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À la Une : l’initiative étudiante, entretien avec Ekaterina Tiulkova, étudiante à l’Université J. Jaurès à Toulouse 

Par Antonina Bourbier


Dans ce nouveau numéro du café nous avons voulu mettre à l’honneur l’initiative étudiante. Des étudiants enthousiastes se regroupent en associations et forment un leadership souhaitant promouvoir la culture russe et y sensibiliser d’autres étudiants. La présence et l’implication de leaders étudiants contribuent à la pérennité de l’intérêt que les apprenants portent à la Russie. Leur action pourrait être envisagée comme non seulement complémentaire à la mission des professeurs, mais essentielle en dehors du cadre formel de formation.

Ekaterina Tiulkova, étudiante en Master « Sciences du langage » à Toulouse, présente son parcours, son projet professionnel et aussi sa motivation à monter une association d’initiative étudiante dans son établissement, l’Université Jean Jaurès. C’est l'occasion de  mettre l’accent sur les projets en faveur de la langue et de la culture russes qu'elle a récemment développés et mis en place avec quelques collègues étudiants.


Ekaterina, bonjour ! Tout d’abord, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.

-              Bonjour !

 

Pouvez-vous vous présenter et nous préciser quel était votre cursus avant de venir à l’Université Jean-Jaurès ?

-              En 2010 je suis entrée à l’Université d’Etat de Tioumen pour faire des études au département de français. Ce choix n’était pas une évidence puisque j’envisageais d’abord de faire des études de slavistique, étant passionnée de littérature et de langue russes. Un concours de circonstances a fait que j’ai commencé à apprendre une nouvelle langue, le français, dont je suis tombée complètement amoureuse.


Pourquoi avoir choisi l’Université de Toulouse ?

-              Après avoir fini ma licence de linguistique, je ne me sentais pas encore assez spécialisée dans un domaine. En effet, dans notre cursus de quatre ans en Russie, nous étudions à la fois la littérature française, les sciences du langage, la traduction et, bien entendu, la didactique du français langue étrangère. Ces études m’ont permis d’avoir un profil riche et diversifié. Cependant, je voulais approfondir mes connaissances en psycholinguistique et faire de la recherche en bilinguisme précoce (enfants de 0 à 6 ans). J’ai choisi l’Université de Toulouse pour effectuer cette spécialisation parce que j’y étais déjà venue pour un semestre en échange pendant ma licence. Nos deux universités ayant conclu un accord, j’étais l’une des premières étudiantes à en avoir bénéficié. Cela avait été pour moi une expérience très positive et j’avais pu rencontrer beaucoup de gens. Je voulais retrouver mes amis et la ville de Toulouse à laquelle je m’étais habituée. Je suis contente d’avoir choisi cette université puisque mes attentes sont satisfaites. Je me sens intégrée à la vie du laboratoire et je suis bien encadrée par mes directeurs de recherche.

(NDLR : Ekaterina suit le parcours « Apprentissage et didactique du Français Langue Etrangère)


Comment menez-vous vos recherches pratiques dans le cadre de votre master ?

-              La recherche consiste à faire beaucoup de lectures mais je dois aussi mener un travail d’expérimentation auprès des enfants bilingues des familles franco-russes que j’observe depuis l’année dernière. Dans le cadre du mémoire de fin d’études, nous avons prévu une série de tests de vocabulaire et des tâches de production orale chez ce public de jeunes apprenants. Cette étude spécifique nous permet aussi de mener une réflexion sur l’enseignement bilingue en général ainsi que sur l’apprentissage précoce des langues étrangères. Pour mener à bien ma recherche, j’ai fait appel aux familles concernées. Je me suis également rapprochée de l’Association Toulouse-CEI au sein de laquelle des mamans prennent elles-mêmes en charge les cours de russe à destination de leurs enfants. Malgré le nombre important de familles russophones dans la région, il n’existe pas encore de structures pour les apprenants les plus jeunes.


Quels ont été les moments les plus marquants de vos années à la fac française ?

-              Le rattrapage… et bien sûr, la soutenance du mémoire. Tout d’abord, le rattrapage… la deuxième session d’examen n’existe pas à l’université russe. Surtout un semestre plus tard, en juin. En Russie, si l’on rate un examen, on le rate, c’est fini. Au début cela me paraissait très rassurant. Je me disais que si je n’arrivais pas à valider mon premier semestre, je pourrais toujours essayer encore une fois. En réalité, je n’ai jamais été une aussi mauvaise étudiante. Enfin, la compensation – qui n’existe pas en Russie non plus – est aussi une bonne chose. En ce qui concerne ma première soutenance en France, j’ai obtenu une note incroyable – 16… Je pense que cela m’a permis de gagner de la confiance en moi.


