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La Rubrique juridique : Du changement dans la procédure disciplinaire 

Un récent arrêt du Conseil d’Etat va nous permettre, en ce mois de décembre, de revenir sur la procédure disciplinaire applicable aux agents de la fonction publique.


En effet, dans un arrêt en date du 13 novembre 2013 (Monsieur A.B., n°347704, publié au recueil Lebon), l’assemblée du contentieux du Conseil d’Etat a jugé que, désormais, il y a lieu d’exercer un entier contrôle sur le caractère proportionné de la sanction disciplinaire infligée à un agent public par rapport aux faits fautifs qui l’ont justifiée.


Ainsi, il appartient au juge de l’excès de pouvoir, s’il est saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits qui sont reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.


Si l’arrêt semble critiquable sur certains points, le respect du contradictoire et l’appréciation de l’indépendance de l’autorité qui a pris la décision de sanction, il faut tout de même se réjouir de l’avancée que représente cette décision du Conseil d’Etat en termes de respect des droits des fonctionnaires


Reste maintenant à vérifier l‘application concrète des principes posés par cet arrêt et à voir comment l’administration va modifier sa façon de procéder.


D’où l’utilité de faire quelques rappels sur la procédure disciplinaire applicable aux personnels de l’Education Nationale.



I) Le déroulement de la procédure disciplinaire

Tout d'abord, en application du principe du contradictoire, vous devez être informé de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à votre encontre par lettre recommandée avec accusé de réception.


A peine de nullité, ce courrier doit vous informer des dates auxquelles vous pourrez consulter votre dossier et de la possibilité qui vous est donnée de vous faire assister par un défenseur de votre choix et de citer des témoins dont vous devrez communiquer l'identité à l'administration.


La communication du dossier a lieu au rectorat ou à l'inspection académique. Vous pouvez être accompagné d'un représentant du personnel ou d'un avocat, ou vous pouvez autoriser ce dernier à prendre connaissance seul de votre dossier administratif.


Toutes les pièces de ce dossier doivent être numérotées sans discontinuité dans l’ordre chronologique et inscrites sur un bordereau récapitulatif. Bien entendu, vous avez droit à la communication personnelle et confidentielle de tous les documents composant votre dossier et toutes les pièces du dossier administratif peuvent être photocopiées.


Ces photocopies étant parfois payantes, renseignez-vous auprès du service avant.


En règle générale, c’est la commission administrative paritaire académique ou départementale siégeant en conseil de discipline qui est saisie de l‘affaire, mais :


-       Pour les fonctionnaires détachés, le pouvoir disciplinaire appartient à l'administration d'origine qui peut infliger des sanctions pour des fautes commises pendant une période de détachement, l'administration d'accueil ne pouvant prononcer que des sanctions disciplinaires ne nécessitant pas la réunion du conseil de discipline, soit l‘avertissement et le blâme.

-       Pour les personnels affectés en vice-rectorat, c’est la commission administrative paritaire nationale qui est consultée sur toute l'échelle des sanctions.

-       Pour les fonctionnaires stagiaires, c’est la commission administrative paritaire académique qui est compétente et c’est le Recteur qui prononce les sanctions de l'avertissement, du blâme et de l'exclusion temporaire avec retenue de traitement pour une durée maximale de deux mois.



Le conseil de discipline peut valablement siéger en l'absence de l'agent mis en cause si celui-ci a été régulièrement convoqué mais les trois quarts au moins des membres de la commission paritaire réunie en conseil de discipline doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion. Si ce quorum n'est pas atteint, une nouvelle convocation doit être envoyée aux membres de la commission qui siège alors valablement si la moitié de ses membres est présent.


L'ensemble de l'affaire doit faire l'objet d'un rapport détaillé établi soit par le supérieur hiérarchique de l'agent mis en cause, soit par un fonctionnaire spécialement désigné pour procéder à l'enquête. Le rapport ainsi que les preuves, ou les présomptions sérieuses, doivent être insérés dans le dossier administratif de l'intéressé.


La charge de la preuve des faits reprochés incombant à l'administration, la procédure disciplinaire ne peut être engagée que sur des faits matériellement établis. Ces faits doivent être précis, circonstanciés et vérifiés et le lien de causalité entre les faits et la faute doit être clairement démontré.


Après la lecture du rapport disciplinaire, il est éventuellement procédé à l'audition de l'agent enquêteur, puis à l'audition des témoins. Les témoins cités par l'agent poursuivi sont entendus après ceux cités par l'administration et ces témoins ne sont pas tenus de prêter serment.


La parole est ensuite donnée à l'agent mis en cause et éventuellement à son défenseur.


Les délibérations du conseil de discipline étant secrètes, les défendeurs et le secrétaire de séance se retirent afin que les membres de la commission puissent délibérer sur la sanction.


Le conseil de discipline n'est pas tenu de se prononcer immédiatement ; il peut décider de mettre l'affaire en délibéré ou de demander un complément d'enquête. De même, il peut proposer de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal si l’affaire a été portée en justice. Ceci dit, dans les faits, cette suspension est souvent à l'initiative du Chef de service en application du principe de la présomption d'innocence.


C'est la proposition motivée de sanction qui recueille la majorité des voix ou, en cas de partage égal des voix, celle qui recueille la voix prépondérante du président qui est réputée adoptée par le conseil de discipline.


