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Par Antoine Maurice

Osons la danse Hip Hop ! Voici l’esprit de ce dossier que nous vous proposons. En effet, cette activité est souvent victime d’une connotation négative ! Pourquoi ? Et pourtant, cette crainte, méfiance n’est elle pas classique, dans le sens où ce qui est différent et qui représente un rapport à l’autre différent, interpelle, questionne… Paradoxalement, force est de constater que cette culture a toute sa place au sein de l’école. A la fois au service d’une démarche de création (voir tribune de François Baritiu), mais aussi dans la création d’un nouveau rapport à l’école, à l’institution, à l’autre. De plus, tout le monde peut-il l’enseigner ? En ce sens, des pistes sont proposées par certains auteurs à la fois à l’association sportive et en EPS (notamment Thomas Ramires et Julie Bergault). Alors, peut-on continuer encore longtemps à nier une activité qui frappe à la porte de l’école depuis déjà quelques années ?

Sommaire

Rencontre avec Thomas Ramires: Osons la Danse HIP HOP.

Par Antoine Maurice

On ne peut que constater l’engouement de nos chers bambins pour la culture Hip Hop de nos jours. Pourtant, si l’activité connaît une grande hausse au niveau de l’association sportive, elle reste encore très peu enseignée en EPS. Peur de se lancer pour certains, méconnaissance pour d’autres, nous vous proposons ce mois ci une rencontre avec Thomas Ramires, enseignant d’EPS et co-auteur d’un ouvrage concernant la Danse Hip Hop (« La danse hip hop », T.Ramires & D.Berillon, De l’école aux associations, Ed. EPS)

Bonjour, tout d’abord qu’est ce que le Hip Hop ou la danse hip hop ?

Bonjour, vaste question… néanmoins passionnante ! Pour être concis, je dirais que la culture Hip hop se caractérise par un esprit de défi (« battle ») et de dépassement de soi perpétuels sous fond de tolérance, de partage et d’échanges. Né au début des années 70 dans les rues de New York, ce mouvement, contestataire mais pacifique, trouve en Afrika Bambaataa un leader charismatique. Celui-ci fonde la Zulu Nation en 1974 dont le slogan est « Peace, love, unity and having fun ». La culture hip hop, véritable « way of life » (façon de vivre), s’exprime au travers de quatre grandes disciplines que sont le chant (rap, slam, beatboxing), le graffiti art, le deejaying (platines vinyles) et la danse. Adopter un certain style vestimentaire et une façon de parler peuvent renforcer l’appartenance à cette communauté. Ce sont lors de « block parties » (fêtes de quartier) que les adeptes de ce nouveau courant ont pu se rencontrer, se défier et s’exprimer…loin des gangs et des violences.

La danse hip hop est donc l’expression la plus physique, car touchant au corps, de ce mouvement artistique. Nous devrions d’ailleurs parler de « danses hip hop » au pluriel tant celles-ci proviennent de multiples métissages (rock, capoeira, salsa,…etc.) et s’expriment de diverses façons : en battle qui demeure son expression originelle, en chorégraphie (création), ou en freestyle. Les deux versants de pratiques majeurs, sans les opposer car complémentaires, sont les danses : Debout : locking, popping, boogaloo, hip hop dance, house dance, krump,…etc ; Et au sol (breakdance) : passe-passes, powermooves, freezes,…etc. En Break, les danseurs sont communément appelés des B-Boys ou des B-Girls. Si les danseurs du Rock Steady Crew (Crazy Legs, Ken Swift notamment), des New York City Breakers et des Electric Boogaloos en sont les précurseurs américains, les nations comme la France (Vagabonds, Wanted Posse, Pockemon, …etc.) et la Corée du Sud (Gamblerz crew, Morning of owl) se révèlent redoutables et participent de l’évolution perpétuelle des styles de danse.

De nos jours la danse hip hop, riche levier de création chorégraphique, investit les théâtres et autres scènes nationales comme Chaillot ou la Villette et possède de nombreux festivals comme celui de Suresnes Cité Danse. Des chorégraphes actuels comme Kader Attou (directeur du CCN de La Rochelle) ou Bouziane Bouteldja (Dans6T) n’hésitent pas à métisser danses contemporaine et hip hop afin d’explorer de nouvelles approches de cette danse urbaine.

