L’Expresso du 16 janvier 2023
- Le fait du jour -
Les « cacographies » ont précédé la dictée au tout début du XIX° siècle et ont eu beaucoup de succès vers la fin du premier Empire. Il s’agissait d’ouvrages comprenant des mots, des phrases et des textes à rétablir dans leur orthographe juste. On faisait valoir que ce type d’exercice favorisait une attitude active voire réfléchie…
Présidente d’ATD Quart Monde, Marie Aleth Grard brosse un portrait sans concession de l’école d’aujourd’hui. Une école qui a du mal à accompagner les élèves nés dans les milieux défavorisés. Une école où il existe peu de mixité sociale. Une école à deux vitesses. Elle y voit une « atteinte à la démocratie ». Selon la militante,…
- Le système -
Près de 500 000 euros pour un rapport qui prône la rémunération au mérite. Très exactement 496 800 euros facturés par le cabinet McKinsey en 2020 au ministère de l’Éducation national pour la préparation d’un colloque qui n’a jamais eu lieu. Il s’agissait alors « d’accompagner la Direction Interministérielle de la Transformation Publique dans l’organisation d’un…
- Les disciplines -
Arrêter d’enseigner le français pour aller animer des ateliers d’écriture : c’est le choix courageux d’Hèlène Paumier, une professeure de lettres qui depuis des années inventait et menait des projets inspirants au Lycée Pilote Innovant International de Poitiers. Ce départ nait d’un engagement associatif et citoyen, qui fortifie expériences, compétences et valeurs. Ce choix vient aussi…
- L'élève -
Pour fédérer acteurs du livre et lecteurs, et célébrer le plaisir de lire, les Nuits de la lecture reviennent du 19 au 22 janvier 2023. Cette 7ème édition s’articule autour du thème de la peur, avec une programmation plus surprenante et insolite que jamais ! Au cours de quatre nuits exceptionnelles, avec un temps fort le…
- Le système -
La direction des Affaires Juridiques (DAJ) a publié les résultats d’une enquête sur la protection fonctionnelle. On en retiendra que 3558 demandes ont été formulées pour 2021, 2940 accordées. Pour 85,7% les motifs de protection fonctionnelle concernaient des atteintes volontaires à l’intégrité de l’agent – 66,8% d’atteintes morales, 8,2% d’atteintes physiques et 7,6% d’actes…
On apprenait la semaine dernière que cette matière sera remplacée par une heure de soutien ou d’approfondissement en mathématiques et français en classe de 6eme dès la rentrée 2023. A l’initiative de l’ASSETEC (association nationale pour l’enseignement de la Technologie), une pétition contre la suppression de la Technologie en classe de 6ème a été mise…
- La classe -
Lecture jeunesse, association qui vise à développer la lecture et l’écriture des adolescents et des jeunes adultes, vous donne rendez-vous pour son colloque annuel le 24 janvier à la Maison de la Poésie à Paris. Ce sixième colloque aura pour thème « l’oralité : Quand les adolescents prennent la parole : oral en scène, écrit en coulisses ? ».…
- Les disciplines -
« Il est nécessaire que les élèves automatisent les règles de grammaire et d’orthographe. Un entrainement régulier grâce à des exercices de toute nature, notamment de dictée brève quotidienne, est essentiel. » (B.O. 12 janvier 2023). La dictée à la papa vient de faire son énième retour politique et médiatique. Pour travailler l’orthographe, d’autres voies sont…
Au CDI du collège Clervoye à Franconville, les 6èmes ont réalisé et exposé de jolies « boîtes à contes » pour partager leurs lectures avec créativité. Eclairages sur le projet : « Les élèves ont choisi un conte parmi une sélection. Après lecture, ils ont eu à confectionner une boîte de lecture qui leur a servi de support…
Alors que le numérique transforme nos façons d’écrire et de lire, n’est-il pas temps de renouveler le corpus d’œuvres littéraires abordées à l’Ecole ? Un Catalogue des Œuvres Littéraires Numériques (COLiN) vient nous y aider : la plateforme, évolutive, répertorie des créations québécoises présentant « une forte teneur littéraire et une composante numérique importante, voire dominante ». L’exploration, qui…
L'édito
Amélie, merci !
Alors que les enseignants entament un mouvement social de longue durée, il faut rendre sa part de mérite à Amélie Oudéa-Castéra. Pour avoir incarné aussi visiblement les non-dits du projet éducatif d’Emmanuel Macron, elle mérite un remerciement. Et elle nous donne l’occasion de revenir sur ce projet et ce combat. Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de l’éducation « le combat de notre siècle ». Et, depuis 2017, les enseignants bloquent le projet. Un long septennat de luttes qui nécessite maintenant une réponse de la société.
