Par François Jarraud
 » Nous n’avons pas fait de concessions. Nous avons Ă©tĂ© fermes de bout en bout des Ă©changes, le ministère Ă©tant demandeur et en attente de se refaire une image positive par rapport Ă l’Ă©cole maternelle ». Lucile Barberis, prĂ©sidente de l’AGEEM, une association qui regroupe des enseignants de maternelle, annonce la signature d’une convention avec le ministère.
Venant après plusieurs rapports très hostiles Ă la maternelle, après des propos malheureux sur les couches, la signature d’une dĂ©claration commune avec le ministère marque un vĂ©ritable changement de ton. « L’école maternelle accueille tous les enfants Ă partir de 3 jusqu’à 6 ans. Elle accueille aussi les enfants de 2 Ă 3 ans particulièrement dans les secteurs difficiles ruraux et urbains, en fonction des places disponibles. Elle se coordonne avec les structures de la petite enfance pour offrir un service de qualitĂ© aux enfants et leurs familles. Il en sera ainsi tant qu’une solution collective consensuelle concernant l’accueil des plus petits n’aura pas Ă©tĂ© dĂ©finie. L’AGEEM sera associĂ©e Ă cette rĂ©flexion ». Le Guide AGEEM sera distribuĂ© aux familles
Propositions pour la formation
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoin[…]
DĂ©cllaration commune
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjo[…]
RĂ©Ă©dition par le ministère d’un document d’accompagnement de 2002
Xavier Darcos a signĂ© le 18 dĂ©cembre un accord de partenariat avec l’Association gĂ©nĂ©rale des enseignants des Ă©coles et classes maternelles publiques (Ageem) comme L’Expresso l’avait annoncĂ© hier. Durant un long entretien, il a affirmĂ© « la place essentielle de l’Ă©cole maternelle au sein du système Ă©ducatif français ». Dans la foulĂ©e il a signĂ© la pĂ©tition lancĂ©e par l’Ageem, devenant le 183 342ème signataire…
L’accord prĂ©voit d’associer l’Ageem Ă un plan national de formation des enseignants de maternelle. Un premier pas concret a Ă©tĂ© fait dans cette direction. L’Ageem a obtenu la rĂ©Ă©dition de l’ouvrage dirigĂ© par Viviane Bouysse et Michel Fayol, « Le langage Ă l’Ă©cole maternelle ». Très prisĂ© des enseignants et formateurs, il avait Ă©tĂ© Ă©ditĂ© comme document d’accompagnement des programmes de 2002. Au moment de la publication des programmes de 2008, il avait Ă©tĂ© brutalement retirĂ© de la circulation par le ministère. RĂ©Ă©diter officiellement cet ouvrage banni est un pas symbolique important. Il tĂ©moigne des efforts de X. Darcos pour renouer le dialogue avec les enseignants du primaire.
En fin d’après-midi, au SĂ©nat, Xavier Darcos devait confirmer ce rapprochement avec l’Ageem. « Personne ne doute de mon attachement Ă l’Ă©cole maternelle ! J’ai reçu aujourd’hui l’association gĂ©nĂ©rale des enseignants des Ă©coles et classes maternelles, l’Ageem, avec qui j’ai signĂ© une dĂ©claration commune qui prĂ©voit un meilleur pilotage pĂ©dagogique au niveau territorial, une garantie d’accès pour tous les enfants Ă la maternelle, un plan de formation pour les enseignants qui entrent dans le mĂ©tier et ceux qui veulent continuer Ă se former, des documents pĂ©dagogiques et un guide Ă l’attention des parents… Tout Ă l’heure, j’ai dit aux reprĂ©sentants de l’Ageem, qui ont lancĂ© une pĂ©tition qui a reçu beaucoup de signatures : vous avez la mienne ! »
L’accord Ageem – Men dans L’Expresso
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/12/18122[…]
Sur le site ministériel
http://www.education.gouv.fr/cid23288/ecole-maternelle-part[…]
« La lecture en maternelle »
http://www.snuipp.fr/IMG/pdf/langage_en_maternelle.pdf
La pétition
http://marnesia.free.fr/phpPetitions/index.php?petition=2
Au SĂ©nat
http://www.senat.fr/cra/s20081218/s20081218_0.html#par_652
Darcos : « L’Ă©cole maternelle est une vraie Ă©cole »
Dans une lettre adressĂ©e au Snuipp, Xavier Darcos rend hommage Ă l’Ă©cole maternelle. « L’Ă©cole maternelle est une vraie Ă©cole, sur le fondement d’une pĂ©dagogie et de modalitĂ©s d’organisation spĂ©cifiques prenant en compte les besoins des jeunes enfants » Ă©crit-il. « J’y suis fortement attaché ».
