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Le postulat de départ est évidemment l’idée que d’associer les parents à la scolarisation de leurs enfants est un facteur de réussite pour leur trajectoire scolaire. Une question introductive est posée qui permet de mobiliser les participants de l’atelier : « Si les enfants sont tous capables, de quoi le sont-ils ? Et comment le communiquer aux familles ? Qu’affirme-t-on ainsi aux parents ? »

L’animatrice Claire Benveniste classe le verbatim lors d’une rapide mise en commun. Elle organise en trois volets : quoi ? Comment ? Pourquoi ? Des réponses obtenues elle propose en objectif que « Tout ce qui fonde là les convictions de l’enseignant puisse faire sens et être contenu dans les rencontres avec les parents. » Elle propose d’essayer de transmettre aux parents ce qui se passe au niveau des apprentissages, comment on se mobilise, comment on fait sens, un défi donc pour partager avec les familles ce qui nous semble habituellement difficile à rendre lisible voire être l’essentiel du travail invisible de la maternelle.

Cet atelier propose de vivre en accéléré des situations utilisées en formation par le GFEN et qui reposent sur le choix de deux piliers de l’école parmi beaucoup d’autres. En écho aux propos de la matinée il s’agira encore de se focaliser sur le rôle du langage dans les apprentissages et le rôle du groupe.

L’animatrice expose les partis-pris comme les choix d’avoir évacué les préalables dont celui fondamental de « ne pas prendre les parents comme des pages blanches ». Nous sautons donc quelques étapes comme si un climat serein était déjà installé. Pour y arriver elle conseille de s’appuyer sur une démarche de Jean Bernardin en réunion de parents. Ce dernier propos en effet aux parents avant tout échange avec eux de réfléchir à ce qu’eux-mêmes ont déjà été en mesure d’apprendre à leurs enfants. Il s’agit de mettre d’emblée les parents en position de réussite. Pour une fois c’est l’école qui s’enquiert des réussites des parents plutôt que de se positionner dans une posture injonctive.

Pour illustrer le rôle du langage, l’animatrice s’appuie sur la démarche déclinée dans l’atelier 5 du matin sur l’entrée dans l’écrit en particulier l’épisode concernant la dictée à l’adulte qui illustre la nécessité du « parler précis » qui se construit dans les échanges. Elle indique que cette démarche est tout à fait transposable en réunion avec les parents d’élèves afin qu’ils accèdent à ce qui a fait sens pour les participants le matin à savoir la mise en lumière de l’activité cognitive des élèves qui prennent conscience peu à peu de ce qui est attendu d’eux et de leur construction de leur propre savoir. Vivre en réunion de parents cette expérience leur permet de comprendre la complexité de la tâche et qu’il faut se référer à un langage précis. Chaque parent peut aussi accéder au fait que construire cet apprentissage c’est très individualisé, que chacun le vit à sa manière. Les parents accèdent au rôle du langage qui construit la pensée pour ensuite permettre d’agir de manière plus réfléchie. Le fait de verbaliser va aider et favoriser la réussite. Le parent comprend que la tâche de l’élève ne relève pas de la soumission à une injonction « fais comme ci fais comme ça… » mais de l’analyse du geste.

Par l’exemple choisi ici, l’enseignant veut faire comprendre aux parents ce qui se passe quand on demande aux enfants de copier un modèle pour apprendre à écrire et montrer ce qui est derrière le geste d’écriture. L’animatrice cite Jean-Yves Rochex : « Entrer dans la culture écrite c’est modifier son rapport au langage et son rapport au monde, c’est se construire des modes des pensée qui viennent ordonner, raisonner, et donc transformer ce qui, dans l’expérience ordinaire, peut relever de l’usage et de la pratique implicites, non conscients. »

« Le savoir est la seule matière qui s’accroît quand on la partage » Socrate

Deuxième situation pour que les parents puissent accéder à la compréhension du rôle du groupe qui contraint à penser, ce qui est l’une des spécificités de l’école « on est dans un collectif et celui-ci va jouer dans les apprentissages de chaque enfant. » L’animatrice propose ici de faire vivre aux parents ce qui se joue dans un parcours en lecture (travail sur le sens, la levée des implicites…)

Comme support rien de tel qu’un album sans texte, ici c’est celui d’Antoine Guillopé, Loup noir qui est présenté encore une fois de la même façon qu’on pourrait choisir de le faire en réunion avec des parents d’élèves. Le rôle de l’animatrice (ou de l’enseignant) est encore une fois déterminant, par son guidage c’est elle qui invite à faire s’exprimer l’assistance et à verbaliser tout ce qu’on peut penser face à chaque illustration (la couverture et les intentions du loup puis chaque double-page en progressant dans l’album). Des débats contradictoires émergent, il faut justifier son ressenti en prenant appui sur ce qui fait sens : les illustrations et sa culture personnelle (ce qu’on sait des loups traditionnellement dans les histoires) et mettre en réseau ces différents éléments.

En fin de parcours on peut rendre visible le fait que l’on vient d’inventer là une histoire à partir d’images, on vient de savoir lire une histoire, on a travaillé la prise d’indices, décrypter les détails fins d’une image, fait des hypothèses entre ce qu’on voit et ce que l’on a connu antérieurement. Et accepté de remettre en cause parfois nos hypothèses personnelles. Dans un rapport individuel aux images, tout seul, toutes ces questions ne se seraient pas posées. C’est l’intérêt de passer par le collectif pour revenir à l’individuel. L’ « émulation » ou « émulsion » selon le lapsus de l’animatrice « est née de la confrontation. »

Pour les parents, on a rendu visible la complexité de la tâche de lecture. Et illustré un autre principe « c’est à plusieurs qu’on apprend tout seul ».

Lucie Gillet

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