Pourquoi écrire un ouvrage sur la danse Hip hop ?

Cet ouvrage a pour but de guider nos collègues dans l’utilisation de la danse hip hop dans le cadre scolaire, que ce soit en EPS ou en AS, mais aussi d’aborder le versant culturel très riche inhérent à cette pratique. En ce sens, David et moi militons effectivement à ce que la danse hip hop prenne place au sein du système scolaire, mais le but premier est avant tout de répondre à une demande grandissante de nos élèves.

Rétrospectivement, tout commence par ma rencontre avec la danse hip hop en 1999 avec une bande d’amis dans les rues de Tarbes et sa Maison Des Associations. Des balbutiements du début naît en 2001 la compagnie Dans6T sous l’impulsion du chorégraphe Bouziane Bouteldja, acolyte de toujours.

De la passion de cette pratique découle tout naturellement l’envie de la transmettre quand en 2005 j’intègre le corps des enseignants d’EPS. De manière confidentielle à mes débuts dans mon premier établissement pyrénéen, de façon plus affirmée et structurée à Paris grâce à son milieu associatif dense et de nombreux partenariats possibles.

Dès 2007, j’ai eu en charge les stages de formation dans le primaire et le secondaire pour les enseignants d’EPS désireux de se former en danse hip hop. Et là, je me dis que les collègues réagissent très bien aux contenus transmis mais plus largement au message véhiculé par cette culture. Ces stages n’ont eu de cesse de se développer avec mon collègue David Bérillon au sein de l’académie de Paris. Prenant part au jury du Baccalauréat ODEPS (Option Danse EPS) depuis 2009, je me réjouis du nombre croissant de propositions hip hop de qualité. Je décide de poursuivre mon envie de partage artistique en 2012 en intervenant à Paris à la préparation de l’épreuve de danse au concours de l’agrégation interne EPS. Tout récemment en 2013, la compagnie BurnOut voit le jour avec la danseuse/chorégraphe Jann Gallois dont je suis le président. La première pièce « P=mg » remporte d’ailleurs les prix « Beaumarchais SACD » et « Paris Jeunes Talents » la même année.

Pour résumer, cet ouvrage est l’illustration de 10 ans de pratique de la danse hip hop dans l’académie de Paris pour David et moi-même: que ce soit dans nos établissements respectifs, à la faculté de Jussieu Paris VI mais aussi par le biais des formations professionnelles que nous dispensons à nos collègues chaque année. Cet ouvrage nous ressemble car il reprend assez fidèlement notre discours et notre action sur le terrain.

Justement comment se lancer ? As-tu des conseils pour les collègues qui souhaitent « oser la Danse Hip Hop » ?

Tu emploies le mot juste ! Pour moi, la clé de la réussite est « d’oser » programmer un cycle de danse hip hop. Nos jeunes sont extrêmement sensibles à l’enseignant qui « ose », qui se met en jeu, qui risque, qui expérimente. Notre dynamisme professionnel induit leur bienveillance. Bien entendu, il convient de maitriser certaines bases de la culture hip hop et de posséder un minimum de bagages techniques.

Je listerai ces quelques points qui me paraissent essentiels en vue de se lancer dans un cycle de danse hip hop : De la pratique par le biais de stages de formation continue ou dans des cours ou associations privées ; Un minimum de culture sur l’historique et les divers courants actuels (internet, vidéos, battles, spectacles) ; Se mettre en jeu en tant qu’enseignant plus ou moins novice. Accepter, comme nos élèves, de mettre son corps et son image en « vitrine » ; Dévolution du savoir: certains élèves connaissent davantage cette culture que l’enseignant. Mais n’est-ce pas identique dans la pratique d’autres APSA ? Se servir d’eux comme des relais, des exemples, des modèles ; Créer une ambiance positive voire chaleureuse, notamment par le biais de la musique, afin de rassurer et de motiver les élèves ; Utiliser les outils TICE d’aujourd’hui tels que la tablette numérique afin d’effectuer des retours pertinents et de rendre le cycle interactif.

