Print Friendly, PDF & Email

Les stratégies sont multiples chez les enseignants pour maintenir les élèves au travail. Ryem Boudjemaï, enseignant de SVT au lycée Jacques Brel de La Courneuve (93) et Sébastien Lecot, professeur de SVT au lycée Henri Avril de Lamballe (22) partagent leur quotidien pédagogique. En créant leurs propres vidéos et des fils de discussion, les enseignants tentent de garder le contact avec les lycéens. Entre l’étude du magmatisme des zones de subduction et l’immunité adaptative, les parties clés du programme sont tout de même étudiées à partir de documents. La clé pour lutter contre le décrochage des lycéens semble être dans les échanges réguliers au sein des équipes pédagogiques.

Ryem Boudjemaï, enseignant de SVT au lycée Jacques Brel de La Courneuve (93)

J’ai essayé l’outil « Ma classe à la maison du CNED » mais même s’il fonctionne globalement bien, je ne suis pas satisfait car beaucoup de mes élèves ont des difficultés de connexion dues à leur matériel informatique. Par ailleurs, j’ai constaté après coup que la fonction d’enregistrement vidéo ne fonctionne pas, donc impossible pour les élèves de revoir le cours par la suite.

Cette semaine j’ai donc changé de stratégie et je procède ainsi. Je réalise de petites vidéos de 15 minutes avec un PowerPoint et une incrustation de webcam. Les élèves ont des travaux à faire et ces vidéos à regarder. Puis je leur donne rendez-vous sur « Ma classe à la maison » du CNED mais uniquement pour répondre à leurs questions et réexpliquer certains points. Ça permet un peu d’interactivité et aussi de savoir comment ils vont.

Je leur donne tout par Google Drive, je communique par mail. Les élèves font les rendus de devoirs par le « casier » de l’ENT ! Un petit cocktail maison d’outils.

Quelles séquences faites vous actuellement ?

Avec mes terminales, on est en plein dans la géologie. Cette semaine je suis sur le magmatisme des zones de subduction. Avec mes 2ndes, je devais commencer la partie « reproduction », mais finalement je la ferai à la reprise et j’ai préféré commencer la partie sur les microorganismes, car je me suis dit que la séquence d’épidémiologie serait tout à fait adéquate en ce moment ! Je leur fais aussi des vidéos de cours et je leur demande un travail de recherche sur 2 semaines !

Quels retours des élèves ?

Les terminales sont contents d’avoir du travail. Ca les rassure et ça raccroche à leur vie d’avant. Ils aiment bien cette modalité même si elle permet moins d’interactivité ! Les 2ndes sont plus difficiles à accrocher, mais je ne commence la séquence qu’aujourd’hui alors on verra les retours !

Quelles sont vos stratégies pour lutter contre le décrochage scolaire ? Comment repérez-vous les élèves décrocheurs ?

Je note les élèves qui ne sont pas connectés pour les sessions d’échanges ou qui ne rendent pas les devoirs. J’essaie ensuite de comprendre pourquoi, en me coordonnant avec le professeur principal et le CPE. On envoie des mails, on appelle les élèves ou les familles, sans mettre la pression. Je reste bien entendu super flexible sur les délais.

Cela dit, même avec ça, on perd le contact avec certains élèves, forcément. C’est dommage mais parfois on ne peut pas faire grand chose. Les conditions matérielles de certains élèves font qu’ils ou elles ne peuvent parfois pas travailler décemment.

Alors, même si c’est agaçant de ne pas avoir plus de 2/3 des élèves connectés ou qui ne rendent pas les travaux parfois, j’essaie de relativiser en me disant que l’on fait au mieux et en restant toujours bienveillant dans les échanges avec eux. C’est dramatique, mais je crois qu’il est inévitable d’en perdre au passage. On essaiera de raccrocher ceux-là au mieux quand on reprendra les cours !

Sébastien Lecot, enseignant de SVT au lycée Henri Avril de Lamballe (22)

Quels outils utilisez-vous ?

Aujourd’hui, j’utilise uniquement Pronote, dans lequel j’ai créé des fils de discussions pour chacune de mes classes et où complète le cahier de texte, mon adresse mail académique pour le retour de travaux, Pearltrees pour partager des documents de tous types et la Classe Virtuelle du CNED.

Quelles séquences faites-vous actuellement ?

En 2nde, j’ai corrigé mon activité ADN et j’ai lancé les élèves sur une activité sur le métabolisme en version light.

