Print Friendly, PDF & Email

Comment lutter contre les stéréotypes qui éloignent les filles des filières scientifiques ? Le 12 octobre, les associations Femmes & mathématiques et Animath font le bilan de 33 journées « Filles et maths ». Elles interrogent le système éducatif tout entier, particulièrement l’orientation. Mais que peut faire l’Ecole ? Et que peut faire chaque enseignant ?

Un système éducatif qui trie par le genre

« Plus il y a de maths , moins il y a de filles », explique Martin Andler, président d’Animath. Comment en est-on arrivé là ? Si les filles représentent encore 46% des élèves de la filière S, avec un pourcentage diminuant avec la part des maths dans les options, elles ne sont plus que 29% des étudiants des filières scientifiques et 22% des élèves des écoles d’ingénieurs. Inversement, 83% des lycéens de L sont des filles, 87% des élèves de St2s, 74% des étudiants des filières universitaires littéraires. Ainsi le fossé est clair, plus net encore que l’inégalité sociale, l’école est marquée par l’inégalité de genre. Et cette situation semble ne pas troubler plus que cela le système éducatif. « Les DRH cherchent désespérément à attirer des filles sur des postes scientifiques. C’ets dans le système éducatif qu’on prend les choses le moins au sérieux », dit M. Andler.

Pourquoi les maths ?

Comment en est-on arrivé là ? Virginie Bonnot, chercheuse en psychologie sociale à l’Université Paris Descartes montre tout le poids des stéréotypes. Différentes études ont montré leur poids dans nos décisions, même chez les personnes qui les rejettent. De fait ils pèsent, ils influent sur la mémoire et sur les décisions. Ainsi l’étude de Chatard, Guimond et Selinbegovic (2007) montre que quand on réveille le stéréotype, les auto évaluations des filles en maths changent. Le propre du stéréotype c’est de peser sur tous y compris ses victimes.

Mais pourquoi cette malédiction pèse sur les maths plutôt qu’une autre discipline ? Pour Véronique Slovacek-Chauveau, présidente de Femmes & mathématiques, cela tient au statut des maths dans le système éducatif français. »Chez nous la sélection se fait par les maths ou plutôt par la présence ou pas en série S. C’est l’idée qu’elle ouvre toutes les portes. Ce n’est pas le cas chez nos voisins où d’autres filières peuvent être mieux considérées, par exemple les ingénieurs en Italie ».

Accepter de voir les inégalités

Pour Martin Andler, cela tient à la notion de performance dans le système éducatif. « En maths la notion de performance est plus présente qu’ailleurs. Elle provoque une peur paralysante, des ruminations de ses difficultés, plus importantes chez les filles du fait des stéréotypes ». Pour lui, plus que la place des maths dans le système c’est la place des examens dans la sélection qui joue. « On accorde beaucoup de place aux maths dans les évaluations . On croit qu’elle donne une mesure claire du niveau et on génère de l’anxiété ».

Véronique Slovacek-Chauveau invoque aussi la croyance des enseignants. « Beaucoup d’enseignants fonctionnent encore sur le mythe de l’école républicaine, égalitaire et juste. Or on sait que ce n’est plus vrai , si tant est que cette école ait existé. Mais accepter de voir les inégalités est difficile pour les enseignants car ils le vivent comme une remise en cause d’une école dans laquelle ils mettent tous leurs espoirs ».

Participer aux journées filles & maths

Depuis 2009, Femmes & mathématiques organise des Journées « Filles et maths » pour lutter contre les stéréotypes. « On a la conviction qu’il est important queles jeunes filles rencontrent une femme exerçant un métier scientifique moins écrasante que Marie Curie », explique V Chauveau. Le « speed meeting » avec des femmes scientifiques est un moment apprécié des lycéennes comme la pièce de théâtre forum qui fait prendre consciences des stéréotypes. L’objectif n’est aps de faire de ces jeunes filles forcément des scientifiques mais au moins de questionner leur image des maths. De son coté l’association Animath accompagne les filles dans les compétitions mathématiques et lors de stages Maths c2+ qui visent les jeunes des quartiers défavorisés.

Miser sur l’intelligence malléable

Que devrait faire l’éducation nationale ? « Porter davantage attention à ces phénomènes », répond sans hésiter Martin Andler. « On sait que les stéréotypes sont actifs dans l’enseignement. Par exemple que les professeurs interrogent moins les filles que les garçons. Et l’éducation nationale ne fait pas grand chose sur ce point ». Il dénonce aussi une certaine tradition machiste chez des enseignants des matières scientifiques. Lors des journées Femmes & mathématiques, les élèves ont fait remonter la façon dont se passe l’orientation.

Virginie Bonnot donne quelques pistes pour remettre en question les stéréotypes quand on est enseignant : proposer des modèle spositifs aux élèves, qui soient suffisamment accessibles. L’enseignant peut aussi encourager l’auto affirmation des élèves dans es pratiques pédagogiques. Mettre e avant l’idée que l’intelligence est malléable est un autre point important. Or dans les évaluations, on a trop tendance à présenter les qualités comme irrévocables. « Tu es doué  » pour cela ou « Tu es un bon dessinateur » par exemple. Cela conduit à penser quand on a des difficultés que le problème vient de soi. Quand on pense que l’intelligence est malléable on remet en question son chemin pas sa personne.

Les prochaines journées « filles et maths » auront lieu à Villetaneuse le 4 novembre et à Metz le 5. Vous pouvez dès maintenant y inscrire vos élèves.

François Jarraud

Les journées filles et maths