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Bastien Sueur, Professeur de philosophie, coordinateur du Lycée de la Nouvelle Chance de Cergy, fait partie des fondateurs de l’EPhA (Enseigner autrement la philosophie ?), un collectif d’enseignants décidé à promouvoir la formation entre pairs. L’idée : transmettre les pratiques de terrain et partager les idées pour améliorer les conditions d’enseignement de la philosophie. Ni militant, ni réformateur, Bastien Sueur s’est beaucoup inspiré du travail réalisé en Microlycée, auprès des élèves décrocheurs. À l’occasion des Rencontres « Apprend-on à écrire de la philosophie ? », qui se tiendront les 7 et 8 novembre 2014 à Ivry-sur-Seine, il évoque le collectif EphA, une structure ouverte à tous les enseignants de philosophie qui en partagent les objectifs.

Comment est née l’idée de l’EPhA ?

B.S : Je travaille depuis 3 ans et demi au Lycée de la Nouvelle Chance de Cergy (LNC), une structure qui accueille les « décrocheurs » et qui propose, à l’image des Microlycées de Créteil notamment, un cadre éducatif et pédagogique adapté à leur réussite. Dès le début, avec les autres membres de l’équipe, on s’est demandé comment « raccrocher » ces jeunes, parfois déscolarisés depuis des années. Comment donner ou redonner sens et saveur au savoir, au questionnement, au problème ? On s’est vite rendu compte que les dispositifs pédagogiques mis en œuvre au LNC, sans être d’ailleurs révolutionnaires, devaient pouvoir être transposés au moins en partie dans les établissements dits « classiques ».

En tant que coordinateur et professeur de philosophie dans cette nouvelle structure, j’ai eu très vite envie de partager avec d’autres collègues de ma discipline, dont je savais qu’ils expérimentaient de nouvelles pratiques d’enseignement de la philosophie, soit à l’intérieur d’un lycée « classique », soit dans le cadre d’un Microlycée ou d’un établissement innovant. L’idée était bien d’échanger nos pratiques, de constituer une sorte d’observatoire de pratiques singulières. Avec Jean-Charles Royer (Lycée Kastler et LNC, Cergy-Pontoise), Cécile Victorri (lycée J.-J. Rousseau, Sarcelles) et Jean-François Nordmann (ESPE, Cergy-Pontoise) nous avons conçu, en 2013, un projet appelé « Enseigner la philosophie autrement ? » Ce titre, qui suscitait des débats passionnés entre nous, est finalement resté : c’est devenu l’EPhA.

Combien de professeurs y participent ?

B.S : Le premier cercle s’est élargi avec le temps et les rencontres : 6 autres professeurs, venus d’horizons différents : certains sont membres de l’Acireph, du GFEN, certains enseignent ou ont enseigné dans des établissements innovants, membres de la FESPI (Fédération des établissements scolaires publics innovants). Mais tous se rejoignent dans le projet de former un collectif de travail où l’objectif affiché est clairement celui de l’auto-formation entre pairs.

Dans ce collectif, l’innovation pédagogique n’est pas un dogme. C’est un signe d’ouverture à des pratiques toujours singulières, dont on interroge les présupposés tant philosophiques que didactiques. De nombreux collègues expérimentent dans leur coin, partagent ou non ce qu’ils font avec leurs proches collègues… Nous voulons donner la possibilité à tous ceux qui « bricolent » de sortir de l’isolement, dans un esprit de collégialité, de coopération et de mutualisation.

Avec quelles perspectives pour la suite ?

B.S : L’EPhA s’est réuni deux fois depuis sa création en 2013, autour de journées animées par des collègues faisant vivre aux autres leurs propres pratiques d’enseignement. Parmi les ateliers proposés : la pratique du glossaire, le procès d’Antigone, la désobéissance civile, la réalisation d’un court-métrage philosophique ou encore l’utilisation d’un film de fiction à l’appui du cours. Les propositions peuvent venir de tout collègue souhaitant partager une pratique qui lui semble intéressante. Chacun, pourvu qu’il adhère au projet de départ, est invité à rentrer dans le cercle des organisateurs.

Nous ne sommes pas une association. Les deux points sur lesquels l’EPhA se distingue des associations telles que l’Acireph ou le GFEN, dont elle reste par ailleurs très proche, ce sont la question de l’évolution des pratiques et celle des programmes et des épreuves. L’EPhA a pour seule ambition de promouvoir l’expérimentation et les pratiques de classe innovantes, aussi diverses soient-elles, sans préjuger ce que devrait être une pratique innovante tant elle dépend d’un contexte de classe, et sans définir une ligne politique ou militante précise.

Parmi les chantiers de réflexion ouverts, il y a la question de la diffusion et des liens possibles avec la recherche en didactique de la philosophie, les programmes de formation académique, l’inspection académique, les plates-formes numériques. L’EPhA est un chantier où chacun est appelé à poser sa pierre. Je souhaite pour ma part, en tant que membre fondateur de ce projet, qu’il rassemble de nombreux collègues désireux de partager leurs « boîtes à outils ». Inventer de nouvelles pratiques d’enseignement n’est pas seulement une affaire de goût pour l’expérimentation, c’est une nécessité, lorsqu’on se sent parfois démunis face à l’ennui et à la perte de sens…

Propos recueillis par Jeanne-Claire Fumet

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Les Rencontres Apprend-on à écrire la philosophie

Les Rencontres « Apprend-on à écrire la philosophie ? » se proposeront de réfléchir à la manière dont on essaie d’apprendre aux élèves à écrire « philosophiquement » en vue de l’évaluation. Ce sera l’occasion d’interroger les pratiques d’évaluation de chacun, en se demandant ce qu’est un travail philosophique, à quoi on le reconnaît, ce qui conduit à lui attribuer une dimension philosophique. D’autre part, la réflexion portera sur les procédés qui peuvent être mis en œuvre pour amener les élèves à réfléchir à sur leur écriture comme « trace d’une pensée » en dialogue avec un autre qui tâche de se saisir elle-même.

Rencontres « Apprend-on à écrire la philosophie ? »

Les 7 et 8 novembre 2014 – Salle Quincey, 42 bis rue Saint-Just à Ivry-sur-Seine.

Inscriptions