En terminale, nous sommes dans la réaction adaptative. J’ai travaillé la semaine dernière sur le TP Ouchterlony. Les élèves devaient réfléchir à la stratégie. Des vidéos expliquant la manip et donnant les résultats leur étaient transmis dans un 2ème temps. En Spé TS, nous sommes dans la partie ATP et cellule musculaire. Là encore, les activités sont centrées sur des études de docs et l’élaboration de stratégie de démarche de résolution pour ensuite avoir accès aux résultats qui sont analysés dans un 2ème temps.

En SNT 2nde, je suis dans le thème du Web. Sur ce thème, j’ai décidé d’utiliser la plateforme Genially. Mes activités y sont toutes regroupées. Les élèves ont une activité à faire par semaine et ont, pour ceux qui le peuvent, des petites manips à faire sur leurs navigateurs web.

Quels retours des élèves ?

Pour les Terminales, des inquiétudes forcément pour la suite de l’année. Mais nous commençons à prendre le rythme tous ensemble. La totalité des élèves jouent le jeu et se connectent aux classes virtuelles et rendent leurs travaux. Pour les 2ndes, c’est plus aléatoire. Malgré tout, plus des 2/3 se connectent et rendent les travaux demandés.

Des conseils à donner ?

Ce sont ceux qu’on entend: essayer d’accompagner au mieux nos élèves sans pour autant les submerger de travail. Un effort de coordination au sein des équipes pédagogiques est nécessaire pour répartir au mieux la charge de travail pour les élèves. Nous essayons dans mon établissement de ne pas dépasser une classe virtuelle/prof/classe/semaine. J’essaie de privilégier les fils de discussions via Pronote pour rester en contact avec les élèves.

Il ne faut pas oublier également les élèves qui ont des difficultés d’accès à internet (problème pour assister aux classes virtuelles par exemple ou un seul ordinateur à partager dans la famille). Pour ces élèves, je réalise des petites capsules vidéos de mon cours que je poste ensuite sur Youtube (en non répertoriée) et je transmets le lien des vidéos via Pronote (cahier de texte) et Pearltrees. Ainsi, les élèves n’ayant pas pu assister à la classe virtuelle ou désirant revoir le cours, le peuvent. Pour l’instant, je n’ai pas répertorié d’élèves n’ayant aucun accès à internet.

Quelles sont vos stratégies pour lutter contre le décrochage scolaire ? Comment repérez-vous les élèves décrocheurs ?

Pour repérer les élèves décrocheurs, nous échangeons énormément entre équipes pédagogiques de chaque classe via des fils de discussions et des tableurs où chaque enseignant de l’équipe pédagogique note les élèves qui n’étaient pas présents lors des classes virtuelles ou qui n’ont pas rendu leurs travaux. Cela permet aux professeurs principaux d’avoir un bilan très régulier de l’assiduité de leurs classes.

Ensuite, il y a un travail important de mener par les professeurs principaux avec les CPE et la direction pour entrer en contact avec les élèves décrocheurs et/ou leurs familles pour faire le point avec eux sur la nature du problème (envois de mails, contact téléphonique).

Certains ont des problèmes de connexion et de débit (difficulté à suivre les classes virtuelles) mais ils arrivent à avoir accès aux cours mis en ligne (dans mon établissement, nous utilisons essentiellement Pronote et Pearltrees). Pour d’autres, il n’y a pas d’ordinateur et/ou d’imprimante mais seulement des tablettes et/ou téléphones ce qui pour certains travaux n’est pas évident. D’autres encore doivent partager l’ordinateur avec les autres membres de la famille. Les professeurs principaux nous font remonter les soucis et difficultés de ces élèves et nous adaptons nos cours.

Il y a beaucoup de bienveillance et nous essayons de rassurer au maximum les élèves. Pour ma part, je fais des capsules vidéos pour chacune de mes activités que je corrige en classe virtuelle. Cela permet aux élèves qui n’ont pas pu suivre la classe virtuelle pour diverses raisons d’avoir accès à un cours « oral ». Cette pratique profite également aux autres élèves qui peuvent revoir le cours.

Pour d’autres enfin, il n’y a pas d’accès à internet. Dans ces cas là (je n’en ai pas dans ma classe personnellement), il me semble avoir compris que mon établissement imprimait les cours et les envoyait.

Propos recueillis par Julien Cabioch

Séquence en ligne de Ryem Boudjemaï

Dans le Café

Continuité pédagogique : Diversité en SVT

Continuité pédagogique : Des parcours de formation contre le décrochage

Sciences : Les tableaux effaçables du lycée Avril

Ryem Boudjemaï : Des lycéens éco-délégués