Enfin, viser l’atteinte d’objectifs simples et concrets en relation avec les textes officiels lors de chaque cycle de pratique apparaît comme la clé de voute de la réussite. Il est impossible d’aborder tous les styles de danse hip hop lors d’un même cycle (ni même lors de tout le cursus scolaire c’est dire!).

Je fais volontairement dans la provoc mais pourquoi enseigner la Danse Hip Hop ?

Il m’apparaît très important de garder à l’esprit que la danse hip hop est avant tout de la DANSE !

En effet, la danse Hip Hop est un levier puissant pour amener certains élèves plus aisément vers une pratique artistique plus large (car en phase avec leurs représentations). C’est un bon complément des autres styles de danse. Il est d’ailleurs possible de métisser un cycle de danse avec du hip hop, de la salsa, de la capoeira, et de la danse contemporaine. Le but étant de viser les compétences attendues par les programmes de notre discipline selon les nivaux de pratique : « composer et proposer une chorégraphie collective » « en jouant sur les composantes du mouvement espace/temps/énergie » (niv 1), « en relation avec un projet expressif » (niv 2). Le tout en articulant les 3 rôles d’interprète-chorégraphe- spectateur.

Dans un premier temps, cette APSA décomplexe, fait bouger et ressentir le rythme collectivement, grâce à du matériau précis, connu, commun. Les pas existent et servent de points de repères. A plus moyen terme, la danse Hip Hop investit les élèves dans le monde du sensible et de l’imaginaire par le biais de leurs corps et d’un investissement plus personnel. N’est-ce pas là le mécanisme de l’autonomie : se conformer puis se confronter pour s’émanciper ?

Il m’apparaît primordial en 2014 plus que jamais, que l’EPS, en co-action avec les autres disciplines, ouvrent en grand les portes d’une éducation aux émotions et à leur communication. C’est de la construction de l’identité de chaque élève qui nous est confié dont il s’agit ici.

Tu veux dire par là que la différenciation est facilitée par l’essence même de la Danse Hip Hop ?

Par forcément « par l’essence même » dirais-je… Mais effectivement, la danse Hip Hop permet de manière assez intrinsèque de toucher tous les élèves, selon leurs niveaux et/ou leurs préférences. Il convient de dépasser le premier cliché qui sous-tend que la danse est exclusivement féminine. J’ai l’impression que de nos jours ce raccourci n’est plus. Et tant mieux. De prime à bord, les rôles de chorégraphe/ interprète/ spectateur permettent à chacun de s’exprimer en déplaçant plus ou moins le curseur vers un de ces trois pôles. Un élève peut par exemple proposer à un camarade de réaliser une figure que lui-même ne maitrise pas. Il joue là davantage le rôle de chorégraphe au sein de son crew. Rappelons toutefois qu’on ne peut en occulter un dans l’évaluation finale et plus largement dans la formation du danseur.

Les deux grandes familles de la danse Hip Hop que sont le sol (Break) et le debout offrent deux voies d’expression assez distinctes bien que complémentaires en terme de capacités sollicitées. Plus que les genres, je dirais que tous les morphotypes des élèves trouvent ici leur fenêtre de pratique et de réussite.

Votre question fait enfin écho à la trajectoire prise depuis une dizaine d’année par la danse Hip Hop. Celle-là même qui investit les théâtres, les grandes scènes nationales : la danse hip hop consciente. Ou inconsciente ? En tout cas porteuse de sens, d’un message, d’une sensation, d’une envie, de poésie. Un courant nommé « L’abstract » ou « l’Experimental » est d’ailleurs en pleine effervescence. En battle, les danseurs ne se défient pas frontalement mais passent successivement sur des mondes sonores non définis afin de faire rentrer les spectateurs dans leur imaginaire et leur style corporel. Nous retrouvons les codes d’une totale liberté de création alloués à la danse contemporaine. La Compagnie professionnelle BurnOut, dont je suis le président, est dans cette mouvance. Sa danseuse phare Jann Gallois représente parfaitement ce métissage entre la danse hip hop et contemporaine.

Dans le cadre scolaire, il me semble que cette voie est très pertinente pour les élèves plus construits (lycée : niveau 3, 4, 5), en désir de singularité et d’affirmation de soi.

