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C’est au tour de Françoise Lantheaume, sociologue à l’université Lyon 2, directrice du laboratoire Education Cultures Politiques, rédactrice en chef avec patrick Rayou, de la revue Recherche et Formation, d’enchainer sur la question de « La professionnalité à l’épreuve du temps et de l’allongement des carrières ».

Comment les enseignants se maintiennent-ils comme professionnels ? Comment durent-ils sans tomber malades ? « C’est un petit miracle ! », dit-elle. Il y a peu de travaux de recherches sur les enseignants en fin de carrière, l’espace est peu investigué mais avec des enjeux certains. Françoise Lantheaume a donc mené une enquête exploratoire sur les enseignants (1er et 2nd degrés) qui durent dans le métier.

Elle commence par distinguer les politiques de professionnalisation de la professionnalité qui se construit avec les notions de temps (au sens de durée, un temsp fluide, continu, un temps qui crée), d’espace et d’interactions (entre enseignants, avec les élèves, avec l’environnement social). La professionnalité est un ensemble de gestes, de savoirs et de valeurs en permanence rééxaminés en fonction de nouvelles prescriptions et de nouvelles technologies.

Le développement n’est pas censé s’arrêter, c’est un processus qui n’a pas de limite, qui dure jusqu’à la fin de la vie professionnelle. « On pourrait parler de développement durable de la professionnalité », dit-elle avec un brin de malice dans les yeux.

Les caractéristiques sociologiques des enseignants en fin de carrière sont spécifiques mais ils ont aussi des problèmes de vie familiale, pas les mêmes que ceux des jeunes : problèmes de grands enfants et de parents âgés.

Comment peut-on faire advenir le meilleur et éviter le pire pour rester en bonne santé jusqu’à la fin en y trouvant du plaisir ?

L’allongement des carrières, le recrutement au niveau master, la retraite plus tardive mettent à l’épreuve les enseignants. La professionnalité est mise à mal, l’école n’est plus au centre du jeu dans les politiques locales, l’application des réformes réclame des compétences de traduction.

Pour durer, que font les enseignants ? Et l’institution ? Les solutions avancées sont souvent le

temps partiel, des horaires aménagés ou des classes « adaptées », la mutation, des

« secondes carrières ».

L’expérience peut être une ressource et une entrave à la professionnalité.

Le processus de professionnalité est vu sous l’angle de la plasticité :

prendre la forme du métier, les enseignants ont pris les gestes de métier

– et donner la forme au métier, créer, être productif pour actualiser les règles de métier, pour ne pas rester dans la pérennité du même.

Au quotidien, la capacité d’endurance, certes mais surtout la capacité d’inventer, jusqu’au bout , sont au coeur de la possibilité de « tenir », de maintenir l’engagement dans le travail et la satisfaction au travail, de rester en bonne santé.

Françoise Lantheaume fait des liens avec la formation. Comment celle-ci peut jouer sur la durabilité des enseignants ? Formation et organisation du travail, ce n’est pas la même chose. Certaines organisations du travail favorisent le développement de la professionnalité. La formation continue est la clé du maintien de la professionnalité, pour mener des débats sur les critères de qualité au travail. Elle s’interroge aussi sur la professionnalité des formateurs ?

La conclusion ne manque pas d’humour. « Il est dur de durer, mais si on éliminait les vieux enseignants, l’histoire du métier n’existerait plus. Mieux vaut vivre ensemble ! »

Une courte pause. Il fait très chaud. Tout le monde se précipite sur les verres d’eau. C’est l’occasion d’échanger son mail ou quelques mots. Et vite, on reprend les travaux.


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