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Dans un communiqué publié le 2 juillet, le ministère de l’éducation nationale annonce le versement d’une prime de 1000 € aux personnels des Rep+ à la rentrée 2018. Mais il confirme aussi que le reste de la somme promise par le président de la République en 2017 pourrait être versée aux seuls enseignants méritants. Il n’aura fallu que 15 jours, et aucune consultation, au ministre de l’éducation nationale pour appliquer la décision annoncée par le gouvernement le 12 juin.

Une prime de 1000€ à la rentrée

 » Le ministre de l’Éducation nationale, conformément à ses engagements, a décidé que cette revalorisation débutera dès la rentrée 2018. Ainsi, pour l’année scolaire 2018-2019, les personnels des établissements en REP+ percevront déjà 1 000 euros nets supplémentaires », annonce le 2 juillet le ministère de l’éducation nationale. La mesure va concerner tous les personnels : enseignants (41 000), personnels d’encadrement et administratifs (environ 4000). Au total, elle devrait couter environ 46 millions au ministère.

Mais la promesse électorale d’Emmanuel Macron c’était 3000 € de prime annuel nette s’ajoutant à la prime actuelle d’environ 2000 €. Aussi, JM Blanquer précise que d’autres versements suivront les deux années suivantes.

Adosser la prime aux progrès des élèves

Mais ce sera pour les seuls enseignants méritants.  » Dans le cadre des discussions qui se dérouleront au cours des prochains mois avec les organisations syndicales, la possibilité d’un adossement d’une partie de cette indemnité aux progrès des élèves et à l’accomplissement du projet d’école et d’établissement qui y contribue sera examinée », ajoute le ministère, confirmant ce que Les Echos ont annoncé le 30 juin.

Si ce n’est pas plus clair c’est peut-être parce que deux logiques, correspondant à deux tempos politiques, s’affrontent dans cette décision.

Une prime pour retenir les enseignants…

A l’origine, la mesure proposée par le candidat Macron visait bien « la valorisation des équipes éducatives en réseaux d’éducation prioritaire ». Le bilan social du ministère, publié il y a quelques jours, nous a encore rappelé que les personnels de l’éducation prioritaire (rep et rep+ mélangés) a des traits particuliers. On y trouve davantage de contractuels et surtout de jeunes enseignants. La proportion d’enseignants débutants est donc plus forte qu’ailleurs et le turn over particulièrement important.

La prime promise par E Macron vise à retenir les enseignants et aussi à attirer des enseignants plus expérimentés vers l’éducation prioritaire. C’était déjà le souci des ministres précédents qui ont revalorisé la prime existante mais aussi attribué du temps de formation et des pondérations horaires pour le travail en équipe. Travailler en éducation prioritaire donne aussi des avantages pour la promotion.

Le communiqué ministériel situe bien cette mesure dans cet esprit là : il s’agit de la réussite de tous les élèves.

Ou à mettre fin au statut des fonctionnaires ?

S’il s’agit d’attirer et retenir des enseignants en Rep+, dans ce cas la prime doit aller à tous et ne doit pas varier selon le « mérite ».

Mais à ce premier tempo est venu s’ajouter un second temps politique, marqué par les décisions prises au conseil des ministres du 12 juin. Là le gouvernement a acté « la refonte de la rémunération des agents publics, avec une remise à plat complète des modalités de rémunération des agents publics et la généralisation de la rémunération au mérite au niveau collectif et individuel ».

En réunion de travail avec les syndicats, le 28 juin, le gouvernement a précisé la méthode. Il veut « modifier la structure des rémunérations en donnant plus de poids aux indemnités et moins au traitement indiciaire, reconnaitre plus le « mérite » comme levier de gestion des ressources humaines ». Le salaire fixe serait plus faible et le supérieur hiérarchique du fonctionnaire, le chef d’établissement par exemple, déciderait du montant de la prime versée à chaque fonctionnaire.

L’idée de la paye au mérite, en l’air depuis plusieurs mois, est devenue une décision officielle. JM Blanquer est la premier à en proposer une application concrète. Et ça tombe pile au moment où il doit être entendu par le Premier ministre pour une évaluation de son action. Une nouvelle fois, JM Blanquer sera le meilleur élève…

Est ce efficace ?

Mais peut être que le salaire au mérite permet de récompenser les meilleurs et donc d’agir dans l’intérêt des élèves ? Ce n’est pas ce que nous dit la recherche.

Là où elle a été testée elle n’a pas fait ses preuves.  » Il n’est pas aisé de mettre à jour l’ensemble des facteurs à l’origine de cet « effet-enseignant », celui-ci relève d’une alchimie complexe entre les compétences de l’enseignant, les caractéristiques du public d’élèves et les démarches et méthodes pédagogiques mises en œuvre », nous a dit en 2013 Bruno Suchaut, actuel membre du Conseil scientifique de l’éducation. « Dans une logique d’évaluation par les résultats, le principe d’une évaluation au mérite peut certes paraître attractif pour les décideurs mais il soulève plusieurs interrogations et ne semble pas atteindre les objectifs escomptés quand on analyse les effets de cette mesure dans le cadre de certaines expériences étrangères, aux Etats-Unis notamment. Même dans le cas d’un bonus substantiel accordé aux enseignants qui affichaient initialement la valeur ajoutée la plus élevée (en tenant donc compte du niveau initial des élèves), les enseignants les plus «méritants» n’ont pas fait davantage progresser les élèves ».

Aux Etats Unis les tentatives de baser la rémunération sur les résultats des évaluations ont échoué. En Suède, la liberté la plus grande laissée aux chefs d’établissement a mené à un échec retentissant. L’objectif poursuivi n’est donc pas l’efficacité. Mais simplement d’appliquer à l’éducation en premier lieu un nouveau mode de management des fonctionnaires. Une gestion dont l’objectif , avec la fin imminente du paritarisme, vise à en finir avec les fonctionnaires et leur statut.

Du coté syndical

Le Se Unsa a immédiatement réagi au communiqué du ministère , précisant qu' »il ne cautionne nullement que cela soit différencié d’un personnel à l’autre selon l’équipe dans laquelle il exerce. » Il ajoute :  » La proposition initiale du candidat Macron n’était pas alambiquée. Pourquoi la tordre pour en faire une usine à gaz déconnectée des dynamiques réelles des écoles et établissements ? » Parce qu’une année de gouvernement est passée sur la réforme…

F Jarraud

Article du 2 juillet

Article des Echos

Notre article du 13 juin

Celui du 20 juin

Et celui du 29 juin

En février

Peut on évaluer le mérite d’un enseignant ?

Paye au mérite selon A Chaptal

L’échec de la réforme suédoise