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La crise sanitaire majeure que nous vivons avec la pandémie du Covid-19 a ravivé les questionnements autour de nos orientations et de nos choix de politiques scolaires, autour de la forme scolaire des sociétés trans-modernes, autour de la place du numérique en éducation mais plus largement aussi des questions pédagogiques. La question du bien-être des élèves, des parents et de professeurs dans une telle situation est à penser.

Une épreuve

Les professeurs ont vécu une épreuve au travail, ont dû faire face à une situation pédagogique inédite avec une formation très embryonnaire au numérique. Avec ce nouveau nouveau mode de scolarisation les élèves et le familles ont vécu de nombreux défis inédits Sur le plan anthropologique, le fait que les parents aient dû remplir des fonctions d’habitude dévolues aux enseignants, leur a permis d’approcher les difficultés de l’exercice, mais aussi son extraordinaire vivacité. Pour cet accompagnement scolaire encore une fois, tous les parents ne sont pas égaux, et pas seulement du fait de la fracture numérique mais c’était déjà le cas avant. Il a fallu qu’ils se sentent autorisés à revêtir une veste, pour laquelle ils considèrent qu’ils ont une légitimité formelle. Ce que l’expérience a apporté de positif, c’est d’abord de prouver qu’il est possible d’inventer des situations d’enseignement et d’apprentissage différentes. Visant à pallier l’absence d’un enseignant devant ses élèves, ces approches n’ont rien d’inédit. Il s’agit de considérer que l’enseignant n’est pas un réservoir de savoirs, mais un humain empathique, ingénieur de la pédagogie, qui, par des émotions et des méthodes, va instiller aux élèves le désir de plonger avec excitation et angoisse dans des domaines inconnus. Pour le reste, l’inventaire des actions des nombreux enseignants, directrices et directeurs d’école, des professeurs d’école, de collège et de lycée serait trop long à faire, mais il est indéniable qu’ils ont été à la hauteur. Ils ont pris contact avec les familles par téléphone de manière régulière et, en réalisant ce lien de la République, ils ont dit aux parents combien ils comptaient.

Quel avenir pour la forme scolaire ?

La forme scolaire en a-t-elle été impactée ? Guy Vincent a développé une théorie de « la forme scolaire » qui s’articule autour d’un espace (la classe qui est un « univers séparé pour l’enfance »), d’un temps (organisé par les savoirs à transmettre) et d’un professionnel en charge de cette transmission. La forme scolaire n’a pas toujours existé : elle est une configuration historique particulière. Elle a été probablement affectée par la situation de confinement imposée par la crise sanitaire et des travaux de recherche auront à évaluer comment. Cette crise impose aussi et surtout de visiter la notion de savoir-relation. La relation, dans sa contemporanéité, est marquée par sa dé temporalisation (elle est immédiate) et sa déspécialisation (elle s’affranchit de la distance). La notion de savoir-relation vise à circonscrire le rapport d’influence réciproque qui s’opère entre le savoir et la relation. Sa définition interroge et la manière dont un sujet se trouve être-en-relation au regard des savoirs qu’il mobilise dans une situation donnée. Le terme de savoir-relation désigne en premier lieu la relation des savoirs : c’est l’idée d’une circulation accrue des savoirs. Cela réinterroge la fonction traditionnelle de l’Ecole, notamment dans ses pratiques scolaires où l’élève construit de plus en plus de connaissances en dehors de l’École. En second lieu, le savoir-relation revêt une dimension active lorsque la relation des savoirs induit un savoir de la relation. Le savoir s’apprend et se construit dans la relation. L’enjeu n’est pas l’« accumulation » de savoirs de distinction sociale et scolaire. Les savoirs-relations se conçoivent comme des outils opérants pour soutenir la relation et guider l’action. C’est dans ce passage que l’enseignant retrouve sa légitimité, le sens de sa vocation : transformer la relation des savoirs en savoir de la relation. L’ouverture des savoirs – on dit en anglais « opening information » – est alors porteuse de nouveaux défis.

Un outil participatif

L’une des questions de fond est le partage de savoirs. Le problème des rapports entre recherche et formation ne peut se poser simplement comme une question de transfert de savoirs mais comme la production d’un espace collectif de confrontation des savoirs et des pratiques et de forums hybrides grâce à l »idée de cercles d’intéressement, issue de la sociologie de la traduction avec Akrich, Callon, ou Latour, Le top-down est inefficient. Il ne suffit pas qu’existent des pratiques de valorisation des savoirs, des lieux réels ou virtuels de ressources, des recherches collaboratives, pour que les professionnels s’en emparent. La formation initiale et continue des professeurs doit être pensée autrement : autour de la production de cet espace d’intéressement où chercheurs et professionnels modifient leurs pratiques. Sans quoi les recherches restent lettre morte, simple mode de validation de la formation initiale des professeurs, sans intérêt pour les intéressés, qui les pensent trop théoriques et décrochées de leurs pratiques. C’est ce que montrent toutes les enquêtes successives, comme l’indique l’ouvrage « À quoi servent les sciences de l’éducation ? » (Mabilon-Bonfils & Delory-Momberger, 2019). Toutes les disciplines sont concernées par ce constat. Une communauté ne se décrète pas.

Depuis une dizaine d’années, les sciences participatives impliquant des « non-scientifiques-professionnels » ont connu une évolution rapide : augmentation du nombre de projets de recherche et croissance du nombre de publications scientifiques afférentes. « Les sciences participatives sont définies comme les formes de production de connaissances scientifiques auxquelles des acteurs non-scientifiques-professionnels, qu’il s’agisse d’individus ou de groupes, participent de façon active et délibérée. » (Houllier, Joly, Merilhou-Goudard, 2017).

Dans la lignée des sciences participatives, le laboratoire BONHEURS essaie d’imaginer les conditions du dialogue entre chercheurs, formateurs, enseignants en créant des espaces « d’intéressement » comme son site de science participatives.

Aujourd’hui, le laboratoire BONHEURS se propose de penser d’accompagner les professionnels (titulaires ou stagiaires) en répondant à leurs questions face au déconfinement et de penser ensemble « l’école d’après » sur le Facebook Les écoles du bonheur

Trois volets à ce dispositif

• Chaque jour une vidéo sur une question pratique. Face à l’urgence et à la complexité de la situation que vivent les professionnels de terrain. laboratoire propose un dispositif d’accompagnement aux professionnels pendant cette période de de confinement. Il sera nourri des interventions de chercheurs mais aussi de professionnels de terrain qui souhaiteront y participera leurs vidéos ou poser des questions pratiques, échanger, débattre. Tous les jours une courte vidéo répondra à des questions professionnelles : Comment réaménager sa classe ? Comment reprendre l’enseignement des fondamentaux après le confinement ? Comment prendre en compte le bien-être des enfants et répondre à leurs inquiétudes ? Comment interagir et rassurer les parents ? Comment associer dans un enseignement hybride les élèves en classe et les élèves à la maison ? Et bien d’autres questions

• Tous les vendredis 18h le Facebook live « L’école d’après » où des experts en éducation et des professionnels de terrain échangent avec vous

• Dans un second temps ce dispositif permettra de penser ensemble avec les professionnels qui le souhaitent la notion de savoir-relation à l’école dans une logique science participative.

Béatrice Mabilon-Bonfils

Directrice du laboratoire BONHEURS

Université de Cergy-Pontoise

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