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Par Antoine Maurice



Le Centre EPS et Société, rencontre avec Christian Couturier



Ce mois-ci, le café a rencontré Christian Couturier secrétaire de l’association « EPS et société », professeur d’EPS  au lycée Jean Monnet à Montpellier et militant de l’éducation physique depuis une trentaine d’année, notamment au sein du SNEP.


Tout d’abord, pouvez-vous nous faire un petit historique du centre EPS et société ?

L’association est née en 1996 après un colloque organisé par le SNEP. L’idée avait été lancée par Jacques Rouyer, pour instituer un lieu de réflexion qui mettrait en relation des personnes qui ne travaillent pas ensemble d’habitude : enseignants, universitaires, institutionnels, syndicalistes… en prenant le temps d’affronter certaines questions et en confrontant les points de vue. Ces questions concernent l’EPS au premier plan, dans ses relations avec l’école, la société, la culture. Bref il nous a semblé qu’un tel espace n’existant pour notre discipline, il fallait le créer. La revue « Contrepied » a vu le jour l’année suivante. Le travail a commencé en cercle très restreint (Paul Goirand et moi-même pour le premier numéro), puis il s’est étoffé progressivement. Nous avons constitué un comité de parrainage très étoffé, avec des personnalités allant de Georges Vigarello à Jean-Yves Rochex, en passant par Jackie Marsenach, Pascal Duret…


Aujourd’hui comment se caractérise l’activité du centre ?

L’activité principale consiste à « fabriquer » la revue, 2 fois par an pour l’instant, mais elle va très bientôt passer à 3, et ensuite sans doute à 4. Nous avons d’autres activités, d’animation de stages ou de participation à certains colloques, mais l’essentiel demeure dans la confection de la revue. Mais Au fil du temps (nous en sommes au 24ème numéro, ça fait donc 12 années de travail), la méthode que nous avons forgée permet de répondre à plusieurs fonctions : l’organisation de tables rondes et débats en amont, pour mieux cerner les problématiques, une réflexion d’ordre politique, au bon sens du terme, un travail de controverses, entre nous ou bien ouvert sur l’extérieur, le travail avec des universitaires, la lecture de thèses ou d’ouvrages, et surtout, c’est là l’essentiel, le travail avec des collègues pour aboutir à des « récits de pratiques ». Ce dernier point constitue vraiment une originalité dans le paysage de l’EPS. Il ne s’agit pas de « prêts à porter » formatés, mais vraiment de creuser un point de l’activité professionnelle et d’en rendre compte pour que chaque enseignant puisse « rentrer » dans la logique de celui qui parle et comprendre les enjeux. Pour faire tout ça, nous avons affiné au fur et à mesure nos méthodes, qui partent maintenant d’entretiens. Ce n’est pas le sujet qui écrit. Par contre ça n’est publié que lorsqu’il donne son aval bien sûr.


Comment choisissez-vous les thèmes des numéros ? L’avant-dernier s’intitule « la compétition et l’EPS ». Comment ce thème est-il né ? Quels ont été les enjeux de ce numéro ?

Le thème des numéros est le fruit d’une longue gestation. Chaque membre du groupe a sont point de vue. Cela peut être un thème d’actualité, ou une APSA, mais le but est de gratter un peu le vernis habituel des discours sur l’EPS. On questionne les évidences, on retourne les lieux communs… on prend donc les sujets à contre-pied… Ainsi le thème de la compétition (n°23) est venu comme « un impensé de l’EPS ». Face au rejet apparent de nombreux acteurs, assimilant compétition sociale et compétition sportive dans une même logique (héritage de JM Brohm), nous avons voulu questionner cette représentation. L’institution quand à elle dans les textes officiels a complètement fait disparaître la compétition comme modalité éducative. Par contre on conserve toujours dans l’apprentissage des méthodes : apprendre et respecter les règles. Dans un article je pose alors la question : à quoi servent les règles s’il n’y a pas de rencontre organisée ? Notre thèse « éducative » est plutôt de prendre les problèmes de société à bras-le-corps. Former une personne c’est lui donner des outils pour comprendre. Comment comprendre si les sujets les plus complexes ne sont pas abordés, y compris de façon critique ?

Autre exemple, le numéro 24 qui vient de sortir questionne la mode des activités d’entretien en EPS. Mais plutôt que de faire une analyse comparative, nous avons attaqué le problème plus fondamentalement : ces activités se dénomment (abusivement selon nous) activités de développement et d’entretien. Plusieurs questions se posent alors prioritairement : est-ce que le développement et l’entretien sont leur propriété exclusive ? Et qu’est-ce que le développement ? Est-ce que l’entretien peut être une visée scolaire alors que c’est une préoccupation typiquement d’adulte vieillissant ?


Le centre « EPS et société » c’est aussi un site, avec des suppléments à télécharger, des textes à relire, des notes critiques, des publications, des contributions… Vous pouvez nous en parler ?

