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Peut-on changer les profs ? 

Peut-on vraiment modifier les croyances des futurs enseignants ? On voit tout de suite l'intérêt de cette question au moment où on rétablit une formation professionnelle des enseignants avec la volonté de ne pas reproduire de génération en génération la même école mais de la changer. Marcel Crahay et Fanny Boraita, université de Genève, se sont attachés à compulser toutes les études sur ce sujet pour arriver à définir les bonnes stratégies de changement et donc, finalement, de formation des enseignants. Ils nous offrent dans la Revue française de pédagogie, n°183,une véritable réflexion sur la formation des professeurs.

 

A une époque où certains pensent avoir trouvé les bonnes méthodes "scientifiques" d'apprentissage cette étude peut sembler vaine. Il n'y aurait qu'à suivre des procédures pour améliorer l'enseignement en suivant les méthodes élaborées en laboratoire. Mais voilà, il se trouve que les salles de classe ne sont pas des laboratoires mais des institutions, avec leur histoire et leur culture. Et le passage du laboratoire à la vraie vie scolaire est souvent fatale aux utopies des scientifiques comme le montrent l'échec des portages des programmes Parler ou de celui de S Dehaene.

 

Marcel Crahay et Fanny Boraita étudient dans la littérature pédagogique existante, les effets des programmes de formation. En commençant par la question des cours théoriques : sont-ils susceptibles de faire évoluer les représentations des futurs enseignants ? La conclusion est sans appel. Le fossé est tel entre théorie et réalité de l'enseignement que les futurs profs la dénoncent. Elle n'influe pas sur leurs croyances.

 

Les programmes de formation ont-ils plus de chance ? Marcel Crahay lui même a mené une enquête auprès de 650 futurs profs sur leur représentation du redoublement. Au début de la formation ils sont généralement favorable à cette pratique. En fin de formation c'est nettement plus mitigé et leur opinion a tendance à se caler sur celle du formateur. Mais ils restent incapables de la justifier ce qui signe une grande fragilité.

 

La formation pratique fera-t-elle mieux ? Les résultats sont à la fois positifs et négatifs. Des études montrent que les futurs enseignants voient évoluer leurs représentations. Mais au fur et à mesure du déroulé du stage ils accordent une importance croissante à la gestion de la classe . En clair ils s'éloignent des conceptions socioconstructivistes apprises en formation.

 

Alors toute formation est-elle vaine et les enseignants indécrottables ? A coup sûr, non répondent les auteurs. Mais "apprendre à enseigner est un processus complexe". Tout au long de la formation, on demande aux futurs enseignants "d'élaborer une conception de l'enseignement qui soit à la fois personnelle et compatible avec les prescriptions officielles... Or au fil de la formation, ils sont confrontés à des visions de l'enseignement contradictoires". L'enseignant débutant va traverser diverses phases, certaines tenant de la survie, avant de se construire comme professionnel.

 

Quels enseignements retenir ? M Crahay et F Boraita font apparaitre des pistes pour permettre le changement. La formation doit favoriser une démarche auto réflexive. Celle-ci ne va pas de soi. Il faut donc susciter "des dissonances cognitives" chez les futurs enseignants.  En conséquence il faut favoriser l'expression des futurs enseignants. Il faut les confronter à des cas d'enseignement. Et enfin privilégier l'enseignement de connaissances procédurales. Au final, devenir un enseignant c'est bien faire un travail sur soi, rappellent les auteurs.

 

François Jarraud

 

F Boraita et Marcel Crahay, Les croyances des futurs enseignants, Revue française de pédagogie n°183, 2013.




Sur le site du Café

Par fjarraud , le lundi 16 décembre 2013.

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