L’Ecole et Ibiza
A quoi pense Emmanuel Macron ? D’année en année, son choix semble moins sur. Jean-Michel Blanquer avait su déguiser la politique éducative d’Emmanuel Macron sous le masque de la République et de la science. En 2018-2019, au moment de la loi Blanquer, sous la poussée des enseignants, son siège vacillait. Mais, avec l’aide de la droite sénatoriale, il avait réussi à se maintenir en usant de son image de défenseur de l’Ecole. Il fallut Ibiza pour qu’il tombe. Le ministre faisait passer ses vacances avant son travail, la jet-set avant la République.
Avec Amélie Oudéa-Castéra, Ibiza est arrivé dès le premier jour. Mieux que ses prédécesseurs elle affichait sans vergogne ses choix de caste et revendiquait ses privilèges. De déclaration maladroite en formule malheureuse, la ministre a fini par incarner la grande bourgeoisie séparatiste, plutôt VIIème que 6ème. Ce choix, malheureux pour E. Macron, met en évidence les décisions anti sociales de la politique éducative d’E. Macron.
Une seule politique depuis 2017, celle de Macron
Car, depuis 2017, c’est bien la même politique éducative qui essaie de s’installer. On peut même remonter à 2016, où le futur ministre d’Emmanuel Macron, membre de l’Institut Montaigne, la définit. Dans « L’école de demain« , JM Blanquer en fixe les bases. C’est l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence, dirigés par des chefs managers. C’est la fin du collège unique remplacé par des établissements à autonomie pédagogique. C’est l’éducation réduite aux fondamentaux dans le premier degré et pliant sous leur poids dans le second. Ce sont des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont dictées et dont le mérite est estimé annuellement grâce aux évaluations nationales. Cette privatisation de la gestion de l’éducation nationale est proclamée par les gouvernements d’E. Macron. En février 2018, E Philippe promeut l’individualisation des salaires et la libération des managers dans toute la fonction publique. Quelques mois plus tard, E. Macron fait de la transformation de l’Ecole « le combat de notre siècle ». En aout 2022, il revient sur les fondamentaux de 2016 : autonomie des établissements, contractualisation générale des établissements et des enseignants. Cela nous donne le Pacte, le CNR.
Les enseignants sont seuls à faire reculer Macron
Si E. Macron se répète depuis 2018, si ses gouvernements fixent le même cap depuis 2017, c’est que la politique éducative du président peine à s’installer. Certes la loi de transformation de la fonction publique est passée. La loi Blanquer aussi. Le Pacte est mis en place. Mais la grande libéralisation de l’Ecole promise depuis 2016 n’a toujours pas eu lieu.
Les enseignants ont fait reculer Blanquer et sa loi en 2019. Il a fallu la désorganisation issue du confinement pour que la loi Rilhac passe. La transformation radicale du lycée professionnel a été freinée par des années d’opposition réussie des enseignants des L.P. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. Mais les macronistes le savent. Les enseignants ont réussi, et eux seuls, à bloquer Jupiter.
Au point de bascule
Aujourd’hui, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra entame sa mission ministérielle, les syndicats enseignants sont presque unanimes à écrire que « nous sommes à un point de bascule pour l’Ecole publique« . Sud, Unsa, Fsu, Sgen Cfdt et Cgt appellent ensemble à « une réponse forte qui passe par une action dans la durée« . Ils rejettent la politique présidentielle, jugée « passéiste et conservatrice« . Ils dénoncent « une école du tri social » marquée par la disparition du collège unique et l’affectation des jeunes élèves à des filières séparées. Ce tri social est particulièrement visible au collège et au lycée professionnel.
Particularité française
Alors que, chez nos voisins, la révolution libérale de l’Education a pu se mettre en place, la France résiste. C’est grâce aux enseignants. Mais leur action est possible par l’écho qu’elle rencontre dans la société. Dans un numéro de la Revue de Sèvres consacré à la privatisation de l’Ecole, Xavier Pons relevait cette spécificité française. » Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions », écrivait-il. Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. A ce titre, le « nouveau pacte » et la transformation du collège sont une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique.
Puisque nous atteignons le point de bascule, les Français peuvent encore s’opposer à ce projet et défendre leur école. Les enseignants ont besoin d’eux.
François Jarraud