De Courtenay (45) à Cuba avec les élèves 

Par François Jarraud



Le Café vous a déjà fait découvrir un prof d'EPS qui a réussi à emmener des élèves aux J.O. de Pékin. Cette fois nous allons à Courtenay, une petite ville du Loiret, où une équipe d'enseignants d'un collège particulièrement actif ont réussi à faire le voyage jusqu'à Cuba. Si !


Comment est né le projet ?


Le projet est né dans l’esprit de Thierry Alfandéga, professeur d’espagnol, qui l’a proposé à ses collègues Michaël Montaigu (professeur d’éducation musicale) et moi-même (Arnaud Rolley, professeur de français). Nous sommes tous les trois au collège depuis le début de notre carrière ou presque et avons tous autour de 30 ans. Nous sommes au collège depuis assez peu de temps (entre 3 et 5 ans).


Les élèves n’étaient pas tous de la même classe. Il s’agissait d’un club ouvert à toutes les classes de troisième dans le cadre du foyer socio-éducatif. Tous les élèves n’ont cependant pas été acceptés : voulant réduire au maximum les risques de problèmes de discipline dans un voyage aussi gros, nous avons choisi des élèves ayant contribué, tout au long de leur scolarité au collège, à la qualité de l’enseignement en classe par leur investissement (j’insiste sur un point : nous n’avons pas choisi seulement de « bons » élèves, autrement dit, les résultats scolaires, en terme de notes, n’étaient pas un critère de choix).


Pourquoi avoir choisi Cuba ?


Cuba étant un pays hispanophone, le voyage était évidemment linguistique. Mais le régime totalitaire qui dirige Cuba était aussi au cœur du projet. Nous sommes sortis au maximum des chemins balisés pour les touristes et avons essayé le plus possible d’observer le fonctionnement de la dictature cubaine. Nous voulions montrer à nos collégiens ce que signifie réellement la vie en l’absence de démocratie.


Le voyage était aussi un projet humanitaire, puisque nous avons collecté et distribué à des écoliers cubains des fournitures scolaires. Voir les larmes de joie des écoliers (et de leurs parents !) lorsque nous leur donnions de simples feuilles de papier ou des crayons de couleur fut une expérience très intense ! Cuba était sans doute le seul pays où nous pouvions apporter de l’aide humanitaire et observer le fonctionnement d’un régime totalitaire tout en garantissant une sécurité maximale à nos élèves.


Comment avez-vous réussi à financer un tel voyage ?


Le voyage a été financé en partie par les parents (500€ par élève avec paiement échelonné sur plusieurs mois, et 300€ par professeur accompagnateur) et en très grande partie par le mécénat d’entreprises de la région séduites par le projet (près de 11 000€). Vous pouvez consulter le bilan financier complet du voyage sur le site du collège ( http://clg-bruant-courtenay.tice.ac-orleans-tours.fr/php5/discipl[...] ).

Les élèves concernés étant volontairement inscrits au club, nous n’avons eu besoin de convaincre aucun parent.


Nous avons simplement envoyé une lettre à de très nombreuses entreprises. Nous avons reçu des dons plus ou moins grands mais qui au final ont constitué une somme importante. Le collège n'a pas spécialement de contacts avec les entreprises de la région mais nous sommes dans une petite ville, et les diverses actions menées par le FSE (spectacles, loto, repas...) animent l'agglomération et font connaître le collège. Nous sommes également un peu connus par les visites effectuées par les enseignants pendant les stages des élèves de troisième.


Mais je pense que les entreprises ont tout simplement été séduites par le projet (et sans doute aussi par la publicité que cela a pu leur apporter. Je sais que des articles sont parus dans les magazines internes de certaines sociétés). N'oublions pas la soirée de présentation du voyage qui a eu lieu fin juin et où les entreprises avaient la possibilité d'afficher leur logo et ont été publiquement remerciées. Cependant, curieusement, si la plupart de ces entreprises ont envoyé un représentant à cette soirée, très peu ont souhaité afficher leur logo.


Cet appel aux dons n'a pas à ma connaissance été spécialement critiqué. Ce qui a été critiqué fut le voyage en lui-même, principalement le fait que nous ayons sélectionné les élèves (alors qu'objectivement je ne vois pas comment le voyage aurait pu avoir lieu si nous avions emmené tous les élèves qui voulaient venir. Il aurait fallu trouver des milliers d'euro ou faire payer les élèves beaucoup plus cher. D'ailleurs, nous ne souhaitions pas emmener un groupe trop important dans un voyage aussi loin de la France, notre responsabilité a été assez lourde comme ça !). Nous avons même entendu des rumeurs délirantes sur notre compte (un exemple : le médecin qui nous a accompagné nous a fait une liste de produits à emporter par précaution (désinfectant, médicaments contre la diarrhée...) et certains en ont conclu que nous avions escroqué la sécurité sociale en nous faisant prescrire des médicaments dans le but de les donner aux Cubains !).


