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Qui a peur de rentrer à l’école ? Pas les enfants. Pas seulement les profs. Mais tous ceux qui vont devoir assumer la décision de la réouverture, à commencer par les maires. Prendre cette responsabilité, alors qu’une catastrophe sanitaire n’est pas à exclure, paralyse les élus. Après la lettre des maires d’Ile de France demandant un sursis, la présentation de la politique gouvernementale au Sénat, le 4 mai, est l’occasion pour les sénateurs de se faire les portes paroles des maires. Ni les discours du premier ministre, ni les propos de Nicole Belloubet ou de JM Blanquer n’ont réussi à les rassurer. La majorité sénatoriale a rejeté la déclaration gouvernementale par 89 voix contre (à gauche), 81 pour (LREM) et une majorité d’abstentions. Le débat continue avec le vote sur la loi d’urgence.

Nécessité d’ouvrir les écoles

Edouard Philippe a parlé des enjeux économiques le 4 mai devant le Sénat lors de la déclaration gouvernementale sur la reprise. « La vie économique doit reprendre impérativement et rapidement », a-t-il dit. « Les fleurons de notre économie sont menacés ».

Mais il a surtout été question de l’Ecole. « Le Covid-19 est toxique. Mais le décrochage scolaire l’est tout autant », a t-il dit. « La fermeture d’une école est une catastrophe pour les plus vulnérables des enfants, ceux qui n’ont pas accès au livre, à une alimentation correcte.. Ils doivent pouvoir retourner à l’école. 5 mois de décrochage scolaire est une bombe à retardement ».

Le premier ministre a promis que l’Etat donnera des masques aux enseignants, que l’école ouvrirait « partout sur le territoire » dès le 11 mai « sur la base du volontariat ». « Concernant le retour à l’école, il n’y a pas de flou. Il y a une doctrine, et il y aura ensuite des applications. Je vais faire confiance aux directeurs d’école, aux maires et aux représentants de l’État… Là où le retour à l’école peut avoir lieu, il doit avoir lieu. Tous les enfants en ont besoin, mais certains en ont encore plus besoin que d’autres ».

Les maires inquiets de leur responsabilité

Mais c’est sur la responsabilité des maires que les sénateurs attendaient le gouvernement. Nicole Belloubet, garde des sceaux, estime que les règles de la responsabilité des élus, fixées par la loi Fauchon, sont suffisamment restrictives pour que les élus ne risquent rien. En même temps elle lâche qu’elle « n’est pas sure qu’un régime juridique empêche des procédures pénales » et qu’il « se trouvera toujours un administré pour entrainer des procédures ».

Interrogé par Mme Morin Desailly, JM Blanquer ne répond pas directement à ses questions sur la contamination par les enfants et sur le sursis demandé par les maires. « Il y a un régime juridique qui ne doit pas conduire les maires à être inquiets » répond JM BLanquer. Il promet que « les médecins scolaires seront en équipe avec les maires pour travailler ce sujet ». Mais les sénateurs semblent connaitre la réalité de la médecine scolaire et l’argument n’a pas porté.

Edouard Philippe finit par dire que « dans les départements rouges lorsqu’un maire dira là vraiment compte tenu que nous sommes en rouge ça ne va pas être possible, on regardera ». Mais cela sous entend déjà aucun sursis en zone verte. Et il ajoute : « je ne suis pas en train de dire que les écoles ne doivent pas ouvrir dans les départements rouges ».

Des amendements à la loi d’urgence

Les sénateurs ont multiplié les amendements concernant l’Ecole ou leur responsabilité dans la loi sur l’état d’urgence sanitaire. Ainsi l’amendement 42 proposé par M Sueur (PS), propose que pendant 3 mois tout acte accompli par un élu local visant à mettre en œuvre une décision prise par l’Etat n’engage pas sa responsabilité pénale et civile, sauf s’il l’a fait ne toute connaissance du risque. L’amendement 43, déposé par M Reichardt (LR) autorise le maire à ne pas ouvrir une école si les moyens sont insuffisants ou inadaptés pour assurer la sécurité sanitaire des élèves. Le 54, déposé par M Duran (PS) demande la validation par l’Etat de la conformité au protocole sanitaire, autre façon de décharger la responsabilité de smaires. Le 58, déposé par M Bigot (PS) décharge les maires de la responsabilité de la réouverture des écoles.

Les sénateurs ont d’autres motifs d’inquiétude à propos de cette loi. Plusieurs demandent la suppression de l’article 6 qui met en place un fichier de traçage des personnes contaminés par le Covid 19 ou ayant cotoyé une personne contaminée en violant le secret médical. D’autres soulèvent que la loi permet la réquisition de toute personne même si elle n’est pas nécessaire pour lutter contre la pandémie. Ou encore qu’elle donne le droit au préfet et à l’administration d’interner des enfants sans accord de leurs parents et qu’elle impose l’isolement sans respecter l’engagement du premier ministre sur le respect de « la responsabilité individuelle » (amendement 86). Le texte de la loi est en débat au Sénat les 4 et 5 mai.

François Jarraud

Le dossier sur le projet de loi