L’ouvrage de Thomas Ramires : (« La danse hip hop », T.Ramires & D.Berillon, De l’école aux associations, Ed. EPS)

http://www.revue-eps.com/fr/danse-hip-hop_o-15368.html

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Le Hip-Hop, une formidable opportunité pour faire entrer l’élève dans une démarche de création en Danse.

Par François Baritiu

Utiliser l’APSA Danse dans le cadre de l’EPS, pour un enseignant non-spécialiste, est difficile. La motricité à forte valence symbolique que la danse contemporaine utilise est délicate à appréhender, à traiter, à maîtriser. Ce minimum de maîtrise des formes culturelles de l’APSA est un pré-requis important pour formuler des contenus d’enseignement pertinents et construire une stratégie de transformations motrices sur un cycle d’enseignement. Ces dernières contribuent à augmenter les ressources des élèves, construire un citoyen lucide, autonome, physiquement et socialement éduqué. Du côté des élèves, la mise en jeu de soi qu’implique la danse peut être un frein considérable à l’engagement. Accompagnée de stéréotypes marqués dans l’esprit des élèves, la danse est une APSA dont les difficultés de mise en œuvre n’ont d’égal que la richesse de ses contenus. Pour dépasser ces obstacles souvent difficiles à surmonter, la danse hip-hop paraît appropriée. En voici quelques raisons :

Une motricité favorisant une entrée différenciée, motivante pour les élèves

Celle-ci permet de générer une adhésion d’une classe aux motivations nécessairement hétérogènes. Le remarquable ouvrage « De l’école aux associations : La Danse Hip-Hop » de D.BERILLON et T.RAMIRES (2014), nous oriente vers des catégories de mouvement correspondant à différentes techniques utilisées dans le monde du Hip-Hop. D’expérience, les mouvements debout (Top-Rock, Tetris, waving…) permettent de trouver une résonnance avec une motivation de type « danser tous ensembles ». Les mouvements au sol, appelés Break (passe-passe, freezes, phases…) assez simples et rapidement spectaculaires nourrissent davantage l’engagement d’élèves avides de sensations et d’exploits acrobatiques. T.TRIBALAT, dans la préface de l’ouvrage pré-cité précise à ce propos que l’acrobatie s’est déplacée de l’austérité des gymnases vers les lieux de danse urbaine. C’est par une utilisation synchrone de ces 2 modes d’entrée, qu’il est possible d’accrocher l’ensemble d’un groupe classe.

Comparativement à d’autres activités de la CP3, les élèves concèdent rapidement une énergie, une volonté de répéter les pas de base favorisant l’acquisition d’un minimum de techniques spécifiques. Là encore, la proximité des acquisitions motrices visées avec une forme de culture des élèves est un formidable levier et carburant de l’apprentissage. Ces quelques certitudes motrices permettront de travailler sur les rôles de spectateur et de danseur car elles contribuent à réduire le niveau d’anxiété des élèves. C’est également sur ce socle solide d’éléments de motricité qu’il sera possible de se lancer dans une démarche de création.

Une possibilité, pour l’enseignant, de générer un climat d’apprentissage positif

L’utilisation de l’APSA Danse de manière non maîtrisée peut bloquer certains élèves. Ne serait-ce que par peur d’être ridicules, beaucoup n’osent pas s’engager, voire remettent en cause le choix de l’enseignant et construisent des stratégies d’évitement visant à préserver, entre autres, leur estime de soi.

L’utilisation du Hip-Hop permet à l’enseignant d’EPS de délivrer tacitement des messages positifs à ses élèves : Symboliquement je fais un pas vers votre culture, vers votre univers. L’univers sonore les surprend positivement, plaît et génère rapidement de l’enthousiasme.

Je pratique avec vous, au moins en début de cycle, en démontrant des pas simples.

Ce parti-pris de la démonstration vise à rassurer les élèves et me paraît plus simple à mettre en oeuvre en Hip-Hop. De manière complémentaire, des tutoriels vidéo sur internet permettent de travailler sur des styles (gliding, popping, tertris, etc…) et d’entrer dans des acquisitions réelles par apprentissage vicariant. Il est, dès lors, plus simple d’amener les élèves à sortir de l’utilisation d’une motricité usuelle, de construire des transformations motrices réelles et stables.

