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Directeur du CERI à l’OCDE, Dirk Van Damme est un expert reconnu des systèmes éducatifs. Il réagit à la publication du nouveau volume de PISA consacré aux inégalités sociales dans les systèmes éducatifs. Pour lui, « l’architecture du système éducatif français est son principal problème ».

Cette nouvelle publication marque-t-elle un intérêt croissant de l’OCDE pour l’école inclusive ?

Oui mais ça dépend de ce qu’on met sous le mot « inclusive ». Pour l’Ocde l’école doit servir les élèves de tous talents et tous horizons dans une manière inclusive. Cela améliore la cohésion sociale. C’est un bien en soi. Et aussi cela a un intérêt économique et social.

C’est rentable d’investir dans l’école pour l’ensemble de la société ?

Absolument. On connait bien cela aujourd’hui. Mais ce n’est pas forcément reconnu en France où la tradition de l’école pour l’élite est très forte. J’attache beaucoup d’importance à l’excellence. Mais Pisa montre qu’excellence et équité ne sont pas contradictoires.

La France paie un coût énorme avec son système éducatif qui sélectionne et qui oublie de nombreux jeunes. Le fort taux de chômage par exemple est aussi un échec du système scolaire. Le coût peut être énorme quand on ne réussit pas à construire un système éducatif qui s’occupe de tous les élèves y compris ceux qui ont des difficultés à réussir.

En France on a beaucoup investi dans l’école maternelle. Pourtant on a de fortes inégalités sociales de réussite. Comment expliquer cette contradiction ?

La France est assez forte pour son pré scolaire. Mais c’est plus tard que la sélection et les discriminations se mettent en place. Ses atouts du préscolaire sont perdus par les mécanismes scolaires.

Le rapport s’intéresse au destin scolaire des migrants. A-t-on des exemples de pays qui les font réussir aussi bien que les nationaux ?

C’est une question importante mais difficile. On est en train d’y travailler. C’est difficile car les migrations sont différentes selon les pays. Le pays qui fait le mieux c’est le Canada mais il sélectionne ses migrants. Ce n’est donc pas comparable à ce qu’on a en Europe. Mais en Europe aussi il y a des différences, entre la France et la Suède par exemple.

Pour réduire les inégalités, la France devrait-elle faire un effort de formation des enseignants ou affecter davantage de ressources dans les établissements défavorisés ?

Je ne crois pas que ce soit un problème global de ressources car l’Ecole française est assez bien financée. S’il y a des moyens il faut les investir dans des interventions précises et on les distribuer sur toutes les écoles.

La formation des enseignants est un challenge surtout la formation continue. D’autant que comme pour les élèves, il y a une sélection qui envoie les enseignants les plus expérimentés dans les meilleures écoles. Les professeurs les plus performants devraient aller dans les écoles les plus difficiles.

L’architecture du système éducatif français avec ses filières très différentes et un enseignement professionnel qui n’est pas développé comme il faudrait, fait qu’il y a d’énormes différences entre les établissements et pas assez d’attention accordée aux filières jugées comme inférieures. C’est le problème fondamental de l’école française.

Propos recueillis par François Jarraud

Le nouveau volume Pisa