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Nathalie Brisac est auteure de livres pour enfants et responsable de la communication à l’école des loisirs. Elle fut, pendant 15 ans, professeure des écoles et formatrice à l’IUFM. Convaincue des bienfaits des histoires sur leur vie, elle œuvre pour que la littérature de jeunesse puisse aider chaque enfant à prendre sa place, à se construire et à rêver… En 2015, l’école des loisirs fête ses 50 ans, ce bel anniversaire est donc l’occasion de réaffirmer avec force le rôle de la littérature à l’école, pour l’épanouissement du plus grand nombre.

La littérature de jeunesse compte nombre de best sellers et auteurs emblématiques. « Max et les maximonstres » album scandale à l’époque parce qu’il montrait un enfant roi, « Cornebidouille », « les Trois brigands » changés par une petite fille en bienfaiteurs de l’humanité, « Chien bleu », « Hulul », sont autant d’invitations à l’échange, au partage, à une ouverture sur le monde. Ils permettent un accès aux autres, à leurs différences, parfois à leur part d’ombre. Ils font se rencontrer… Nathalie Brisac l’affirme avec force : « L’essentiel dans la vie, c’est la rencontre ».

Littérature et enseignement forment un couple compliqué. L’école a longtemps eu peur du livre. Elle a longtemps craint l’irrationnel, les histoires qui font peur, la fiction. Ainsi en 1830, l’école laïque rejetait les contes considérés comme des choses fausses. Elle se recentrait sur le rationnel des documents, en lien avec les leçons de choses. En 1923, pas besoin d’autre chose qu’un syllabaire. Les années soixante ont vu la place de l’enfant bouger : Naissent des bibliothèques, le CRILJ, Pomme d’Api. En 1965, deux gars de 23 ans pas très scolaires, inspirés par la littérature de jeunesse américaine, créent l’école des loisirs, « une université d’ateliers d’où sortiraient des histoires cocasses et de drôles d’images afin de parler à l’âme de nos lecteurs et de sauver en nous une partie de notre âme d’enfant ». En 2002, la littérature de jeunesse entre dans les textes et dans les épreuves du concours. Les programmes 2015, en rupture avec ceux de 2008, la remettent en selle. On attend d’ici peu les documents d’accompagnement pour la maternelle.

« A l’école, il y a un danger de faire des livres des objets trop scolaires » dit Nathalie Brisac. Les albums de Lobel ou Ponti ne peuvent pas servir de support à des recherches de verbes ou à du « B.A.BA ». La littérature jeunesse à une autre fonction : faire entrer dans des rencontres et des découvertes ! Émancipatrice, subversive, les thèmes qu’elle développe comme l’amitié, les angoisses de l’autre, l’amour, la guerre, la remise en cause de l’autorité, les émotions, servent à comprendre. Travailler avec les albums, partager bien sûr … mais pas se servir du livre pour des activités détournées (puzzle des couvertures) ! Nathalie Brisac propose d’institutionnaliser des temps de lecture offerte en anticipant pour aider les élèves prioritaires à entrer dans l’histoire. « Tu sais ce que c’est un chien ? Mais celui dont on va parler n’est pas ordinaire, il est bleu ! ». Parler en amont avec ceux dont on sait qu’ils auront du mal à comprendre, en ciblant ce qui peut faire obstacle. Ensuite seulement, dérouler des séances pour qu’ils disent avec leurs mots. Leur aisance à le faire sera un signe incontestable de leur compréhension. Autre piste pédagogique : faire jouer des saynètes de l’histoire.

Et puis la conférencière raconte des situations qu’elle a vécues avec des élèves « difficiles ». Ils sont arrivés à dire des choses dures en utilisant la métaphore du héros, sans se mettre en danger. Les auteurs ont ce talent de faire que les enfants rencontrent dans les albums un moi héroïque. C’est ce qui leur permet alors de parler notamment de leurs peurs et de leurs espoirs.

Pour clore sa conférence Nathalie Brisac raconte comment est venu à Léo Lioni l’idée d’écrire « Petit bleu et Petit jaune ». Alors, si vous apprenez qu’elle passe près de chez vous, allez l’écouter, et si vous voulez découvrir le secret de l’origine de « Petit bleu et Petit jaune », elle vous le confiera peut-être … En attendant, l’école des loisirs s’expose jusqu’au 7 février 2016 au musée des Arts décoratifs à Paris. De quoi émouvoir et décoiffer !

Pierre Gerarni

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