Sur la base de ces outils moteurs, il est possible d’entrer dans une démarche de composition. D’extrêmement guidé en niveau 1 à parcouru de manière plus autonome, le chemin de création vise la construction d’une production singulière. Il est très intéressant de constater à quel point les propositions des élèves divergent sur une même base d’éléments spécifiques, de styles acquis. Le principe d’auto-détermination fait partie intégrante de la démarche artistique. Le prolongement de l’engagement des élèves au cours du cycle est une réponse à ce message de confiance délivré par l’enseignant. C’est au cours de cette phase qu’il est tout à fait envisageable de rapprocher la motricité Hip-Hop d’éléments de la danse contemporaine. En effet des styles comme l’Expérimental ou l’Abstract sont des emprunts de danseurs Hip-Hop à la Danse Contemporaine. Il s’agit ici d’éviter la caricature d’une opposition entre ces 2 types de danse pour ouvrir encore plus le champ des possibles à nos élèves.

Le Hip Hop comme support pour participer à l’atteinte de priorités nationales

Le potentiel et la richesse de l’APSA apparaissent évidents dans le cadre des grands enjeux du système éducatif actuel. Morphocinèse, la danse se prête très bien, à l’utilisation des TICE en cours. Que ce soit en régulation de l’apprentissage par le biais de feed-back vidéos ou en cumulant des vidéos d’élèves sur un cycle pour être témoin des acquisitions, les possibilités d’utilisation TICE font corps avec l’APSA et ses enjeux.

Dans des établissements difficiles, l’ancrage culturel du Hip-Hop est indéniable chez les élèves. Facteur non négligeable pour provoquer une adhésion, à priori, de leur part et ainsi participer spécifiquement en EPS à une forme de lutte contre le décrochage scolaire. Ici, nous parions sur la proximité culturelle d’un objet d’enseignement avec le monde des élèves pour les accompagner vers nos objectifs éducatifs. Une des possibles évaluations de l’efficacité de notre enseignement se situe d’ailleurs dans l’évolution des représentations des élèves quant aux stéréotypes que véhicule l’univers Hip-Hop : ces stéréotypes peuvent s’exprimer par des relations filles-garçons dissymétriques. Il est de notre rôle de sensibiliser et d’éduquer nos élèves à des relations d’égalité entre les sexes.

Nous pouvons également constater que le Hip-Hop est désormais une pratique culturelle et sociale installée puisque sa genèse et son développement datent d’au moins 40 ans. A ce sujet, l’ouvrage de D.BERILLON et de T.RAMIRES (op.cit.) ne manque pas de nous illustrer ce développement et les différentes manières d’entrer dans l’activité pour intéresser tous les élèves. La légitimité culturelle de son utilisation en EPS ne se pose, à mon sens et de ce point de vue-là, plus : la seule condition étant de la transposer dans le cadre de la Danse chorégraphie Collective des programmes. L’acquisition des différents niveaux de compétence représente l’image d’une utilisation « scolarisée » réussie du Hip-Hop. De plus, il semble tout à fait envisageable de travailler sur la problématique du Parcours d’Education Artistique et Culturel grâce à l’intégration de cette discipline en EPS. En parallèle, les réflexions quant au parcours de découverte des métiers et des formations (ex-PDMF devenant PIIODMEP), insistent sur la nécessité d’ancrer ces parcours dans les champs disciplinaires. Le Hip-Hop apparaît de facto comme une opportunité de travailler, en base d’acquisitions spécifiques à l’EPS, sur ce que sont les métiers du domaine artistique et culturel. Vivre, en EPS, des expériences positives de danseur, chorégraphe et spectateur favorise la compréhension et le discernement quant à ce domaine économique et culturel qu’est le spectacle vivant. Il est ainsi envisageable de fluidifier les parcours de formation des élèves, grâce à une pratique disciplinaire solide.

