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Quand les élèves de Jean-Marie Lelong du groupe scolaire Carlepont échangent avec l’école Minami Tsurumaki Elementary School de Tokyo, cela donne quoi? Une fresque franco-japonaise. Le plan « Numérique & humanité(s)/IMME/JAM » met donc en relation ses écoles pour la réalisation d’une fresque commune et donc coopérative, mais c’est aussi d’autres actions innovantes humaines.

Les relations humaines et les richesses interculturelles sont au centre de ce projet. Comment les élèves appréhendent-ils cette dimension?

Ce projet entre dans le cadre de nos actions internationales UNESCO (Réseau des Ecoles Associées). Notre expérience des échanges internationaux (2 projets européens Comenius, échanges Franco-Américains, accueil d’une classe sud- Coréenne,…) a permis cette sélection par les autorités japonaises au programme IIME/JAM, sous l’égide de l’UNESCO. (Les initiales du programme, IIME/JAM, signifient International Intercultural Mural Exchange / Japan Artmile. Il s’agit bien d’un échange interculturel aboutissant à la création conjointe d’une fresque murale, peinte par moitié conjointement, selon le thème choisi ensemble, Culture & Paix. JAM est la structure japonaise qui gère ce programme.)

Depuis plus de 10 ans, nous avons fait le choix d’inscrire au projet d’école, l’ouverture sur le monde. Issus d’un milieu rural protégé, nos élèves n’ont pas la possibilité de voyager. Découvrir des cultures différentes, des modes de vie, des traditions, des langages, transmettre ensuite les nôtres, cela permet de respecter et d’accepter les différences.

Nous avons accueilli à l’école des élèves et enseignants venus de Pologne, de Bulgarie, d’Italie, de Suède, d’Espagne, d’Irlande, d’Angleterre, de Corée du Sud, de Turquie. Les échanges ont été très positifs. Cette année, nous échangeons avec le Cambodge et le Japon. La réalisation de cette fresque avec les élèves japonais nous permet de découvrir cette civilisation. Les échanges entre élèves se font spontanément avec une motivation remarquable.

Être humain, c’est vivre en harmonie et en paix ! Pour cela, nous souhaitons que nos élèves comprennent et respectent la diversité des cultures et des peuples, ce qui est l’esprit de ce programme.

Et le numérique, quelle place lui accordez-vous concrètement ?

Le numérique est utilisé comme dénominateur commun d’une approche pluridisciplinaire liée à l’éducation, aux Droits de l’Enfant et à la Diversité Culturelle, permettant la validation de tous les paliers du socle commun de connaissances et de compétences.

L’utilisation du numérique sa fait à plusieurs niveaux. La communication entre les deux classes utilise une plateforme sécurisée internet qui permet de déposer les productions : affiches, cartes, lettres, dessins, photos, vidéos, PowerPoint, diaporama,…. Il y a aussi la visioconférence, un grand moment ! Malgré les 8 heures de décalage avec Tokyo (les élèves doivent venir en dehors des heures de cours), c’est un moment privilégié ! Puis, notre site internet (www.ecoledecarlepont.fr ) rend compte des actions entreprises.

La production (travaux des élèves présentant leurs traditions, mode de vie – nourriture, culture, personnages célèbres, monuments,…-) se fait avec les outils traditionnels (crayons, papier, carton, feutres, peinture,…). Puis, le numérique (on scanne les travaux, on les filme, on les prend en photos) permet l’envoi rapide par internet. Les recherches effectuées en classe, en groupes ou individuellement, sont effectuées sur le PC (chaque élève a un PC).

Nous utilisons les acquis des élèves et leurs productions sous toutes leurs formes (orales, écrites, artistiques, matérielles et numérisées ) pour apporter aux élèves les moyens d’appréhender les grandes questions de notre société et du monde, en mettant en avant les relations humaines et la coopération.

Comment les élèves Japonais et Français communiquent-ils entre eux ?

Les élèves se parlent en anglais lors des visioconférences, et s’écrivent en anglais également. Nos CM2 ont appris l’anglais depuis le CP, ce qui leur permet d’échanger. Bien sûr, nous découvrons le japonais, apprenons quelques mots, et ils font de même. Les enseignants japonais sont très fiers de prononcer quelques mots français lors des échanges en visioconférence.

Les nombreuses productions des élèves permettent une communication thématique, et la lecture ou présentation des fichiers reçus est un moment très prisé.

