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A qui appartient l’EPS ? A la nation ? A l’inspection ? Au ministère ? Au Snep-Fsu, syndicat ultra majoritaire des professeurs d’EPS (85% des voix), on pense que l’EPS appartient d’abord à ses enseignants. Même si on est prêt à partager. Le Snep a lancé l’écriture à multiples mains d’un “manifeste pour l’EPS” qui doit conduire à des “états généraux”. Une démarche de refondation par le terrain qui se heurte au top – down traditionnel de l’éducation nationale mais qui marque l’implication très forte des enseignants dans leur métier et leur discipline. Avec l’arrivée du printemps, l’EPS bourgeonne…

EPS, sport scolaire, problématiques sociales : le “manifeste” évoque tout cela en 4 pages, également des débats très pointus sur la activités et leur organisation. Lancée en décembre dernier par le Snep, une première version a été amendée au gré de réunions organisées par le syndicat. Cela a permis d’écrire une version 2 qui suit le même parcours en ce moment. De réunion en réunion, le texte se peaufine.

Refonder par le bas une discipline c’est arbitrer entre ses enjeux, anticiper les évolutions. Serge Chabrol, secrétaire général du Snep, fait le point sur cette démarche et sur l’EPS “à la française” confrontée aux évolutions des autres pays.

Vous avez engagé le Snep dans une démarche originale, celle de repenser les contenus, la place dans l’éducation d’une discipline, l’EPS. Est-ce le rôle d’un syndicat ?

Le Snep est un syndicat particulier parce que c’est un syndicat disciplinaire. Nous avons une autre particularité : nous avons eu longtemps une formation continue importante et un ancrage pédagogique très fort. Nous faisons régulièrement ce travail d’interroger notre discipline. Par exemple il y a quelques années nous avons réuni des milliers de collègues pour les Epsiliades. L’an dernier nous avons organisé le colloque “Sport demain, enjeux citoyens”.

On a décidé de faire lé démarche du manifeste pour répondre à deux problèmes concrets que rencontrent les professeurs d’EPS. D’une part des programmes que la profession accepte mal. D’autre part une circulaire sur le brevet qui a des répercussions sur l’enseignement qui pose problème à la profession. Cela aboutit au fait que la profession est confrontée à l’impression d’un métier empêché. Les enseignants font face à des textes non négociés, des obligations de gérer les évaluations d’une certaine façon, des textes sur la discipline où ils ne se reconnaissent pas.

C’est aux enseignants de dire ce que doivent être les contenus d’une discipline ?

Ca serait à qui d’autre ? Qu’ils ne soient pas les seuls, on en est d’accord. La société, le ministère, l’inspection générale , les chercheurs ont leur mot à dire. Mais la moindre des choses c’est que les professeurs soient partie prenante dans la construction disciplinaire. Etre enseignant c’est avoir des responsabilités sociales fortes. Voilà pourquoi on a décidé de faire ce manifeste et d’aller jusque dans le détail des contenus. Les professeurs ont la volonté de pendre en charge l’avenir de la discipline.

Vous êtes en désaccord sur quels points avec l’inspection ?

L’inspection a voulu mettre ne place une matrice disciplinaire allant de la maternelle à la terminale. Ils ont bati les programmes autour de cette matrice, articulée avec des compétences propres à l’EPS qui organisent les activités physiques et sportives. Nous ne somme spas d’accord avec le classement des activités qui aboutit au fait,par exemple, que si on fait à la fois de l’athlétisme et de la natation, on travaille la même compétence. Ces regroupements d’activités nous posent problème. On souhaite reprendre le débat sur cette question mais l’inspection générale ne travaille pas assez avec nous.

Récemment un défi a été adressé à l’EPS par l’assimilation faite entre sport et eps. Où en est cette question ?

On ne sait pas trop depuis le changement de gouvernement. Il y a eu un rapport sur l’expérience “cours le matin, sport l’après-midi”. Le risque ce serait d’aller vers une eps de base, coupée du sport et dévolue aux seules compétences transversales. On espère que la nouvelle rédaction du socle commun ramènera à une meilleure conception de l’EPS. Pour nous, l’EPS doit être ancrée sur ses savoirs tout en participant aux compétences transversales. L’EPS n’est pas la discipline de la socialisation…

Eurydice a publié le 27 mars une étude sur l’EPS en Europe qui montre que la France accorde un temps d’enseignement particulièrement long à l’EPS : parmi les plus longs au primaire et le plus long dans le secondaire avec une durée double de la moyenne européenne. Qu’en pesnez-vous ?

C’est une spécificité française qui est liée au fait qu’on est aussi la seule discipline présente de la maternelle à la terminale.

Une autre particularité c’est qu’en France, comme en Allemagne et au Royaume-Uni, l’enseignement d’EPS au primaire n’est pas confié à un enseignant spécialiste. Qu’en pensez-vous ?

Cela fait débat. En France le primaire repose sur le maitre unique même si , en fait, là où c’est possible on constate que de plus en plus les enseignants du primaire font des échanges de service pour confier l’EPS à un enseignant qui fait STAPS en université.

Le rapport montre aussi les évolutions de la discipline en Europe. On voit que dans toute l’Europe du nord l’EPS est mise au service d’objectifs transversaux comme l’inclusion ou la santé. Ce n’est pas votre conception ?

On ne conteste pas l’utilité de l’EPS pour la socialisation ou la santé. Mais on conteste qu’on puisse développer ces objectifs transversaux en dehors des apprentissages ancrés sur des pratiques culturelles d’EPS. On ne veut pas qu’on éloigne l’éducation physique au nom de ces objectifs. Sinon ce sont les associations sportives qui viendront entrer dans l’école pour faire faire du sport.

La dernière particularité de l’EPS française, d’après Eurydice, c’est que c’est le seul pays où l’évaluation est uniquement sommative. Ailleurs l’évaluation est multiple (sommative, formative etc.).

C’est un jugement que je trouve trop rapide. La note d’ EPS ne provient pas que des performances de l’élève. Elle tient compte des comportements durant les activités par exemple.

Si un enseignant veut participer à l’élaboration du manifeste comment doit-il s’y prendre ?

Il peut réagir sur le site du manifeste. Mais on préfère qu’il participe aux réunions qui sont organisées dans les académies.

Propos recueillis par François Jarraud

Le manifeste

Etude Eurydice