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Coordonnateur du numéro 83 de la Revue internationale d’Education, consacré aux réformes de l’éducation, Jean-Marie de Ketele revient sur ce numéro et défend les conclusions qui s’en dégagent. « L’Ecole doit absolument s’ouvrir et créer ces triangulations entre acteurs. Cela à plusieurs niveaux : la communauté locale, la gouvernance du milieu et la strate ministérielle. Pour cela il faut une vision socio politique. »

Peut-on encore réformer un système éducatif ? Le vrai changement ne se fait-il pas ailleurs ou autrement ?

Ma thèse personnelle, dans le scénario que je propose en conclusion du numéro de la Revue de Sèvres, c’est qu’il s’agit de préparer un scénario incluent différentes formes de partenariat. Comme le disent Antonio Novoa et Mark Bray, il y a d’autres lieux et d’autres formes d’apprentissage qui font souvent mieux que l’école. Par exemple, certains ateliers pédagogiques de musées portant sur la science ou la culture sont mieux armés pour faire apprendre. En sport il y a des lieux où le sport est mieux appris qu’à l’école. Lors du colloque, le ministre de l’éducation de Corée du Sud, qui a permis aux lycéens d’être libres d’organiser un semestre de leur curriculum , puis toute leur dernière année, dit qu’il ne se considère plus comme le ministre de l’éducation ou de la scolarisation mais comme le ministre des apprentissages. C’est une idée remarquable.

Dans l’avenir on doit se préparer à faire en sorte qu’on considère l’enseignement dans des lieux et des formes d’apprentissage organisés en partenariats. Ca ne supprimera pas l’école. Elle aura toujours un rôle important pour donner des racines aux élèves et articuler ce qu’ils apprennent. La crise sanitaire renforce cette vision qui ne va pas aboutir en 10 ans même si ça s’accélère. On voit déjà les parents des catégories favorisées faire preuve d’activisme parental . Il savent que leur enfant ne se satisfait pas de lécole et ils multiplient les lieux d’apprentissage pour le sport, les arts, etc.

Qui peut réformer ?

On ne peut donc plus se contenter de réformer l’école seule. Il s’agit de projet de société. Dans la revue Denis Meuret parle de « récit mobilisateur ». Ce récit doit être porté par un ministre qui ne soit pas que le ministre de l’école. Dans ce projet de société il faut multiplier les triangulations entre les acteurs. Ceux de l’école mais aussi hors de l’école les interfaces de la communauté locale. On peut suivre l’exemple de la Finlande. Il y a un curriculum national mais ce curriculum est opéré dans le contexte de la municipalité. Les personnes en charge du sport et de la culture dans la municipalité conçoivent le projet d’éducation qui se fera dans la municipalité. Autre exemple :l’Afrique où l’éducation non formelle recueille les enfants négligés par l’école.

N’est ce pas une vision très libérale du système éducatif ?

Le problème c’est d’éviter les classements. On parle de partenariats et d’un récit mobilisateur global qui se concrétise localement. Lors du colloque on a analysé 26 études de cas et cela montre que l’articulation entre l’école et les acteurs de la communauté locale est indispensable pour réussir l’action éducative nécessaire localement. L’OCDE a analysé plus de 500 réformes de ces dernières années et montré que la plupart n’ont pas eu les effets escomptés. Dans un précédent numéro de la Revue de Sèvres ont a présenté les grandes figures de l’éducation dans le monde. Des grandes figures qui n’ont pas changé l’école en fait. Le temps est donc venu de faire évoluer la forme scolaire pour développer des partenariats pour les apprentissages. La crise sanitaire montre que c’est une nécessité.

Mais ces réformes sont pour qui ?

La question c’est d’ouvrir l’éducation à tous et de donner un enseignement de qualité à tous. La classe favorisée s’en sortira toujours avec ou sans l’école. Par contre , pour les défavorisés, si on ne met pas en place des triangulations entre acteurs on ne s’en sortira pas. Le vrai enjeu c’est de regarder où sont les besoins et quels acteurs peuvent les prendre en charge le mieux.

L’Ecole doit absolument s’ouvrir et créer ces triangulations entre acteurs. Cela à plusieurs niveaux : la communauté locale, la gouvernance du milieu et la strate ministérielle. Pour cela il faut une vision socio politique. Une des interventions importantes de ce nuémro c’est celle de Ma Umba Mabiala qui montre l’importance de la place des jeunes dans les changements des systèmes éducatifs. Ils alertent sur les enjeux (environnementaux par exemple) mais aussi mettent en place des structures pour veiller sur ces enjeux. Le politique doit les aider à mettre en place ces structures. La place des jeunes est importante pour l’avenir de l’éducation.

Propos recueillis par François Jarraud