long, à la faire appliquer. Des expériences antérieures montrent que l’institution sait aussi peser sur l’application des textes pour faire passer ses propres représentations.

François Jarraud

Le texte de la loi