Pour Conclure

A l’image de l’introduction de la CP5 dans les Programmes d’EPS, l’utilisation du Hip-Hop ne manquera pas de provoquer des débats entre experts, au sein des équipes EPS. Les débats que suscitent la place, l’intérêt, la transposition didactique des APSA du champ culturel vers l’EPS sont les marqueurs d’une discipline scolaire cherchant à être en prise avec son temps, son époque. Il y a dans ces réflexions ce qui fonde nos enseignements : trouver des proximités avec les potentialités, les motivations de nos élèves pour les augmenter, les améliorer. Il est envisageable grâce à cette activité de travailler des contenus spécifiques à la discipline tout en ouvrant l’horizon des élèves sur des domaines culturels et socio-économiques. De ce fait, en rendant possible une démocratisation de la démarche artistique en EPS tout en augmentant le potentiel de transversalité de la discipline, le Hip-Hop représente une formidable opportunité.

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HIP HOP et Association Sportive, oui c’est possible !

Par Antoine Maurice

Historiquement de nombreuses activités physiques, sportives, artistiques sont entrées dans l’éducation physique dans un premier temps par l’AS. Qu’en est-il pour la danse Hip Hop ? La crainte de se lancer n’y est-elle pas plus grande ? Nous vous proposons dans ce dossier une rencontre avec Julie Bergheau, professeur d’EPS au collège ….. qui s’est lancée depuis plusieurs années dans l’activité. Forcément nous avons voulu en savoir un peu plus.

Bonjour, comment es-tu venue a proposer du Hip Hop à l’AS?

Quand j’ai atterri à Nanterre j’ai voulu lancer l’AS « Danse contemporaine »… Je n’ai eu que 6 élèves cette année là !!! Voulant dynamiser cette AS je me suis questionnée sur ce que les élèves attendaient et recherchaient… Quand je leur demandais quelle danse ils souhaitaient faire j’entendais « du Hip Hop madame !!! ». Du Hip Hop…. Bon…. Je les ai observé et finalement ce n’était pas du Hip Hop que je voyais mais plutôt un mix de plusieurs styles de danse issu des clips télévisés.

Les premières années je me suis beaucoup appuyée sur ce qu’ils proposaient, sur ce qu’ils voulaient faire. Toujours dans l’optique de participer aux compétitions contemporaine, mais sans prononcer le mot « contemporain » qui les inquiète, je les ai amené à reprendre, retravailler, réutiliser leurs mouvements au service d’un propos. Et un jour ma « coloc » m’a annoncé qu’elle terminait première d’une compétition UNSS hip hop de Paris. Ca m’a donné envi d’essayer !

Je me renseigne, et je me lance. La première année, tu ne comprends pas trop ce qu’il faut faire. Puis tu intègres la grille d’évaluation et les élèves, très motivés par ces compétitions se laissent guider et c’est pas mal du tout ! Première compétition départementale : 1er , 2ème en duo !!! Le « crew » (par équipe) se fait recaler… dommage mais on apprends… au bout de 4 ans je sais comment les guider et les élèves terminent 1er en « crew » en départementale, 1er en acad, 6ème au France.

Ce n’est qu’en essayant que l’on comprend et que l’on apprend. La grille d’évaluation est importante car elle contraint beaucoup mais aide aussi beaucoup les élèves dans leur composition.

Justement, quelles sont les contraintes imposées par cette « grille » ?

La grille incite les élèves à se tourner vers tous les styles présents dans le hip hop (ce qui est bien en collège, en lycée je me pose la question). Ensuite tu as la maitrise technique, qui oblige les élèves à préciser leurs mouvements, l’affiner. Les autres critères renvoient plus à la composition : quel espace utiliser, quelle énergie, comment créer des effets… Intéressant avec les élèves d’aborder les procédés de composition dans une chorégraphie Hip Hop !!! Quel jeu d’espace ou de temps tu peux mettre en œuvre pour créer quelque chose sur le spectateur. Idem pour les relations entre danseurs !! Certains groupes ont des idées de génies !!!!

Ainsi, je ne suis pas une spécialiste hip hop et je n’ai pas cherché à le devenir (cela me plairait bien mais je n’en ai pas le temps). Du coup je les guide mais je ne montre pas de « pas » technique car je n’en connais que très peu. Par contre je suis capable de les contraindre, de leur montrer les variations d’énergie, d’aborder le travail d’appuis etc… nécessaire à leur progression.

