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Pour Marine Le Pen le projet du Front national pour l’Ecole c’est « l’école du mérite ». Présentant le 22 septembre les « 100 propositions » des Collectifs Racine, le mouvement lancé par le Front pour pénétrer le monde enseignant, la présidente du Front national n’a eu de cesse de fustiger « les dogmes pédagogistes qui ont miné toute autorité et tout mérite personnel ». Une condamnation qui soude des troupes assez disparates où se cotoient des partisans du retour « au bon vieux temps », des corporatistes pointilleux et des obsédés de « l’assimilation ». Cela donne des propositions écrites au négatif et à l’encre rouge. Alors que l’Ecole française joue au détriment des enfants de son électorat populaire, le Front échoue à proposer un projet éducatif qui porte ses ambitions.

Folies pédagogistes et foutaises…

Nous avions croisé une première fois le Collectif Racine, un mouvement lancé par le Front national pour regrouper les enseignants, en 2014. A quelques mois d’une élection que le Front national est en mesure d’emporter, aller voir où en est le mouvement et ce qu’il propose pour l’Ecole s’impose.

En 2014, nous avions croisé très peu d’enseignants du primaire et du secondaire dans une réunion parisienne du Collectif. En juin 2016, selon une étude du Cevipof, 9% des enseignants déclarent vouloir voter pour Marine Le Pen au 1er tour des présidentielles. Mais le 22 septembre, la rencontre nationale des collectifs n’a pas fait le plein. Elle réunit environ 200 militants, dont beaucoup d’étudiants.

Marine Le Pen fustige les réformes réalisées dans l’Ecole qui sont « des bombes à retardement ». « Le temps des folies pédagogistes a trop duré », dit -elle. »Sui on veut reconstruire l’école il faut en finir avec les dogmes pédagogistes qui ont miné toute autorité et tout le mérite personnel ». La présidente du FN retient 3 points : consacrer la moitié du temps d’école au primaire à l’apprentissage du français, supprimer le collège unique, rétablir la sélection à l’entrée de l’université. C’est au nom du « mérite » que sont présentées les 100 propositions du Collectif Racine.

Le retour aux années 1960…

Les 100 propositions du Collectif Racine additionnent des mesures à visée assimilationnistes, une nébuleuse d’intérêts corporatistes jusqu’au détail, avec des mesures qui ramènent l’école aux années 1960.

Dans les 100 mesures c’est le retour au passé qui domine. « Il faut mettre le savoir au centre. Le professeur n’est pas l’égal de l’élève. La notation est le meilleur système d’évaluation ». Valérie Laupies, directrice d’école et conseillère régionale FN, se fait applaudir sur des propositions qui sentent la naphtaline.

On appréciera ainsi la proposition 43 qui veut « instaurer le cours magistral à tous les niveaux dans toutes les disciplines », ce qui changerait un peu les maternelles… La proposition 3 proscrit « les pseudos enseignements ludiques ». La suivante fait de la méthode syllabique la seule méthode autorisée. La 44 instaure partout la note. Le Collectif veut aussi supprimer la réforme des rythmes et remplacer les TAP par des études surveillées, instaurer l’uniforme, supprimer le collège unique en rétablissant l’orientation en fin de 5ème vers le professionnel.

Une addition de corporatismes

Mais les propositions portent aussi les corporatismes les plus recuits, que l’on sent préparés dans les détails depuis des lustres. Pierre Miscevic, professeur de lettres en Cpge plaide pour créer un corps de « professeurs d’excellence » enseignant… en CPGE. Marc Chapuis, professeur de maths en CPGE présente une refonte de la filière S : on élimine 30 000 élèves indignes d’être là, puis on crée 3 sous filières de façon à dégager un noyau de mathématiciens limité à 15 000 élèves… Daniel Philippot, directeur d’école retraité, demande la création d’un corps de directeurs d’école qui auraient toute autorité sur les professeurs. Le écoles deviendraient des établissements publics. Ces points se retrouvent dans les 100 propositions.

D’autres lobbys ont su aussi se faire écouter. Le Collectif demande la création d’un corps de « professeurs d’informatique » avec un enseignement en lycée et en série scientifique. Un autre enseignement civisme et droit serait créé ce qui permettrait aussi de supprimer l’enseignement de la philosophie en série technologique.

Rien pour les milieux populaires ?

Un troisième courant se lit dans les propositions. Le collectif veut « l’assimilation » des éléments hétérogènes. C’est le but de l’enseignement Civisme et droit. Il veut interdire tout signe religieux dans le supérieur et mettre fin aux repas de substitution et même à l’enseignement de langues étrangères jugées communautaires.

Au final, les milieux populaires qui votent pour le Front n’y trouveront pas leur compte. Le Collectif promet de rétablir l’ordre dans les établissements prioritaires grâce à des super profs volontaires, une mesure qui ne colle pas avec une proposition plus sérieuse : abaisser le nombre d’élèves par classe en REP. Si le Collectif veut rapprocher les séries technologiques et professionnelles (proposition 41) c’est bien parce que, vu des Cpge et des filières d’élite, tout ça c’est un peu la même chose…

François Jarraud

2014 le collectif Racine

Etude Cevipof