Print Friendly, PDF & Email

La recherche ne vaut que si elle permet le dialogue, le partage de savoirs. Une professeure de français s’empare d’un site de sciences participatives avec ses élèves. Tout professeur, CPE, chercheur, professionnel de l’éducation, formateur peut y interagir avec les deux classes de seconde qu’elle a mobilisées. Anne Dizerbo, professeure et chercheure spécialiste de la démarche biographique en éducation veut étudier les effets des échanges. Entendre la parole des élèves, la prendre au sérieux est essentiel.

« L’école est-elle un lieu de sélection sociale ? »C’est à cette question que des élèves de deux classes de seconde d’un lycée breton invités ont décidé de consacrer un temps de cours destiné à l’apprentissage du débat. Elle arrive à points nommés au moment où les résultats Pisa montrent que les inégalités scolaires sont en France plus fortes que dans la plupart des pays développés.

Les élèves ont été invités à profiter de l’opportunité offerte par le site de sciences participatives ouvert il y a quelques mois par le laboratoire Bonheur d’entrer en discussion avec des chercheurs et d’autres membres de la communauté éducative.

En tant qu’enseignante mais également en tant que chercheure en sciences de l’éducation, inscrite dans le champ de la recherche biographique en éducation, je m’intéresse globalement à l’expérience des élèves et, entre autres, aux usages du numérique dans le cadre scolaire. Dans ce large cadre, je cherche à comprendre les effets de la confrontation de représentations que permet le débat, mettant en lien les expériences singulières, leur énonciation socialisée, et la construction d’un pouvoir d’agir sur son parcours.

J’ai donc saisi les possibilités offertes par le site pour monter un projet en collaboration avec des chercheurs du laboratoire Bonheurs.

Ce projet mis en œuvre est l’occasion de mettre en évidence de façon très concrète l’intérêt du débat dans la construction d’une opinion singulière. Il s’inscrit dans la perspective globale de construction de compétences en matière d’écoute, de dialogue et d’argumentation, pratiques au cœur d’une éducation à la citoyenneté. Il s’intéresse aux modalités de subjectivation d’un discours, à la construction d’une opinion singulière, dans une interaction collective. Au-delà de l’expression d’un point de vue, il s’agit de la construction d’un point de vue qui prenne en compte celui des autres. Au fil des échanges et productions, l’évolution des représentations des élèves sera donc observée.

Le projet est aussi une occasion pour les adultes de la communauté éducative d’entendre l’expérience, le vécu des élèves dont le discours reste souvent en retrait, de découvrir le sens qu’ils attribuent aux termes de sélection sociale, et potentiellement, d’accéder à une meilleure compréhension de la manière dont cette sélection prend forme.

La mise en œuvre est la suivante :

• Les élèves ont été invités à participer au site, informés que leurs productions resteraient anonymes et qu’ils auraient accès à mes interprétations.

• Ils ont été libres du choix du thème, pouvant se saisir de l’un de ceux déjà présents sur le site ou en proposer un. Mais la question « l’école est-elle un lieu de sélection sociale ? » a immédiatement attiré leur attention.

• Ils ont été invités à y réfléchir en vue d’un débat qui aurait lieu en classe au cours suivant.

• Au début du cours, avant le débat, les élèves ont pris un temps d’écriture. Il avait 2 objectifs : leur permettre de formaliser leur opinion sur le sujet, d’accéder à leur propre représentation de la question et me permettre d’accéder à leur représentation de la question et du phénomène avant échange avec leurs camarades.

• S’en est suivi le débat, en demi-groupes de 14 élèves. Les autres élèves de la classe étaient en position d’observateurs et d’évaluateurs du débat.

• Les élèves ont été invités à mettre en ligne un texte, en utilisant des pseudonymes. Leur texte initial leur a été restitué pour l’occasion. Ils pouvaient le copier, le modifier, en écrire un autre.

• Les élèves sont actuellement invités à lire les commentaires des interlocuteurs disponibles sur leurs réflexions et à interagir avec eux.

• Ils seront de nouveau invités à produire un texte sur la question à la fin des interactions.

À aucun moment la qualité de l’expression n’est un objet d’évaluation dans son contenu ou dans sa forme, afin que les élèves puissent s’exprimer librement.

Ma première remarque est que les élèves ont souvent modifié leur premier texte au moment de la mise en ligne, souvent pour apporter des nuances ou des enrichissements, signes d’une évolution de leur opinion.

Tous les chercheurs, professeurs, cpe , formateur sont invités à dialoguer avec ces élèves, en précisant leur statut de manière anonyme ou pas avant le 4 janvier .

Anne Dizerbo

professeure de français

docteure en sciences de l’éducation

Le site sciences participatives