Vous êtes présidente d’une association étudiante en faveur de la langue et la culture russes. Quand l’idée d’une telle association vous est-t-elle venue ? Quel était le déclencheur ?

-              En septembre, j’ai commencé à travailler au Centre de Ressources des Langues (CRL), à l’Université Jean-Jaurès en tant que monitrice-étudiante. En ne travaillant que deux fois par semaine, j’ai rencontré plein de russophones et de russophiles. J’avais, cependant, l’impression que ces deux catégories d’étudiants ne se rencontraient jamais, ce que je trouvais dommage. Mes études en enseignement des langues étrangères et ma propre expérience d’apprenante à l’université française m’ont amenée à constater que les conditions d’apprentissage n’y étaient pas idéales. En effet, le nombre d’heures de cours n’est pas suffisant pour acquérir les compétences en langue. De plus, depuis quelques années, les tutorats de russe n’existent plus. Je voulais permettre aux étudiants, ayant envie d’apprendre le russe, de pratiquer leur expression orale avec moi. Avec cette idée je suis allée rencontrer les enseignants de la Section de russe. Ils m’ont beaucoup encouragé dans ce projet étudiant.

 


Le projet s’appelle « Association des Russophones et Russophiles ». Pourquoi avoir choisi ce nom ?

-              Etre russophone ne veut pas dire être Russe. Je voulais bien distinguer ces termes. Ce n’est pas une association des Russes pour les Russes, c’est une association pour tous ceux qui s’intéressent à la langue et à la culture russes, qu’ils sachent dire uniquement « priviet » (salut) ou qu’ils maîtrisent parfaitement la langue.



Que signifie votre logo ?

-              J’ai juste dessiné vite fait un cerf sur un brouillon pour pouvoir mettre une image sur le profil de la boîte mail de l’ARR. C’était une mesure provisoire, je ne pensais pas qu’il plairait autant aux autres membres. Je viens de Tioumen, la première ville russe en Sibérie. Au nord de ma région, les cerfs sont très répandus. Ce sont des animaux beaux et majestueux. Symboliquement, le cerf a une signification très positive de la fécondité et des renaissances. C’est aussi moins ordinaire que les matriochkas et les balalaïkas.


Combien de personnes sont à l’origine de ce projet ?

-              Ayant l’idée d’une telle association, j’en ai parlé autour de moi et ce projet a été approuvé par beaucoup de gens. Mais officiellement nous ne sommes que quatre membres fondateurs. Alexandra Kishkurno, une étudiante russe en musique ainsi que maman d’un petit garçon bilingue ; Ceren Aktug, ma collègue du CRL, étudiante turque en lettres modernes et, bien sûr, une débutante en russe ; mon amie de licence, assistante de russe à Toulouse, Iuliia Putrova. Je n’énumère pas toutes les personnes qui nous ont soutenus mais je tiens beaucoup à les remercier : Спасибо большое, друзья!


Comment votre projet a été perçu du côté de l’Université ?

-              Comme j’ai déjà dit c’est grâce aux enseignants de russe à l’Université que j’ai eu cette idée de monter une association. Ils ont été contents de cette initiative. La Section Russe nous a aidé pour la réservation des salles, l’impression des affiches et pour d’autres questions d’organisation. L’aide de la part du Département de musique, du CRL, de la Maison des Initiatives Etudiantes ainsi que d’autres associations étudiantes nous a été aussi très précieuse. J’adore cette atmosphère, d’entraide et de collaboration, de notre université.



Combien de membres l’association compte-elle ?

-              Nous avons enregistré trente adhésions à ce jour. C’est déjà pas mal pour une association toute neuve. J’envisage quand même d’accueillir de nouveaux membres puisque je crois que ce projet a du potentiel et deviendra encore plus connu.


A-t-il été difficile de monter votre association ? Quelles sont les étapes essentielles ?

-              Maintenant que c’est fait, il me semble que la démarche n’a pas été si compliquée. En deux mois nous avons pu finir toute la torture administrative : tout d’abord, la déclaration des statuts auprès de la Préfecture et la publication dans le Journal Officiel ; ensuite, l’attribution du numéro SIREN et l’ouverture d’un compte bancaire pour pouvoir demander des subventions ; et enfin, l’adhésion à une assurance afin de protéger l’ARR et ses membres. Nous avons rédigé plein de lettres, de documents officiels, ce qui a été une bonne expérience pour moi, bien que cela soit une vraie prise de tête.    


