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Les enseignants de français tissent leur toile 

Par Adeline Sontot

 

 

Les discours affichent la volonté de généraliser la mise en place des équipements et des pratiques du multimédia dans le monde éducatif. Des textes à la réalité du terrain, il y a souvent un pas – que dis-je, une foulée, une enjambée – à franchir. On a longtemps estimé que le français n’était pas prioritaire dans ce domaine. Les arguments ne manquent pas, au contraire, pour montrer que les représentants de notre matière ne doivent pas passer à côté de ces nouveaux outils de communication et d’information. On ne demande plus seulement aux enseignants de Lettres d’initier les élèves à la littérature et à la langue française. Charge à eux d’aider l’élève à devenir « un citoyen conscient autonome, et responsable », apte à maîtriser les différentes formes de discours et lire les images.

 

 

Objectif Brevet 2008

Il a fallu attendre sept années depuis l’initiative de Jack Lang en 2001 jusqu’à l’inscription du B2i au Brevet. Pour décrocher son attestation, les élèves vont devoirs valider en quatre ans 24 items sur les 29 du référentiel. Chacun d’entre eux s’auto-évaluera et fera valider ses items par les enseignants au cours d'activités disciplinaires en classe. Le B2i concerne donc tous les enseignants.

 

Le professeur de lettres : des compétences multiples

Pourquoi toujours cantonner les nouvelles technologies aux disciplines scientifiques ? L’examen attentif du tableau des compétences nous fait bien remarquer que le professeur de français peut, à l’instar de son collègue de technologie ou de mathématiques, valider l’ensemble des items (c’est le cas pour toutes les matières, d’ailleurs). Les correctifs apportés par l’arrêt du 18 décembre 2007 concernant le référentiel de connaissances pour le B2I insistent sur ce point :

 « Tout professeur peut valider les items constitutifs des compétences qui figurent dans les feuilles de position du B2i. La validation est réalisée tout au long de la scolarité. »

Les différents domaines de compétences trouvent largement leur place dans le cours de français et dépassent les simples compétences manipulatoires. Le professeur de lettres doit alors veiller à ce que les activités proposées soient en accord avec les objectifs des programmes (lire, écrire, parler au service de la maîtrise de la langue), les progressions recommandées  et les notions en vigueur.

 

La dérive de la forme sur le fond

Evidemment des dérives restent possibles. Quatre années sont à notre disposition pour valider le B2i. Inutile, donc, de tomber dans l’excès et de transformer chaque séance de travail en examen de validation. Les nouvelles technologies ne sont pas un prétexte à validation, ni une façon de se montrer progressiste aux yeux de ses supérieurs hiérarchiques. Ils sont bel et bien un support pédagogique efficace, un outil au service d’une pratique… En d’autres termes, les pratiques Tice doivent impérativement être subordonnées à un projet didactique réel et se déployer au terme d’une réflexion critique sur la pertinence de leur usage. Elles viennent s’ajouter au contenu littéraire et ne nécessitent pas l’élaboration d’une séquence spéciale :

"L'acquisition des compétences ne demande pas l'organisation de séquences adaptées mais se fait à travers des pratiques disciplinaires classiques utilisant les Tice", B.O. n°42 du 23/11/2000.

Il n’est pas question d’enseigner une manœuvre manipulatoire ou un savoir-faire dans le cadre de petits modules décontextualisés. A l’horizon de ce brevet multimédia, ce sont les usages des Tice qui devront s’adapter aux méthodes pédagogiques, et non les enseignants s’adapter aux technologies pour elles-mêmes. Près de 400 fiches d’activités sont, par exemple, disponibles sur le site Eduscol. Charge à nous de nous en inspirer ou d’intégrer certaines pratiques dans nos séquences.

Le multimédia offre un support efficace et pertinent pour notre matière. Les ressources se multiplient, les textes et les documents iconographiques sont plus accessibles. Les théâtres ouvrent leurs portes gratuitement à toutes heures, les bibliothèques dévoilent leurs secrets, et RadioFrance met à notre disposition les enregistrements de ses émissions via podcasting. La culture n’a plus de limite et notre rôle, plus que jamais, consiste à guider nos chrysalides à travers les dédales de la toile.

 

Pour la fin d’un clivage

Le tableau est idyllique : démocratisation de la culture, facilité des supports (après acquisition de compétences, on se doit de le reconnaître), motivation des élèves. Et pourtant… à l’image de ce célèbre village d’irréductibles Gaulois qui s’oppose à César, le sujet peut diviser le corps enseignant. A ma gauche, les jeunes professeurs tout juste sortis du moule de l’IUFM, gavés aux BO et au jargon didactico-pédagogique ; à ma droite, leurs aînés, professeurs expérimentés, aux pratiques (et aux habitudes) éprouvées. Si notre ministère a pu autrefois revêtir l’aspect d’un mammouth, le clivage du jeune « hi-tech » et du vieux dinosaure fait aujourd’hui sourire.

