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Organisé par le Réseau des ESPE, les écoles du professorat, le concours national du meilleur exposé de mémoire de Master MEEF en 180 secondes a sélectionné les 10 meilleurs mémoires le 29 juin. Une présentation qui apprend finalement beaucoup sur les questions que se posent les nouveaux enseignants et aussi sur leur parcours et l’évolution du métier.

On a rarement l’occasion d’entendre une professeure des écoles chanter. Cela fait pourtant partie du métier et Aude Sappey-Marinier, une professeure des écoles de l’académie de Créteil, a remporté le concours avec une surprenante prestation lyrique sur un master qui a démontré le lien entre le chant et l’apprentissage de la lecture à voix haute.

Bizutages de départ

Imité des « thèses en 180 secondes », le concours du Réseau des Espe vise surtout à montrer qu’on fait de vraies recherches dans le master enseignant, c’est à dire à se légitimer dans un monde universitaire qui accueille souvent les Espe avec des pincettes.

En fait, le concours en apprend beaucoup sur les conditions de travail des professeurs stagiaires et sur ce que sont ces nouveaux enseignants. Beaucoup a déjà été écrit sur la lourdeur de cette année de stage où il faut enseigner à mi temps et en même temps suivre des cours et mener son mémoire en master. Mais on découvre qu’on peut confier à ces nouveaux enseignants 7 classes pour un mi temps, ce qui est le cas de Tifenn Le Berre qu’on découvrira plus loin, voire 9 classes comme pour Laure Pillonetto, une PLP biotechnologie. Ces nouveaux enseignants commencent aussi souvent leur carrière dans l’éducation prioritaire. L’institution ne les ménage pas. Leurs collègues peut-être non plus…

Des néo enseignants qui entament souvent une seconde carrière

Un autre enseignement c’est le parcours qui mène à l’enseignement. Aude Sappey-Marinier a été 10 ans comédienne professionnelle avant d’opter pour l’enseignement. Mickael Idrac, un professeur des écoles de Perpignan, a été durant des années humanitaire à l’étranger et il continue à remplir des missions occasionnelles en France. Caroline Olivier une professeure des écoles, a été 10 ans cadre bancaire avant d’être appelée par l’Ecole. Ces nouveaux enseignants ont opté pour un métier qui a du sens après un parcours plus ou moins long dans une autre profession. Enseigner est leur seconde carrière.

Caroline Olivier et l’école inclusive

« Je cherchais du sens dans mon métier et j’avais depuis l’enfance envie d’être maitresse d’école. Arrivée à la mi trentaine , je me suis interrogée sur le sens donné à ma vie », nous a dit Caroline Olivier. « J’ai vécu une première année tellement riche que je ne crois pas que je vais regretter ».

Professeure des écoles, Caroline Olivier a conduit un mémoire de master sur le ressenti des enseignants qui ont un enfant handicapé dans leur classe. Son travail montre qu’il y a un décalage entre l’implicite ressenti par les enseignants et ce qu’ils explicitent. Et que ce décalage nuit au bien être des professeurs et finalement à l’élève. C’est une vraie question. Si les enseignants sont acquis à l’école inclusive, particulièrement dans le premier degré, elle est très difficile à vivre au quotidien par des enseignants qui ne sont pas formés aux différents handicaps.

« Mon mémoire ne donne pas vraiment de solution », nous a dit C Olivier. « On a tendance à culpabiliser car on ressent des préjugés face au handicap. Une des clés ce serait d’accepter son ressenti et de pouvoir l’exprimer pour pouvoir batir quelque chose sur cela ». A coté de la prise de conscience des préjugés, elle évoque la nécessité de la formation et des co interventions dans les classes. « Les enseignants sont preneurs de ce type de formation ».

Tifenn Le Berre : La bienveillance en classe

C’est après de longues années de droit que Tifenn Le Berre, second prix du concours, a opté pour le métier d’enseignante. « J’ai claqué la porte quand j’ai fait mes premières expériences en cabinet d’avocat », nous dit-elle. « J’aime me sentir utile, parler aux gens et le métier d’enseignant m’est apparu comme ce qu’il me faut ». Après quelques années de petits boulots, Tifenn arrive en lycée comme stagiaire en SES pour se voir confier 7 classes de seconde…

« L’enseignement d’exploration rebute peut-être mes collègues; Mais moi je fais ce métier d’abord pour le contact avec les jeunes et ensuite pour l’amour de ma matière. Alors je me suis éclatée », nous dit-elle.

Tifenn Le Berre a travaillé , sous la direction de Pierre Merle, sur la bienveillance en classe. Un sujet qui , là aussi, interroge la profession. « En fait la bienveillance ce n’est pas le laxisme », explique Tifenn. « Mon enquête montre que les enseignants les plus bienveillants sont aussi les plus exigeants ».

Son mémoire montre le lien établi par les neurosciences entre le bien être et la capacité à apprendre et, sous un angle sociologique, le poids de l’effet Pygmalion sur les carrières d’élèves. Alors que beaucoup d’enseignants pensent qu’une appréciation « salée » peut stimuler un élève, son travail démontre que ça ne marche qu’avec moins de 10% des élèves et uniquement les plus forts, ceux qui n’ont pas besoin d’être soutenus.

Un engagement

C’est là le dernier point commun aux dix candidats de ce concours national. Ils cherchent à concilier le bien être de l’enseignant avec celui de l’élève, à regarder l’humain et non plus l’élève. Ils interrogent dès leur première année, et leurs conditions de travail les y pousse, les raison profondes d’entrer dans un métier qui reste vécu comme un engagement. Les « hussards noirs » sont toujours là.

François Jarraud

Le concours