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Changer à dose homéopathique l’orthographe suscite des réactions passionnées dans les médias. Pourquoi cet intérêt inattendu ? Pourquoi toute réforme semble impossible en ce domaine ? Pourquoi l’orthographe participe d’une guerre française ?

Qui se souvient de la règle de proximité ?

Plusieurs mois après la publication des programmes, certains médias publient un « scoop » : le ministère aurait décidé de changer l’orthographe. La nouvelle fait les gros titres et la mesure, censée simplifier la vie de tout le monde, est souvent perçue très négativement. Impossible de changer tranquillement l’orthographe, comme nos voisins Allemands l’ont fait en 2004.

D’autant plus impossible qu’on a des précédents. L’orthographe a pourtant pu fluctuer jusqu’au 18ème siècle sans que la France fasse « mergitur ». Qui se souvient par exemple de la règle de proximité qui voulait que l’adjectif se féminise dans une énumération si le nom le plus proche était féminin ?

Impossibles réformes

Mais depuis le 20ème siècle, impossible de changer l’orthographe alors même que l’ensemble des Français reçoit une instruction au moins primaire. Sur son blog Claude Lelièvre rappelle les tentatives avortées de Ferdinand Buisson. Quant à la réforme dont on parle en 2016, elle date de 1990 (et piétine depuis).

L’affaire est tellement grave que le ministère est obligé d’intervenir le 4 février pour dégager sa responsabilité d’une réforme lancée par l’Académie française en 1990 et rappeler que si les nouveaux programmes connaissent la nouvelle orthographe, l’ancienne reste valable.

L’orthographe une norme sociale

Alors pourquoi ces réactions ? On pourrait croire que l’orthographe est indispensable au sens. Et c’est ce qu’on lit dans de nombreuses réactions , par exemple la distinction entre jeune et jeûne. Mais avant Louis 14, les Français, un peuple si intelligent, échangeaient sans orthographe et se comprenaient. On pourrait croire que l’orthographe est indissoluble de l’identité nationale ? Mais l’orthographe très hésitante des glorieux Poilus ou celle de nos contemporains nous font hésiter.

Pourtant l’orthographe a bien une fonction. C’est d’abord une norme sociale qui permet de situer socialement son correspondant. C’était déjà vrai à l’époque où on y consacrait un nombre infini d’heures dans les petites classes des lycées. C’est toujours vrai aujourd’hui où le nombre d’heures a diminué et où la charge de l’enseigner repose aussi sur les familles. C’es cette distinction sociale qui explique les exigences nouvelles des grandes écoles et des filières sélectives en matière d’orthographe. En imposant des tests d’orthographe les écoles d’ingénieur, par exemple, pratiquent la même sélection que les tests de « culture générale » dans d’autres filières plus littéraires.

Derrière le débat et la crispation orthographique il y a la question de la reproduction des élites. On mesure que c’est sérieux. C’est aussi pourquoi il est juste de simplifier l’orthographe. Et pourquoi il est important de l’enseigner.

François Jarraud

Et quand malgré nos vieux réflexes

On posera plus nos circonflexes

Sur « maitresse » et « enchainé »

On fera un drôle de nez !

Mais les générations prochaines

Qui mettront plus d’accent à « chaines »

Jugeront que leurs ainés

Les ont longtemps trainées

Pierre Perret

C Lelièvre

Dans le Café :

Démocratiser l’orthographe par A Ouzoulias

Orthographe à qui la faute

J Dion : Faut-il réformer l’accord du participe passé ?

Le regard de Fayol