Le ministre estime « qu’il n’y a pas de raison de remettre en cause les conditions dans lesquelles (l’accueil des 2 ans) s’effectue actuellement ». Il rappelle le partenariat avec l’Ageem et annonce la rĂ©activation d’un groupe de travail sur la formation des enseignants de maternelle. Il se dĂ©clare favorable Ă la mise Ă disposition « de bonnes pratiques ainsi que d’outils numĂ©riques ou participatifs Ă©laborĂ©s par des collègues, mutualisĂ©s et offerts en ligne ». Allusion peut-ĂŞtre Ă la rĂ©Ă©dition d’une partie des documents d’accompagnement de 2002 obtenue par l’Ageem.
Le Snuipp reste un peu sceptique : « Les prochains comités techniques paritaires académiques et départementaux montreront si ces intentions sont suivies d’effet ou si elles ne sont que de la poudre aux yeux… »
Communiqué
http://www.snuipp.fr/spip.php?article6099
Darcos renoue le dialogue
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/12/1812200[…]
RĂ©Ă©dition du document d’accompagnement
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/12/19122[…]
Scolarisation à deux ans : « il faut sortir du débat idéologique » nous dit Alain Houchot
Mise Ă mal dans plusieurs rapports, la scolarisation des enfants de deux Ă trois ans Ă©tait remise ouvertement en question jusqu’Ă ce qu’au 18 dĂ©cembre. L’accord signĂ© ce jour entre l’Ageem et le ministère a-t-il tournĂ© une page ? Alain Houchot, inspecteur gĂ©nĂ©ral, a bien voulu Ă©clairer le dĂ©bat.
Ces derniers mois ont vu plusieurs attaques contre l’Ă©cole maternelle. Puis il y a eu l’accord de partenariat signĂ© par l’Ageem et le ministre. Il y a quelques jours des dĂ©clarations de Nadine Morano qui annonce la fin de l’Ă©cole maternelle Ă deux ans… Aujourd’hui l’avenir de la scolarisation Ă deux ans, vous le voyez comment ?
Ce qui est vraiment important c’est qu’on peut enfin reparler de l’accueil des enfants de moins de trois ans tranquillement dans l’ensemble des dispositifs dont dispose notre pays.
Mais peut-on vraiment en parler tranquillement ? Les critiques ont Ă©tĂ© très sĂ©vères Ă la fois sous l’angle psychologique et celui de la qualification des enseignants…
Les critiques sont sĂ©vères depuis 30 ans et surtout non Ă©tayĂ©es. Ca ressemble davantage Ă du positionnement idĂ©ologique que de la rĂ©flexion. Et cela sans qu’on puisse donner des avis dĂ©finitifs. En rĂ©alitĂ© la qualitĂ© de l’accueil des jeunes enfants dĂ©pend autant de l’implication et de la qualification locale des adultes que de la structure qui accueille. Ca vaut pour toutes les structures. Il y a des structures pour la petite enfance qui ne sont pas satisfaisantes tout comme il y a des classes qui sont très satisfaisantes. On peut trouver des groupes d’enfants dans une halte garderie, une crèche qui ne fonctionnent pas correctement. Il ne suffit pas d’ĂŞtre dans un type de structure pour y ĂŞtre bien ou mal.
Ce qui est dĂ©terminant c’est certes le cadre mais aussi la façon dont les gens se l’approprient. Par exemple l’Ă©volution actuelle des conditions de travail dans les lieux d’accueil de la petite enfance fait que les conditions de la prise en charge se sont dĂ©gradĂ©es. A l’Ă©vidence il ne suffit pas d’Ă©chapper Ă l’Ă©cole maternelle pour ĂŞtre bien.
Ce que je vois dans l’Ă©volution rĂ©cente c’est qu’on va pouvoir reprendre la rĂ©flexion sur le mode d’accueil le plus satisfaisant. Quels sont les besoins des enfants ? Quels sont ceux de la famille ? Qui peut les satisfaire au mieux ? Quelle est la structure qui peut prendre en charge au mieux l’enfant. C’est cette rĂ©flexion que l’on n’aurait jamais du quitter. A certains endroits c’est l’Ă©cole maternelle qui est la meilleure. Donc l’Ă©carter Ă priori pour l’accueil des très jeunes enfants ce n’est ni rĂ©aliste ni opĂ©rationnel. Aujourd’hui voir qu’on ne l’Ă©carte plus me semble positif. Mais il faut continuer la rĂ©flexion.
Si on doit amĂ©liorer l’accueil en maternelle, a-t-on des pistes sur ce qui doit ĂŞtre fait ?
Il y a toute une expĂ©rience accumulĂ©e dans certains quartiers, de classes spĂ©cialement montĂ©es pour les tout petits qui sont très positives. Dans ces structures on a Ă©tĂ© original dans l’organisation de l’espace, du temps, dans la rĂ©partition des adultes. On a lĂ des savoirs Ă partir desquels on peut organiser des formations.
Qui peut le mieux accompagner le changement des structures en place ?