Avez-vous d'autres voyages en perspective ?


Mes deux collègues ont déjà organisé des voyages plus « traditionnels » en Espagne. Il s’agissait pour moi du premier voyage scolaire à l’étranger. Nous partons d’ailleurs en Espagne avec une soixantaine d’élèves en avril prochain (les mêmes professeurs qu’à Cuba, avec deux autres collègues).


Nous réfléchissons à un éventuel autre gros projet un peu similaire au voyage à Cuba qui aura peut-être lieu l’année prochaine mais rien n’est encore certain, et nous préférons ne pas en dire plus pour le moment. Il est en tout cas certain que nous souhaitons tous les trois renouveler ce genre d’expérience et que nous en sommes sortis très marqués sur le plan humain.


Quels ont été les apports pour les élèves ?


En espagnol, les apports furent similaires à ceux que l’on peut avoir lors d’un voyage linguistique plus classique.

Les élèves ont également travaillé sur la musique cubaine (ils ont notamment assisté à un spectacle sur place).


Ils ont fait un gros travail sur l’histoire de Cuba. M. Pensart, collègue d’histoire-géographie, nous a donné un coup de main appréciable après le voyage.

Au retour, les élèves ont réalisé sous notre direction un mémoire d’environ 60 pages pendant un club ayant lieu deux fois par semaine après les cours (ce mémoire est disponible en intégralité sur le site internet

http://clg-bruant-courtenay.tice.ac-orleans-tours.fr/php5/discipli[...], avec le récit du voyage, abondamment illustré). Il regroupe à la fois les savoirs culturels nés de ce voyage, et leurs impressions sur le plan humain. Faute de temps, le site n’a pas été réalisé avec les élèves, je l’ai fait seul, mais en prenant pour base leur travail.


Le contact avec la population cubaine, très chaleureuse malgré sa misère, l’observation de la dictature, et le passage à l’école (où l’enseignement se fait dans des conditions de misère extrême, cf. site internet) ont profondément marqué les élèves (et les accompagnateurs !). Je pense que nous avons réussir à leur ouvrir les yeux sur certaines réalités. C’est à ce jour cet aspect qui semble avoir le plus marqué tout le monde.


Effet secondaire d’un voyage aussi extraordinaire : un certain rapprochement entre les profs et les élèves. Plusieurs d’entre eux nous ont dit que nous avons été pour eux « plus que des profs » ; ils nous donnent régulièrement des nouvelles et essaient de passer nous dire bonjour au collège quand ils en ont l’occasion. Quant à nous, nous sommes sans doute un peu plus attentifs que d’ordinaire à ce qu’ils deviennent après avoir quitté notre établissement.


Votre collège montre une intégration poussée des TICE. Comment faites-vous ?


L’utilisation des TICE est sans doute en partie liée à une question de génération des enseignants. Courtenay est une petite ville rurale, assez loin des grandes agglomérations, qui attire peu les enseignants qui préfèrent travailler à Orléans, voire Montargis. Il y a donc à Courtenay beaucoup d’enseignants en début de carrière (car disposant de peu de points pour les mutations), plus familiarisés avec l’informatique que des personnes plus âgées. Mais les TICE sont utilisés par des collègues de tous âges.


Nous avons fait une demande de dotation en tableaux interactifs par le Conseil Général et nous disposons depuis décembre 2007 de quatre TBI qui sont utilisés très régulièrement (à notre connaissance, aucun collège dans le département n’en a autant). Nous expérimentons avec deux classes un tableau de texte en ligne. Nous menons avec l’une de ces classes un projet d’écriture de conte interactif mettant à contribution des connaissances appartenant à des disciplines multiples (en sixième) et un blog de classe avec une classe de troisième (chaque élève devra utiliser ses connaissances dans un blog en se cachant sous une fausse identité que seul lui et les enseignants connaîtront. Ce blog sera mis en ligne dans quelques semaines, le projet reste encore à affiner.)


Deux collègues (en français et sciences physiques) ont mis en place un atelier multimédia qui va mener à moyen terme sur la réalisation d’un site internet par les élèves. La responsable du site du collège, Mme Duvelle (enseignants en mathématiques) est aussi responsable de l’espace élèves du site de l’académie d’Orléans-Tours.


Finalement, nous n’avons jamais consciemment essayé d’échapper à la vague traditionnalisante dont vous parlez. L’usage des TICE semble simplement naturel à beaucoup de collègues.


Arnaud Rolley



Tout sur les sorties

Les sorties et voyages ont fait parler d'eux, entre autre à propos deleur financement. Cette fiche de l'ESEN recense les textes officiels applicables et fait le point sur les préalables, l'encadrement, l'information et le financement de ces sorties.

Fiche ESEN

http://www.esen.education.fr/fr/ressources-par-type/outils-pou[...]

Sur les voyages scolaires

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/a[...]


Sur le site du Café
Par fjarraud , le lundi 15 décembre 2008.

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