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Avec 78% de grévistes, chiffre officiel, la journée parisienne du 22 janvier contre la réforme des rythmes scolaires est incontestablement un très grand succès. Pourtant rien ne semble devoir stopper la refondation.

Les enseignants parisiens ont massivement répondu présents le 22 janvier à l’appel de la quasi totalité des syndicats parisiens : Snuipp, Se Unsa, Cgt, FO, Sud etc. Ils entendaient manifester contre la décision de la ville de Paris d’appliquer dès la rentrée 2013 les nouveaux rythmes scolaires. Mieux encore, de nombreux enseignants de banlieue ont spontanément participé au mouvement alors même que seuls les syndicats parisiens appelaient à la grève. C’est le cas dans le 92 à Issy-les-Moulineaux ou à Gennevilliers et dans le 93 à Pantin ou Saint Denis. Ainsi l’action parisienne démontre la réalité d’un mécontentement profond et d’inquiétudes que nous avons essayé de restituer le 22 janvier dans un reportage.

Mais ce remarquable succès ne saurait occulter les retombées négatives, encore plus lourdes de conséquences, du mouvement. La grève du 22 janvier est très largement condamnée par la presse. Ainsi, dans Les Echos, Francis Pécresse reconnait que « les maîtresses d’école ont pléthore d’excuses valables pour expliquer leur absence » le 22 janvier. Entre autre des conditions de travail difficiles, une rémunération inférieure à la moyenne européenne. « Cependant c’est un tout autre motif, injustifiable celui-là, que les fonctionnaires de l’école primaire ont choisi d’inscrire sur leur bulletin d’absence ». La quotidien évoque « une privatisation de l’école publique » par les instituteurs eux-mêmes. Le Monde est encore plus violent quand il dénonce « le corporatisme étriqué lamentable  » des enseignants qui semble « irréel » face aux résultats médiocres du système éducatif. Le moindre que l’on puisse dire c’est, qu’au moment où la réforme arrive devant le Parlement, les syndicats parisiens ont remarquablement échoué à faire comprendre leur mouvement.

Une nouvelle journée d’action attend enseignants et ministre le 23 janvier. Le Snuipp, FO, Sud invitent à des actions dans 101 villes. Les objectifs ne sont pas exactement les mêmes selon les organisations. Ainsi FO , qui appelle aussi les enseignants des lycées professionnels, demande l’abandon du projet de loi d’orientation présenté au conseil des ministres ce jour. Le Snuipp national demande au ministre d’établir un calendrier de la priorité au primaire.

Cette coalition aurait bien des arguments contre la loi d’orientation. Les enseignants ont raison de se plaindre de leur rémunération. Des représentants des communes ont fait part de leurs inquiétudes devant la mise en place des nouveaux rythmes scolaires. Ils craignent des coûts élevés et même de manquer d’animateurs de qualité pour encadrer les enfants. Ils ne se sentent pas capables d’opérer les choix demandés pour le mois de mars 2013. Les associations de parents sont également mécontentes. La territorialisation de l’éducation rompt avec la tradition centralisatrice française. L’enseignement prioritaire, les lycées, le collèges attendent le changement et l’arrêt des réformes Chatel. C’est dire que la loi apparait à beaucoup comme introduite trop tôt ou insuffisante.

Pourtant rien ne semble devoir arrêter la refondation. Les résultats décevants du système éducatif français aux évaluations internationales imposent une réaction aussi énergique que celle qu’a pu faire l’Allemagne à l’ensemble du système éducatif français. L’importance des sorties sans qualification crée là aussi une obligation. Les efforts exceptionnels consentis à l’éducation en pleine crise économique imposent des résultats aux acteurs de l’Ecole. Les résultats de Pisa montrent que certains pays ont pu redresser leur situation scolaire en quelques années. On peut citer la Pologne ou l’Allemagne par exemple. Le redressement est possible. Selon les il se fait avec des refontes souvent plus lourdes du système éducatif. Ce chemin s’impose et la loi d’orientation ne semble être qu’une première étape. La responsabilité des acteurs de l’Ecole est maintenant de dégager le meilleur point d’équilibre possible. Bloquer le mouvement c’est imposer aux enseignants une refondation subie.

François Jarraud

Reportage à Paris