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L’atelier mené par Sylvie Meyer-Dreux, du GFEN Paris, est intitulé « Sur une aile de papillon ». En quoi la contrainte, la technique, le modèle en arts plastiques permettent de libérer un processus de création et favorisent la production plus que le non directif ? En quoi les interactions langagières collectives font progresser les élèves dans les apprentissages et dans la création individuelle ? Les questions sont posées.

L’animatrice commence en disant qu’en arts plastiques à l’école maternelle, on est souvent écartelé entre le « laisser faire », laisser libre cours à l’imagination des élèves et leur apprendre des techniques, leur fournir des outils qui sont peut-être à donner ultérieurement à l’école élémentaire.

La démarche du GFEN que les participants vont vivre a été mis en place dans la classe de Pascale Moreau à Paris. L’enseignante est là pour témoigner de son travail et illustrer les propos de Sylvie Meyer-Dreux avec les productions de ses élèves.

Les participants à l’atelier vont donc, eux aussi, produire des « choses », appelons-les comme ça pour l’instant.

La 1ère consigne est de retranscrire ce que représente une aile de papillon, simplement avec des craies grasses et en utilisant tout l’espace du papier donné (un petit carré de 15×15 cm de différents papiers). C’est un travail individuel, puis en grand groupe, on fait une mise en commun, on décrit les productions affichées sur le mur, on commente. On passe donc par une phase de langage pour expliciter aux autres ce qu’on a voulu faire.

« J’ai joué sur le flou pour donner une idée de légèreté », dit l’une.

« En utilisant certains papiers plus fins ou en déchirant le papier, on n’a pas la même impression. – On joue sur la transparence avec le papier calque – Moi j’ai appuyé fort pour donner des couleurs vives à mon papillon – En chargeant avec la matière de la craie, en superposant les couches, cela donne une impression de cerner, d’appuyer, de délimiter avec une précision du trait », disent les autres.

L’animatrice organise les remarques et commence de les classer au tableau. Selon le support utilisé ou le geste, on a des rendus très différents.

On nous montre ce que les élèves ont produit et on nous livre le verbatim des commentaires échangés en travaillant. « La visée est de partir de là où ils en sont pour les faire progresser. A ce moment-là, on est en train d’organiser le « dire le faire » », commente Sylvie Meyer-Dreux.

La 2ème phase du travail est lancée en petits groupes, avec la consigne : trouver un maximum de techniques à partir des différents outils, supports et matériaux mis à disposition (coton, tissus, papier émeri, craies, encres, essence de térébenthine, etc.)

Une nouvelle fois, on affiche et on commente. A ce moment-là, on a fait des recherches, des essais avec les papiers ou les matériaux pour voir quels effets cela rendait.

« C’est un peu le hasard qui a fait les choses.

– Non, moi j’ai choisi mon papier, les outils pour un effet recherché particulier, toujours l’idée de représenter la fragilité de l’aile du papillon

– J’ai un peu oublié que je devais représenter une aile de papillon… »

L’animatrice continue à noter au tableau en organisant les mots collectés : les Supports, les Matières, les Outils, les Gestes et on arrive au classement par « SMOG ».

Il est question d’intention, de choix de tel ou tel outil ou support. Peut-on parler de création ? Pour certains, oui, pour d’autres sûrement pas. La controverse s’installe. Le but n’est pas d’être d’accord mais de réfléchir ensemble.

– « On est dans un moment de création avec des consignes drôlement précises et des contraintes prégnantes.

– Mais non, on n’est pas dans la création, mais dans l’expérimentation… »

Avec les élèves, la démarche est la même mais en plus on va faire acquérir des connaissances : on va recenser les différentes techniques en nommant précisément les outils et en utilisant le vocabulaire adéquat, on va apprendre ce qu’est à-plat, frottage, empreinte, grattage, etc… Ils ont maintenant le choix technique pour s’essayer, faire des recherches pour aller au plus près de leur intention, donc de leur création…

Dans une 3ème phase, que le groupe n’a pas eu le temps d’expérimenter mais que les élèves ont faite, on leur montre des photos projetées en grand, représentant des ailes de papillon prises en macro-photographie. Et on leur demande à nouveau de représenter l’aile de papillon en s’inspirant des photos vues. Cette 3ème série de productions est nettement plus riche que la 1ère et même que la 2ème.

La discussion reprend :

– « Mais qu’est-ce que créer ? C’est mettre en oeuvre une idée.
– Et l’idée de légèreté ?

– Une création, c’est un concept.

– Quand on écrase la craie par exemple, on expérimente la couleur avec des contraintes, c’est la création qui se construit.

– On s’essaie aux techniques, il n’y a plus d’aléatoire mais bien une intention.

– A partir du moment où je choisis une technique pour accomplir mon projet, à partir de là il y a création.

– L’enfant est-il conscient d’avoir fait une création ? L’enfant est-il créateur ?

– Je ne peux pas parler de mon œuvre avant qu’elle ne soit faite et c’est la résistance du matériau qui fait l’œuvre. »

La mise en mots de plus en plus affinée, la capacité à discuter pour élargir sa palette, expérimenter ce qu’ont fait les autres, dans un cheminement progressif permet qu’on qu’on amène les élèves à des démarches créatives.

Alors, œuvre, création, technique, contrainte ?… Pour ne pas trancher définitivement, le lecteur peut se reporter à ce livre « Place des artistes » de Christian Louis.

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