Qui participe à ce projet franco-japonais ?

Les deux classes qui participent concernent des CM2. Notre école à pour partenaire école japonaise Minami Tsurumaki Elementry School , TAMA CITY, TOKYO. Les autres classes des deux écoles peuvent participer également, à leur convenance. Nous préparons une journée Japonaise et nos partenaires ont prévu une journée française. Une enseignante de l’école a étudié le japonais au lycée. Elle intervient auprès des élèves pour leur expliquer les alphabets, et prononcer des mots simples.

Pour la partie technique liée à la réalisation de la fresque, un illustrateur intervient en classe et conseille les élèves. Par ailleurs, ce programme concerne une trentaine de pays dans le monde, dont la plus grande partie se trouve en Asie, en Afrique et en Amérique. Toutes les fresques sont exposées au Japon, en fin d’année scolaire. Ce qui est passionnant, c’est de pouvoir communiquer avec tous les partenaires, sur notre plateforme, quels que soient les pays. Lors des attentats parisiens, j’ai reçu de nombreux mails des quatre coins du monde et les échanges, courts mais intenses, avaient beaucoup de sens.

Quel rôle joue ce projet dans le quotidien de la classe au niveau des élèves ? Et des enseignants ?

Les principales compétences développées dans ce programme sont celles du cycle III et du socle commun :

*La créativité, la pensée critique, l’apprentissage du travail collaboratif.

*L’usage des TUIC: communiquer avec l’étranger (mails; vidéoconférences; productions numériques; photos; vidéos; présentations animées,…)

*Utilisation de l’Anglais comme langue de travail.

*Citoyenneté, transmission des valeurs, modes de vie, culture propres.

*Responsabilité: accepter de participer à un projet collaboratif et le mener à son terme.

*Découverte de la culture, des traditions, des coutumes d’un autre pays.

Création et exposition de l’oeuvre collective symbolisant les échanges et l’amitié entre deux pays, favorisant ainsi une éducation à la Paix et à la Fraternité.

*Découverte et utilisation des techniques artistiques favorisant la créativité.

La réalisation du projet permet de donner du sens aux actions pédagogiques. Un exemple : pour peindre la fresque, un partage équitable doit être fait, chaque école ayant sa surface de peinture. Il a fallu, en mathématique, réfléchir comment partager, en moitié, ce rectangle de 5m sur 1.5. Il y a de très nombreuses possibilités que les élèves ont découvertes. On calcule le périmètre, la surface, on trace des lignes droites, brisées ; on sélectionne les plus adaptées, on débat, on argumente,…. Chaque jour, quelle que soit la discipline enseignée, il y a matière à y associer une action du projet.

Quel impact à la réalisation de la fresque ?

Le travail artistique apporte aux élèves de nombreuses découvertes : on étudie les couleurs, les formes, les styles, les supports, les angles,…. La réalisation de la fresque est le temps fort ! Cette fresque sera le symbole d’une année d’échanges, de découvertes et de partages. Actuellement au Japon, elle sera chez nous dans quelques jours. Nous aurons alors deux mois pour peindre notre partie, en respectant l’esprit de nos partenaires. Puis, elle sera exposée à l’école ou dans un lieu public. En Mars 2016, elle sera renvoyée au Japon, chez nos partenaires, pour une nouvelle exposition.

La communication autour de ce programme est essentielle ; elle se fait au travers de notre site Internet (www.ecoledecarlepont.fr ) qui publie très régulièrement les grandes étapes du programme, ainsi que les productions numérisées des élèves. Notre Newsletter hebdomadaire permet aux abonnés de suivre nos actions internationales.

La presse locale rend compte également de ces actions, et une émission de radio est programmée, sur Radio Puisaleine. Nous communiquons également les avancées du projet aux membres du Réseau UNESCO. Ce programme est également soutenu et subventionné par l’Education Nationale au titre de projet à pratique artistique et culturelle (APAC).

La présentation de ce programme, lors du 8°Forum des Enseignants Innovants, a été ressentie, en France, mais aussi au Japon, comme un grand honneur. J’étais très heureux de pouvoir échanger ces pratiques avec de nombreux collègues, et surtout, de présenter le rôle du Réseau UNESCO, qui permet, comme ici, des actions exceptionnelles. Je reste à la disposition des enseignants qui souhaiteraient nous rejoindre.

Propos recueillis par Stéphanie Fizailne