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« Nous répondrons à l’urgence économique et sociale par des mesures fortes, par des baisses d’impôts plus rapides, par une meilleure maîtrise des dépenses plutôt que par des reculs ». Emmanuel Macron a présenté le 10 décembre des mesures pour mettre fin à la crise sociale dans le pays. Mais qui en paiera le prix ? L’Education nationale, premier budget de l’Etat, est évidemment au premier rang. C’est d’abord là que l’Etat cherchera à réaliser des économies. Le Café pédagogique dessine quelques pistes…

Des milliards à trouver dans le budget

« Ce sont quarante années de malaise qui ressurgissent : malaise des travailleurs qui ne s’y retrouvent plus ; malaise des territoires, villages comme quartiers où on voit les services publics se réduire et le cadre de vie disparaître ; malaise démocratique où se développe le sentiment de ne pas être entendu ; malaise face aux changements de notre société, à une laïcité bousculée et devant des modes de vie qui créent des barrières, de la distance. Cela vient de très loin mais c’est là maintenant. »

Lors de son allocution du 10 décembre, le président de la République a cherché les origines de la crise dans des racines lointaines plutôt que dans sa propre politique. Et c’est très cohérent avec les mesures qu’il a annoncé.

Car toutes les mesures seront financées par l’Etat. La hausse de 100€ par mois du smic « 2019 sans qu’il en coûte un euros de plus pour l’employeur » passera par la hausse de la prime d’activité. L’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités touchant moins de 2000 € par mois sera aussi à la charge du budget de l’Etat. Même manque à gagner pour les heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées. La prime de fin d’année défiscalisée versée par les employeurs qui le souhaitent se traduira en baisse des recettes fiscales pour les entreprises qui versent déjà cette prime. Du coté du recettes, E Macron a juste annoncé qu’il se refusait à rétablir l’ISF. Ces mesures s’ajoutent à celles qui ont été annoncées par E Philippe avant le 10 décembre (indemnité kilométrique, prime à la conversion, pause de la taxe carbone etc.) et dont le montant s’établissait à environ 4.5 milliards.

On ne savait déjà pas comment le gouvernement envisageait de financer le SNU. On se demandait où il prendrait l’argent des mesures annoncées par E Philippe. E Macron a ajouté plusieurs milliards. La seule prime de 100€ pour le smic représente une dépense de 3 milliards pour l’Etat. L’ensemble des mesures Macron devrait atteindre au moins 10 milliards. Où les trouver ?

Depuis 2017 il n’y a pas eu d’investissement dans l’éducation

« L’investissement dans la Nation, dans l’école et la formation est inédit et je le confirme », a déclaré E Macron. Cela pourrait laisser à penser que l’Education nationale reste à l’écart des économies que le gouvernement va devoir réaliser. Mais nous ne le pensons pas.

D’abord parce que cet investissement n’a pas été inédit. Certes le budget 2018 a augmenté de 1.8% par rapport à 2017 et il va encore augmenter de 800 millions en 2019. Mais ces hausses prennent en compte des facteurs techniques très divers comme la prise en charge des AVS dans le budget EN en 2019, le glissement vieillesse technicité qui est automatique etc. Une façon plus réelle de regarder l’évolution du budget c’est de voir celles des emplois puisque 90% du budget part en salaires. Alors que le budget 2017 a vu la création de 11 662 emplois, celui de 2018 affirmait autant de suppressions que de créations de poste. Cette stabilité s’est en fait transformée en suppression de plusieurs centaines de postes du fait des postes non pourvus. Quant au budget 2019 il prévoit 2650 suppressions de postes. Depuis l’arrivée d’E Macron au pouvoir, il n’y a donc pas eu investissement mais désinvestissement dans l’Education nationale. Les mesures de créations de postes au primaire ont d’abord été financées par le budget de N Vallaud-Belkacem et la suppression des maitres plus. En 2018 et 2019 le ministre crée des postes dans le premier degré en en supprimant dans le second et il a complété en fermant des classes et en augmentant le nombre d’élèves par classe ailleurs qu’en CP et Ce1. Cette politique ne lui coute rien.

Les pistes d’économies à l’Education nationale

Mais le budget 2019, à peine voté par l’Assemblée, est déjà caduque. Le gouvernement va devoir demander aux ministères de restituer des financements. On ne voit pas pourquoi l’Education nationale, qui est déjà pressurée, serait à l’abri. Où le ministre peut-il dégager rapidement des moyens massifs ?

La première piste pourrait être d’accélérer la réforme de la formation des enseignants. Selon un schéma présenté par le Café pédagogique en juin , en modifiant la date des concours, le ministre peut changer le statut des futurs professeurs en les faisant passer de celui de fonctionnaire stagiaire (ce sont des postes) en étudiants. Cela représente environ 25 000 postes rayés d’un coup soit environ 1 milliard.

La seconde piste c’est de revoir les suppressions de postes. JM Blanquer en avait prévu 2650 (soit environ 130 millions d’€). Pour dégager un second milliard, il devrait supprimer 20 000 postes. L’exercice semble difficile mais c’est à peu près le nombre de retraités attendus en 2019. Dans les classes l’effet serait désastreux même si les réformes du lycée et du lycée professionnel vont permettre des suppressions de postes. Il faudrait notamment largement tailler dans les spécialités et aggraver les inégalités territoriales et sociales.

Les autres mesures concerneraient l’ensemble de la fonction publique. Un nouveau report des accords PPCR rapporterait 200 millions à l’Education nationale et environ 500 pour tous les ministères. Le gel du glissement vieillesse technicité (l’avancement à l’ancienneté) environ 300 millions à l’Education nationale et le double pour tous les ministères.

Les décisions annoncées le 10 décembre vont obligatoirement se traduire par un nouveau budget. A moins que le président de la République ne décide de recourir à l’impôt, les ministères vont devoir rendre des moyens importants. Les personnels de l’Education nationale devraient s’y préparer.

François Jarraud

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