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Vous avez reçu un courriel. La consultation sur le nouveau socle commun est ouverte, a annoncé le 22 septembre un courriel du ministère envoyé à tous les enseignants. La consultation se terminera le 18 octobre. Durant ces quatre semaines, les enseignants des écoles et collèges pourront bénéficier d’une demi-journée banalisée pour échanger sur cette nouvelle base du système éducatif. Mais déjà la suspicion rode : que pèseront les avis des enseignants alors que les appareils syndicaux se sont déjà emparés du sujet ?

Le socle

« Cette consultation revêt un caractère exceptionnel par son ampleur. Plus de 800 000 personnels d’enseignement, d’éducation et d’encadrement sont invités à y participer. Elle permettra de recueillir les avis et les propositions des professionnels de l’école sur les projets proposés par le conseil supérieur des programmes (CSP) », explique le ministère. Imposé par la loi d’orientation, en lieu et place du socle de 2005, le projet de nouveau socle a été proposé par le CSP. La loi d’orientation de 2013 pose le principe du socle commun en réponse à la crise de l’Ecole.  » La scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. Le socle doit permettre la poursuite d’études, la construction d’un avenir personnel et professionnel et préparer à l’exercice de la citoyenneté. Les éléments de ce socle commun et les modalités de son acquisition progressive sont fixés par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes ». Elle invite à « mieux articuler  » le socle et les programmes, doux euphémisme alors que rien ne coordonne les deux dans les programmes actuels. Le socle doit devenir  » le principe organisateur de l’enseignement obligatoire dont l’acquisition doit être garantie à tous ». Il est « le programme général » correspondant aux cycles de l’école primaire et du collège.

Le déroulement de la consultation

Selon le ministère, la consultation sera précédée, en école et collège, d’une « réflexion collective » effectuée sur une demi-journée libérée. Dans beaucoup d’endroits, semble-t-il , rien n’a encore été décidé. Mais dans certains départements, le Dasen a fixé une date unique pour la consultation pour les écoles et les collèges de façon à ce que la réflexion puisse associer les deux éléments de l’école du socle. Certains collèges et certaines écoles travailleront de leur coté mais d’autres pourront se réunir pour enrichir le débat.

Pour organiser la réunion, chefs d’établissements et inspecteurs (IEN) ont reçu une « aide à l’animation pour la consultation nationale ». Le document, qui compte deux pages, invite à interroger les enseignants sur les changements entre ce nouveau socle et celui de 2005. « Que pensez-vous de la nouvelle architecture du socle, du passage de sept compétences à cinq domaines de formation ? Que pensez-vous de la place faite aux disciplines dans ce texte ? », demande encore cette aide, avant d’arriver à ses « points forts » et ses « points faibles ». Les inspecteurs et personnels de direction demanderont aussi pour domaines de formation « Que pensez-vous des objectifs de connaissances et de compétences formulés pour ce domaine ? Vous paraissent-ils clairs ? pertinents ? faciles à mettre en oeuvre dans votre enseignement ? réalistes pour un élève en fin de scolarité obligatoire ? » Une dernière partie de la réunion sera consacrée à l’évaluation telle qu’elle est définie dans le projet de socle. « Que pensez-vous du fait qu’une partie du projet de texte soit consacrée à l’évaluation (ce qui n’est pas le cas pour le socle actuel) » ? On sait que la ministre a fait de l’évaluation l’objet d’une grande conférence à la fin de l’année. Ce n’est qu’après cette réflexion commune que les enseignants pourront s’exprimer sur le socle commun à travers un formulaire numérique.

Mais pour quoi faire ?

Que deviendront ces questionnaires ? Une extravagance est déjà reconnue par tous comment allant de soi. A l’issue de la consultation, ce n’est pas le Conseil supérieur des programmes qui fera la synthèse et tranchera. « Les éléments de ce socle commun et les modalités de son acquisition progressive sont fixés par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes », dit la loi d’orientation. C’est le ministère qui fera la synthèse de la consultation et non le CSP. C’est la ministre qui tranchera. Elle l’a elle-même annoncé. C’est dire que la consultation ne sera qu’un élément de sa décision.

Le débat sur le nouveau socle commun a commencé dès les premières fuites savamment distillées sur le projet du CSP. Mais bien avant, le socle commun est devenu le lieu d’affrontements entre « réformistes » et « républicains ». L’opposition au premier socle, celui de 2005, n’a eu qu’à se laisser porter par la façon dont l’institution a saboté la loi de 2005 en transformant le socle en un cauchemar bureaucratique. L’expression « socle commun » est devenue un repoussoir chez de nombreux enseignants, particulièrement au collège.

La particularité du nouveau texte c’est que défenseurs et adversaires du socle s’affrontent à front renversé avec le nouveau socle. Ainsi le Snes,  » qui n’a jamais porté l’idée de socle commun, a pourtant fait le choix de s’engager dans les discussions de ces deux années, avec l’objectif affirmé et largement explicité de sortir des logiques de 2005 et en tenant les personnels en permanence informés. Le texte mis en consultation marque une première rupture avec les politiques éducatives précédentes. Il suffit pour s’en convaincre de constater le rejet qu’il suscite chez les tenants du socle de 2005″. Les syndicats réformistes, Unsa et Sgen, s’opposent effectivement fortement au nouveau socle. Le SE-Unsa « a toujours soutenu l’idée d’un socle commun de connaissances et de compétences garanti à tous les élèves, malgré les errements du LPC. L’enjeu est réel, il s’agit ni plus ni moins de fixer un cap pour notre École et un cadre de travail pour les prochaines années… Néanmoins, le projet de socle commun du CSP ne nous paraît pas en mesure de répondre aux défis posés à l’École du XXIème siècle, ni en mesure de répondre aux difficultés posés par la mise en œuvre du socle commun de 2006 ».

Dans chaque camp, on ne fait pas mystère qu’on attend de la ministre qu’elle tranche le débat en sa faveur et on entend bien peser de façon déterminante sur elle. La consultation ne sera qu’un des instruments dans cet affrontement. Le débat oppose des identités professionnelles dans un contexte de crise sociale, de crise profonde du système éducatif et d’inégalités éducatives criantes. Remis à plus tard par la loi d’orientation et confié au CSP, le débat devrait porter sur la démocratisation de l’Ecole. il va surtout peser le rapport de forces.

François Jarraud

Le site de la consultation

Snes

Se Unsa