Un point important de l’accord signĂ© avec l’Ageem me semble ĂŞtre la crĂ©ation d’un rĂ©fĂ©rent dĂ©partemental pour l’Ă©cole maternelle. Il pourra ĂŞtre le coordinateur dĂ©partemental de la rĂ©flexion. Par exemple l’accueil des tout petits ne peut pas ĂŞtre le mĂŞme si on est dans un dĂ©partement rural avec de petites Ă©coles isolĂ©es ou si on est dans une zone urbaine avec de grandes Ă©coles et des rĂ©seaux plus complexes. C’est au niveau du dĂ©partement que l’Ă©cole doit trouver des partenaires. Par exemple on sait que certaines villes ont dĂ©veloppĂ© des postes de coordinateurs qui installent une bonne coopĂ©ration entre l’Ă©cole et les autres structures pour offrir aux familles la solution la plus adaptĂ©e.
Quand on regarde aujourd’hui la carte de la scolarisation Ă deux ans on voit qu’elle a rarement lieu lĂ oĂą, d’après les Ă©tudes, ce serait le plus pertinent, par exemple dans les quartiers urbains dĂ©favorisĂ©s. Comment expliquez-vous cela ?
Cela tient Ă plusieurs effets. Il y a un effet dĂ©mographique : le dĂ©veloppement de l’accueil des plus jeunes s’est fait lĂ oĂą il y a eu une chute dĂ©mographique, ce qui est le cas de beaucoup de centres ville. Dans les quartiers dĂ©favorisĂ©s on a souvent une croissance dĂ©mographique.
Il y a un effet social. Ce sont plutĂ´t les familles favorisĂ©es ou moyennes qui sollicitent l’Ă©cole pour accueillir les enfants de moins de trois ans. Les familles modestes le font moins. C’est liĂ© au travail des mamans. Au fait que leur connaissance de l’Ă©cole et de son intĂ©rĂŞt est moins bonne.
Il y a un troisième facteur qui tient Ă l’Ă©cole. Il y eu une pĂ©riode oĂą les enseignants n’ont pas Ă©tĂ© totalement volontaires pour accueillir des enfants très jeunes et ont favorisĂ© plutĂ´t la baisse du nombre d’Ă©lèves dans leur classe.
C’est donc une question qui concerne toute la sociĂ©tĂ© ?
Tout Ă fait. Et c’est ce qu’on n’a jamais voulu voir. On est dans un dĂ©bat qui ne sort pas de l’idĂ©ologie alors que la rĂ©flexion devrait ĂŞtre globale autour des besoins des enfants et des familles. Ce qui est surprenant c’est que ce dĂ©bat idĂ©ologique on le trouve dans tous les milieux. Chez des pĂ©dopsychiatres mais aussi chez des gens qui n’ont de connaissances que comme usagers… Il faut sortir du dĂ©bat idĂ©ologique.
En quoi l’accord avec l’Ageem fait-il avancer ce dĂ©bat ?
Il rĂ©installe la question de l’accueil des enfants de moins de trois ans. C’est l’occasion de dĂ©passionner le dĂ©bat. Aucune Ă©tude, aucune Ă©valuation ne montre le caractère nocif de l’Ă©cole pour ces enfants. Les Ă©tudes qui ont Ă©tĂ© faites, par exemple celles d’Agnès Florin, montrent plutĂ´t des effets positifs.
La question sociale est importante aussi. Notre pays est confrontĂ© Ă une croissance de la population pauvre. Un rapport de J. Delors en 2004 montrait cette Ă©volution. Dans un pays oĂą de plus en plus d’enfants sont confrontĂ©s Ă la pauvretĂ© pendant longtemps, la question de la prise en charge de ces enfants très jeunes devient dĂ©terminante. C’est pourquoi le dĂ©bat doit avoir lieu.
Pourquoi est-il si passionnel ?
Je ne sais pas. Quand on regarde l’histoire de l’accueil de ces enfants, quand la scolarisation Ă deux ans est montĂ©e, Ă la fin des annĂ©es 1980, le dĂ©bat portait sur l’utilisation des qualifications des enseignants. Les familles Ă©taient favorables. Puis le dĂ©bat a Ă©voluĂ© vers le thème : l’Ă©cole respecte-elle les besoins de l’enfant en terme de bien-ĂŞtre ? Les tout-petits ne sont-ils pas trop prĂ©cocement mis face Ă des contraintes ? C’est une interrogation lĂ©gitime. Mais ensuite on est sorti du dĂ©bat.
Certains pensent que le débat est devenu si passionnel à cause du développement de nouveaux services aux familles. Selon eux, la petite enfance deviendrait une nouvelle industrie et certains prestataires de service seraient tentés par un nouveau marché…
Quoiqu’il en soit, ce n’est qu’en France que le dĂ©bat se mue en procès d’intention et oĂą tout le monde donne son avis. Au niveau europĂ©en, par exemple dans le rĂ©seau Enfants d’Europe, les discussions sont sereines. La France est un pays surprenant…
Propos recueillis par François Jarraud
Faut-il scolariser à deux ans ? le dossier du Café
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Mat[…]
L’accord Ageem – Ministère
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/12/18122[…]
Agnès Florin
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/prima[…]
Alain Houchot dans le Café
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/primaire/[…]