Bien sûr la revue Contrepied est en vente… si nous pouvions la rendre totalement gratuite, nous le ferions volontiers, malheureusement la fabrication a un coût. Mais nous avons depuis longtemps mis des documents à disposition de tous. C’est essentiellement le site internet qui permet cela. Le numéro de Contrepied (dans sa version papier) est toujours accompagné de « suppléments électroniques ». Il s’agit soit d’articles que nous n’avons pas pu passer faute de place, ou bien la version longue de certains autres que nous n’avons pu mettre intégralement pour les mêmes raisons. Mais sur ce site nous mettons aussi en ligne des anciens articles de numéros épuisés (5 ou 6 numéros sont totalement épuisés), des travaux de recherche qui concernent l’EPS, des conférences faites ici ou là, des contributions d’adhérents du Centre, etc. Actuellement nous n’avons pas les forces pour développer encore plus ce site, mais ça fait partie des objectifs à plus ou moins court terme. Nous avons eu également une politique de publication de livres, en partenariat pour certains avec l’institut de la FSU (l’équivalent de notre association au niveau de la fédération syndicale unitaire dans son ensemble). C’est assez couteux en temps, en énergie, et en terme de moyens financiers (nous ne disposons d’aucune subvention. Notre budget correspond uniquement à l’argent des adhésions et des ventes de la revue). Nous avons pour l’instant mis cette politique en suspens.


Autre facette, vous en avez parlé, l’organisation de conférence ! En Novembre 2005, vous aviez en partenariat avec le SNEP organisé le forum international de l’EPS et des sports, pouvez-vous nous en parler, et est-ce qu’un autre forum est en préparation ?

Le centre EPS est en effet partenaire du SNEP pour ces cas-là, à savoir l’organisation de forums ou colloques. Le précédent forum de 2005 était une première à la fois dans sa forme et dans la nature de la manifestation. Nous voulions faire autre chose qu’un colloque classique. Le forum a été un lieu d’expression professionnel et un lieu de débat : 1200 participants sur 3 jours. Pour l’éducation physique, nous sommes les seuls à être capable d’organiser un événement de cette ampleur. Mais nous projetons de faire mieux. En novembre 2010 aura lieu une « fête de l’EPS et du sport scolaire ». Nous ajoutons en plus le côté festif à la chose. Nous prévoyons un lieu pouvant recevoir au moins 2000 profs d’EPS pour défendre et promouvoir notre discipline et le sport scolaire. Un véritable défi, qui sera tout à la fois une manifestation, notamment pour développer les horaires en EPS, un colloque avec des interventions et tables rondes, un forum avec des débats, mais également des animations, des pratiques… et un concert. Une grande aventure dont la préparation commence aujourd’hui !


Pour conclure, quel regard porter sur l’évolution de l’EPS, dans la suite des nouveaux programmes collèges et lycées professionnels ?

Nous avons toujours des divergences d’appréciation sur l’affichage que devrait avoir l’EPS avec l’institution. Ces débats sont récurrents mais ils ne sont malheureusement pas réglés. L’institution est obnubilée par un affichage moins sportif. Le doyen de l’inspection vient d’écrire dans la revue EPS que proposer aux enfants de « s’affronter » pose des problèmes éthiques. Certes, certaines pratiques sportives, notamment au plus haut niveau peuvent poser des problèmes, mais c’est ignorer totalement le phénomène sportif qui se construit historiquement comme le démontre Elias à « civiliser » la rencontre entre les sportifs dans le cadre de règles librement acceptées. S’affronter c’est justement apprendre à se contrôler. L’école ne peut raisonnablement songer à éduquer en tentant d’évacuer ce qui peut poser problème. C’est au contraire en prenant à bras le corps les problèmes de société que l’on formera des citoyens critiques. L’EPS doit dans le même temps renforcer son côté « artistique ». C’est aussi une évolution historique de la discipline qu’il faut développer.

Mais avoir des différences d’appréciations (et il faudrait beaucoup plus de temps pour tout développer) n’est pas un problème majeur, c’est la vie normale des controverses. Ce qui n’est pas normal par contre, c’est que nous soyons les seuls à proposer des débats publics et pluralistes (dans nos colloques, dans nos forums, dans nos assises, dans la revue Contrepied…) sur le sujet. Nous n’avons pas peur d’afficher ce que nous pensons et de le livrer à l’appréciation des collègues. Mais vous avez déjà vu un Inspecteur venant dans une académie pour présenter les programmes, m’inviter pour venir présenter des alternatives ? Vous avez déjà vu spontanément la revue EPS nous interviewer pour porter d’autres idées que celles portées par l’institution ? Alors merci au café pédagogique, c’est tellement rare comme démarche.

Cela dit les programmes ne sont pas tout, loin de là. Ce qui fait l’EPS, ce sont les pratiques quotidiennes des 35 000 profs d’EPS. C’est ça qui est intéressant, et c’est surtout ça qui doit bouger. Pour avancer, pour continuer à viser la réussite de tous, pour faire entrer tout le monde dans une véritable culture sportive et artistique.




Le site contre-pied EPS et société

http://www.contrepied.net/index.php

Les différents suppléments

http://www.contrepied.net/supplement.php

Les contributions

http://www.contrepied.net/contribution.php



Le numéro 24 bientôt disponible



Sur le site du Café
Par fjarraud , le jeudi 15 octobre 2009.

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