Tu précises que « tu ne démontres pas », on peut donc se lancer dans l’activité sans être forcément un spécialiste ?!?

Oui carrément ! Bon après il faut y aller un peu au culot !!! En collège tu peux te permettre de faire croire aux élèves que tu es une pro !!! En lycée je crois que cela n’aurait pas marché ! Je ne démontre que lorsque je sens que c’est moi qui le fais le mieux dans la salle !!!(hi hi hi) et quand cela peut leur apporter quelque chose… J’ai pas mal discuté avec des danseurs, j’ai eu la chance de pouvoir faire des stages avec certains chorégraphes et des danseurs pro et surtout je suis en partenariat depuis 6 ou 7 ans avec le théâtre Jean Vilar de Suresnes, grande scène hip Hop. Avec le recul tu captes que chaque style renvoi à un certains nombre de contraintes… ensuite il te suffit de jouer avec…. Et visuellement tu as du Hip Hop !!! Mais comme je te le disais je parle pour le collège… le lycée je n’ai pas essayé ! Par exemple : le « tetris » ce sont des formes angulaires que tu réalises avec ton corps… Tu pars de la marche, exploration autour des angles que peut produire ton coude, puis ton poignet, les deux en même temps…. Idem pour les autres parties du corps, debout, allongé, à genou… tu y insères des verbes d’actions : glisser, contourner, encadrer… et tu as une petite choré « tetris » !!! Bon après il faut arriver à les guider. Quand tu es danseur tu as l’habitude, pour les autres c’est un peu plus difficile c’est sur ! J’ai animé des formations hip hop pour les professeur en collège… je les revoie souvent, certains sont dans mon district (spéciale dédicace à Tony) et ils sont content car ils arrivent à faire danser leurs élèves et sans forcément démontrer !!

Tu parles de contraintes, c’est à dire ?

Quand tu enseignes la danse, tu as deux choix (peut être plus d’ailleurs..), soit tu démontres soit tu les guides. Quand tu guides, tu as plusieurs possibilités. S’ils n’ont aucune base gestuelle et tes contraintes vont faire émerger la gestuelle. Tu peux en plus t’appuyer sur des peintures, photos, textes pour solliciter leur imaginaire. S’ils ont déjà une petite gestuelle, par tes contraintes tu vas les guider et les amener à transformer leurs habitudes. Cela peut porter sur l’espace (ta vague tu vas essayer de la faire passer du bas vers le haut….), l’énergie (en saccadé par exemple), les relations aux autre (ton tetris, va venir s’imbriquer dans celui de ton partenaire… utilisation de verbes : glisser, pousser…). Il faut les faire évoluer, les accompagner pour qu’ils aient envi d’aller plus loin dans leur mouvement, plus loin dans la recherche. Etre curieux et ne pas se satisfaire de ce qu’ils savent déjà faire. Au contraire ; ça tu sais le faire… alors trouve autre chose qui me surprenne plus !!!

Pour revenir au compétition UNSS peux tu nous expliquer comment elle se déroule ?

En fait, tu as deux possibilités : Soit en duo, soit sinon par équipe « en crew » ou on regroupe de 4 à 6 danseurs. C’est sous forme de battle. Chaque équipe a droit à 4 passages. Tirage au sort de qui commence à danser. 40-45s pour épater, puis c’est l’autre équipe qui rentre et ainsi de suite.

Tu « check » au début, tu « check » à la fin, tu te sautes même dessus des fois… le hip hop ca crée des liens…

On parle souvent de « crew » et de « battle » ce n’est pas contradictoire ?

Non le Battle induit l’idée de défi. Le crew représente la cohésion, l’unité. Important pour pouvoir gagner ! Tu vas donc grâce à ton travail d’équipe défier tes adversaires pour en sortir vainqueur. Et qui dit défi ne veut pas dire non respect. Ce défi se fait selon des règles et le hip hop véhicule des valeurs. Chaque année je suis époustouflée par le respect qui prédomine entre tous ces danseurs venus de différents établissements.