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- Les courants littéraires contemporains : sexualité, imaginaire et... science fiction 

Dossier spécial

Par Annie Massy.

Le salon de Chaumont a présenté plusieurs rencontres débats avec 22 écrivains de l'imaginaire, ce qui a permis d'en savoir plus sur une tendance de la littérature contemporaine.

La question posée par le salon du livre de Chaumont était : quels sont les enjeux de la création littéraire contemporaine ? Il avait eu lieu dans le cadre de l'opération nationale "Lire en Fête" et grâce à la résidence artistique à la médiathèque de l'écrivain "nouvelle fiction", Hubert Haddad. Le projet avait d'ailleurs retenu l'attention du comité national de Lire en Fête qui avait accordé des crédits particuliers. Il s'agissait de permettre au public de connaître ce qui se fait de nouveau actuellement en ce début de XXIe siècle.

Pas facile cependant car le principe d'un mouvement littéraire, c'est d'être reconnu comme tel avec le recul du temps (exception faite pour le romantisme et le surréalisme qui ont eu leur manifeste sous l'influence d'une forte personnalité comme Hugo et Breton, avant les créations elles-mêmes). Mais en règle générale, lorsque les oeuvres s'écrivent, elles s'écrivent, c'est tout. Les auteurs participant au débat intitulé « les genres littéraires ont-ils un sens ? » ont d'ailleurs été unanimes sur le fait qu'ils ne cherchent pas à se positionner dans un courant particulier ; un genre, c'était en fait un classement pratique pour les libraires, voire les éditeurs.

Cependant la question a été posée sur une liste privée d'Internet (1) regroupant quand même 1500 professeurs de lettres. La synthèse est rapide : deux tendances apparaissent fin XXe siècle, d'une part une littérature qui se regroupe autour de la sexualité avec Angot, Despentes, Millet, Houellebecq, R. Camus ; de l'autre le retour en force de l'imaginaire et des développements narratifs avec la « Nouvelle Fiction » dont il est dit qu'elle se regroupe autour de « Marc Petit et George-Olivier Châteaureynaud ».

C'est précisément cette « Nouvelle Fiction » qui était représentée en force par l'entremise de Hubert Haddad, en résidence aux Silos et président du salon chaumontais.

Mais quelle est-elle exactement ? La question a déjà été posée plusieurs fois dans la ville lors de rencontres littéraires à la médiathèque, ces deux dernières années. On savait déjà qu'elle privilégiait l'imaginaire, la fantaisie et les surprises par le recours aux mythes, à l'exotisme et aux voyages mais aussi une influence médiévale et la psychanalyse. Par contre, pour l'adjectif « nouvelle », rien n'était moins sûr car elle se trouve aussi être la résultante de courants du XIXe et début du XXe siècles : utilisation du réel, fantastique et surréalisme. Une seule chose est acquise : le refus du Nouveau Roman et de la littérature minimaliste. En fait, l'adjectif, a un jour lâché Georges-Olivier Châteaureynaud, serait venu d'une boutade : dans les années 1980, il y avait déjà les nouveaux philosophes, la nouvelle cuisine, pourquoi pas, après le nouveau roman, la nouvelle fiction ?

Cependant ce courant semble exister avec son critique Jean-Luc Moreau qui se targue de l'avoir détecté dans les années 1990. Et comme André Breton en son temps, il se permet même d'en exclure ceux qu'il n'en juge pas suffisamment représentatifs comme Francis Berthelot.


Transfiction plutôt que Nouvelle Fiction
Mais c'est aussi mettre de côté tout ce qui se lit le plus parmi les adolescents, notamment la science fiction. Un libraire interrogé sur ce point, reconnaît que ce qui se vend le mieux auprès des jeunes, c'est la collection « Chair de poule » puis, plus tard Stephen King. Francis Berthelot préfère donc parler de « littérature transfictionnelle » ou « Transfiction », c'est-à-dire « une zone frontalière entre la littérature générale et l'imaginaire qui ne respecte pas les conventions narratives » : fantastique, merveilleux noir, science fiction mais aussi (pas trop rancunier) la Nouvelle Fiction. Les précurseurs en sont en autres Boris Vian et Marcel Aimé. Elle ne refuse pas d'avoir été influencée par le roman policier, la littérature anglo-saxonne et, bien sûr, le surréalisme et la science fiction.

Les débats organisés pendant le salon ont permis de déterminer certaines caractéristiques : confusion des genres surtout entre poésie, roman et nouvelle ; mélange de réel, d'onirisme et d'imaginaire ; exploitation des ressources de la psychanalyse ; exploration de différentes formes d'écriture mais qui s'adaptent toujours au sujet de l'oeuvre ; mais aussi, « liberté de l'écrivain d'aller dans tous les sens » comme l'a dit Jean-Claude Bologne.
Alors un nouveau courant littéraire est-il apparu officiellement au salon de Chaumont. L'idée est aussi plaisante que flatteuse... malheureusement, il faudra sans doute attendre le successeur des Lagarde et Michard du XXIe siècle pour en être sûr. On n'a donc pas fini d'en parler.


(1) Profs-L, liste de discussion des professeurs de lettres de lycée:
http://www.lettres.org/Profs-L

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