L'autorité qui prend la sanction disciplinaire, soit le Ministre, le Recteur ou le Directeur des services départemental de l’Education Nationale, n'est pas liée par la proposition du conseil de discipline. Mais la décision qu'elle prend doit viser les textes sur la base desquels elle a été prononcée ainsi que l'avis du conseil de discipline et elle doit préciser les griefs retenus à l'encontre de l'agent poursuivi.


En application de la nouvelle règle de contrôle posée par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 13 novembre 2013, c’est bien évidement lors de cette prise de décision que l’autorité devra vérifier le caractère proportionné de la sanction disciplinaire infligée à l’agent par rapport aux faits fautifs qui l’ont justifiée.


Et, c’est bien évidement à ce stade de la procédure que l’arrêt précité ouvre de nouveaux moyens de recours devant les juridictions administratives.


A méditer, même si l’appréciation des chances de succès d’un recours requerra tout de même quelques compétences juridiques de base...


L'arrêté de sanction disciplinaire est ensuite remis à l'intéressé par le supérieur hiérarchique ou, plus généralement, transmise par lettre recommandée avec accusé de réception.  


Attention : si la notification de la sanction disciplinaire fait courir les délais de recours, la sanction est immédiatement exécutoire et ne peut être suspendue que par un référé suspension devant le Tribunal administratif.


Cette sanction disciplinaire prononcée est ensuite portée au dossier administratif.


Le blâme est effacé après trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période.


Le fonctionnaire frappé d'une sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme mais non exclu des cadres peut, après dix années de services effectifs à compter de la date de la sanction disciplinaire, introduire auprès du Ministre dont il relève une demande tendant à ce qu'aucune trace de la sanction prononcée ne subsiste à son dossier. Si, par son comportement général, l'intéressé a donné toute satisfaction depuis la sanction dont il a fait l'objet, il est fait droit à sa demande. L’autorité statue après avis du conseil de discipline et le dossier du fonctionnaire est éventuellement reconstitué sous le contrôle du conseil de discipline.



II) Les voies de recours

1) La commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État


L’agent qui a fait l’objet d’une sanction peut saisir la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État dans le délai d'un mois à compter de la notification si :

-       La sanction consiste en la mise à la retraite d'office ou la révocation et qu’elle n'a pas été proposée par le conseil de discipline à la majorité des deux tiers de ses membres présents.

-       La sanction consiste en un abaissement d'échelon, le déplacement d'office, la rétrogradation ou l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée supérieure à huit jours, même assortie du bénéfice du sursis, alors que le conseil de discipline a proposé une sanction moins sévère ou qu'aucune des propositions soumises au conseil, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n'a obtenu l'accord de la majorité des membres présents.


Les conditions de saisine de cette commission étant strictes, il est impératif de connaître les votes sur chaque proposition de sanction mise aux voix pour déterminer si le recours est recevable. Les représentants du personnel sont en mesure de fournir ces données mais l'administration doit aussi communiquer à l'intéressé les informations de nature à lui permettre de déterminer si les conditions de saisine se trouvent réunies.


Une fois saisie, la commission de recours peut ordonner une enquête si elle ne s'estime pas suffisamment éclairée sur les faits reprochés ou les circonstances dans lesquelles ces faits se sont produits.


On notera que là encore, la décision du Conseil d’Etat va sans doute amener la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État à être vigilante.


Lorsque, par suite d'un jugement devenu définitif, l'agent a perdu ses droits civiques, le président de la commission de recours le met en demeure de présenter de nouvelles observations dans un délai de quinze jours. A défaut de cette présentation dans le délai prescrit, l'intéressé est réputé s'être désisté de son recours.


Au vu, tant de l'avis précédemment émis par le conseil de discipline que des observations écrites ou orales produites devant elle et, compte tenu, le cas échéant, des résultats de l'enquête à laquelle il a été procédé, la commission de recours émet, soit un avis déclarant qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la requête qui lui a été présentée, soit une recommandation tendant à faire lever ou modifier la sanction infligée.


Cet avis ou cette recommandation doit intervenir dans le délai de deux mois à compter du jour où la commission de recours du Conseil supérieur de la Fonction publique de l'État a été saisie. Ce délai est porté à quatre mois lorsqu'il est procédé à une enquête.


L'avis ou la recommandation émis par la commission de recours du Conseil supérieur de la Fonction publique de l'État est transmis au Ministre intéressé. Si celui-ci décide de suivre la recommandation, cette décision se substitue rétroactivement à la décision initiale.


Les conditions de signification de cet avis et d'inscription au dossier administratif sont les mêmes que celle de la procédure devant le Conseil de discipline.



2) Les autres recours contre les sanctions disciplinaires


Si une sanction disciplinaire vous a été infligée, vous pouvez, selon les cas, faire un recours gracieux ou un recours hiérarchique, même s'ils ont peu de chance d'être couronnés de succès, ou bien un recours contentieux devant la juridiction administrative.

Le délai pour exercer un recours administratif ou un recours contentieux est de deux mois et court à partir de la notification de sa décision. Mais ce délai est suspendu jusqu'à notification soit de l'avis de la commission de recours du Conseil supérieur de la Fonction publique de l'État déclarant qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la requête qui lui a été présentée, soit de la décision définitive du Ministre.


Laurent Piau


Laurent Piau, juriste, est l'auteur de l'ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF

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Par fjarraud , le lundi 16 décembre 2013.

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