Il va sans dire que l’enseignant, avant de construire ses propres supports, doit posséder lui-même des compétences tice (douce lapalissade, toutefois importante à noter ici). J’entends déjà certaines voix contestataires s’écrier à l’inégalité. Certes, il n’est pas à la portée de tous de créer son propre site sous SPIP, ni même de se tenir informé des dernières actualités grâce aux flux RSS (charabia volontaire et provocateur). Nous pouvons très bien abandonner aux plus chevronnés l’initiative de créer leur page web ou de déposer des fichiers wav sur l’ENT de leur établissement. Il faut toutefois souligner que nous portons tous au fond de nous un germe de pratiques tice.

 

Prenons ici le temps du divertissement. Dans ce petit questionnaire de compétences, cochez les aptitudes qui sont les vôtres. Savez-vous:

·          Saisir un texte sous traitement de texte (Word, Works, OpenOffice…°) et le mettre en forme

·          Créer votre tableau de notes trimestrielles à l’aide d’un tableur (tableur et base de données Excel, Works…),

·          Concevoir un document composite alliant un texte saisi et une image scannée,

·          Créer un diaporama sous PowerPoint,

·          Consulter un article sur le site en ligne de l’Encyclopédia Universalis (plus complet que la version papier en raison de son interactivité),

·          Relever vos messages électroniques sur votre boîte aux lettres académiques,

·          Lire un Cédérom sur Les Fables de La Fontaine,

·          Projeter un film à vos élèves à l’aide du vidéoprojecteur ?

Si vous avez coché au moins une réponse, félicitations, vous voilà apte à valider des items du B2i et conforme aux Instructions Officielles !

 

L’élève vs le professeur

Nombreux sont les enseignants tentés par les nouvelles technologies, mais qui redoutent l’erreur de manipulation, le manque de savoir-faire, les impondérables des machines. Il peut arriver qu’en début de séance, par un malheureux coup du destin, la connexion internet fasse défaut, vous laissant pantois alors que vous aviez promis à vos élèves un podcast hilarant de Lucchini. Ou encore, après avoir consacré de longues heures à l’élaboration d’un diaporama à la maison, le vidéoprojecteur n’est pas reconnu par l’ordinateur portable. Nous passerons sous silence, pour ce mois-ci, l’accès restreint au matériel réservé à nos collègues de mathématiques, seuls détenteurs des 2 clés de l’auguste armoire renfermant les portables. Il est compréhensible que ces aléas rebutent certains collègues (collègues qui, soit dit en passant, vivent déjà de façon régulière ces aléas de la technologie lorsque la photocopieuse tombe en panne à la récréation de dix heures). Les plus vifs de ces détracteurs me contreront et avanceront que le livre, lui, s’offre sans aucune résistance. Mais Marc-Aurèle n’enseigne-t-il pas que « chacun vaut ce que valent les objectifs de ses efforts » ?

Trève de bons mots, les petits ratés sont parfois l’occasion pour les élèves de participer à l’élaboration d’un cours. De l’avis de tous, jamais le statut du professeur n’a été remis en question alors que des élèves ont proposé leur concours pour l’installation du vidéoprojecteur en début de séance. En revanche, nombreux sont les collègues à constater un regain d’intérêt des élèves faibles lorsqu’ils peuvent apporter leur aide.

 

Pourquoi s’y mettre alors ?

Rappelons, à toutes fins utiles, que validation des items ne rime pas avec compétition professionnelle. Nous ne gravirons pas plus rapidement les échelons à mesure que nous multiplierons nos performances Tice. En revanche, nous offrirons aux élèves la chance de profiter de choix pédagogiques performants et d’innovations, dans le respect d’une égalité nationale. Les supports multimédia nous offrent la possibilité de devenir des créateurs potentiels, du moins dans les domaines qui recoupent le champ de nos compétences. Nous ne pouvons viser la maîtrise de l’ensemble des outils. Toutefois nous nous devons peut-être de nous y intéresser pour nous-mêmes et pour nos élèves.

 

http://www2.educnet.education.fr/sections/lettres/pratiques5675/tic

http://www2.educnet.education.fr/sections/lettres/ressourc[...]

http://www.theatre-odeon.fr/

http://www.theatre-antique.com/fr/orange/

http://gallica.bnf.fr/scripts/Page.php?/Les_Dossiers.htm

 

 

 

Sur le site du Café
Par fsolliec , le vendredi 15 février 2008.

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