Quels sont les objectifs de votre initiative ?

-              Comme il est déclaré dons nos statuts : « l’association a pour but de promouvoir la langue et la culture russes, d’enseigner la langue russe, de favoriser les échanges entre les russophones et les russophiles, d’organiser des manifestations culturelles autour de l’espace russophone, de contribuer à une meilleure intégration de la communauté russophone au sein de la société française ».


Comment l’association fonctionne-t-elle ? Qu’est-ce qu’elle propose ?

-              Dans l’association nous avons plusieurs catégories de membres : adhérents et actifs. D’une manière générale, les membres adhérents bénéficient des biens que propose l’ARR : ateliers de conversations, différentes rencontres, manifestations culturelles, etc. Les membres actifs contribuent au meilleur rayonnement de l’association. Par exemple, il s’agit de l’organisation des événements, de la communication avec le public.


Parlez-nous de vos actions récentes.

-              Nous avons débuté avec les ateliers de conversation proposés pour les trois niveaux de la maîtrise du russe - débutant, intermédiaire, avancé. Nous ne l’avons pas dit aux étudiants mais ce sont quand même de vrais cours de langue bien réfléchis et basés sur la méthode directe (nous ne parlons que russe). Pour eux, c’est plutôt une détente, une pause pour jouer.

 

Des projets culturels ?

-              Nous sommes aussi en train de constituer une chorale en russe afin de permettre l’apprentissage de la langue de façon ludique en faisant appel à la créativité des apprenants. Alexandra Kishkurno sera la chef de chorale. C’est elle aussi qui était à l’initiative des concerts de chant populaire russe et de la tradition de Maslenitsa à Toulouse début mars : à l’Université Jean Jaurès, au collège Les Chalets, mais aussi à l’Institut Polytechniques des sciences Avancés.

 

Quels sont vos projets à long terme ?

-              Je compte sur le fait que les ateliers de conversation et la chorale russophone seront une bonne tradition de l’université. Certains membres proposent d’organiser un club de cinéma russe. Nous aimerions bien établir aussi un théâtre en russe.


Qu’avez-vous entrepris pour un meilleur rayonnement de l’association ? A-t-elle de la visibilité sur internet, dans les réseaux sociaux ?

-              Nous essayons de transmettre un maximum d’informations à propos de l’association à travers diverses sources. Les affiches colorées et dynamiques sont présentées sur tout le campus et dans les réseaux sociaux. Faute de temps et de moyens, nous n’avons pas de site. En revanche, nous avons créé une page officielle de l’ARR sur Facebook.

Ndlr, pour consulter la page publique Facebook de l’association, suivez le lien :

https://www.facebook.com/arr.asso/



 Avez-vous des aides ou des subventions ?

-              Pour le moment, nous n’avons pas pu bénéficier de subventions. Par contre, nous avons un petit budget, grâce à la cotisation des adhérents et à leurs dons. D’ailleurs, il nous faudrait déjà commencer à préparer un dossier avec nos projets pour l’année prochaine pour pouvoir demander des subventions au mois de mai.


Comment voyez-vous l’évolution de l’association et votre propre avenir ? Quelles sont vos ambitions ?

-              Cela serait bien d’obtenir le siège social à l’Université Jean Jaurès, ce qui voudrait dire que l’ARR serait une association conventionnée, pourrait avoir un bureau sur le campus et des aides annuelles de la fac. Je voudrais que l’association puisse continuer à fonctionner même si les membres actuels n’y participent plus. J’aimerais bien que notre initiative soit soutenue par la Russie : à ma connaissance, il n’existe pas beaucoup d’associations comme la nôtre : une association d’étudiants pour les étudiants. J’espère que l’ARR aura des conventions de coopération avec différentes organisations européennes et russes. Pour mes projets professionnels, j’aimerais bien continuer mes études en France et faire une thèse en approfondissant cette étude sur l’apprentissage bilingue précoce.



Ekaterina, merci beaucoup de nous avoir accordé cet entretien. Nous vous souhaitons bonne continuation !



Propos recueillis par Antonina Bourbier



Sur le site du Café


Par bjeanne , le lundi 28 mars 2016.

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