L’accompagnement personnalisé en français : pas si simple 

Par Alexandra Floirat


Révolution de la réforme du lycée, l'accompagnement personnalisé mobilise les professeurs de lettres en première ligne du combat pour la qualité de l'expression. Pourtant malgré la nouveauté du dispositif, il est ici difficile d’innover.


Arriver à définir un projet et une organisation

Quand on s’intéresse cette fois à l’accompagnement personnalisé, l’optimisme est sérieusement modéré par les innombrables difficultés qui ont surgi lors de l’organisation de ce dispositif, et encore plus depuis sa mise en œuvre à la rentrée. C’est ici que la plus grande autonomie des établissements entraîne le meilleur ou le pire. Quelle place accorder au français et plus largement aux lettres dans un dispositif qui ne remplace pas l’aide individualisée mais doit proposer autre chose ? Il ne s’agit pas forcément d’identifier des lacunes pour y remédier, puisque tous les élèves quel que soit leur niveau bénéficient de deux heures d’accompagnement personnalisé par semaine, en groupes de configurations variables ou en classe entière. On suggère là aussi de travailler autour de projets, sur une durée de sept semaines maximum, avec des élèves qu’on ne connaît pas forcément, et qu’on n’évalue pas. Par exemple, tout le travail sur l’orientation peut se faire dans ce cadre, de même que l’apprentissage des méthodes, mais toujours en lien avec un projet, ou un contenu.


Certains établissements ont tout misé sur l’expression écrite, tandis que d’autres ont réparti les tâches en fonction de pôles plutôt scientifiques ou littéraire. On joue alors un peu sur les mots, puisque nul n’est censé proposer de soutien purement disciplinaire, ou alors que très ponctuellement, comme l’indique le document de référence distribué sur l’académie de Créteil. Encore qu’on croit relever des contradictions entre plusieurs documents de référence : sur le site de l'éducation nationale, on parle de « travail sur les compétences disciplinaires, de la remise à niveau à l’approfondissement », sans précaution particulière.


En français, beaucoup furent tentés par le travail sur la langue : la transversalité exigée du contenu est alors respectée : on a besoin de s’exprimer dans toutes les matières. A tel point qu’ici ou là on a proposé à tous les enseignants de prendre en charge ce type d’accompagnement personnalisé. Evidemment, il est difficile de contester ce fait : on rédige au lycée, quel que soit le cours. On remarque par ailleurs que les élèves soignent davantage leurs copies de français du point de vue de la langue, estimant qu’ailleurs les erreurs sont moins graves. En les mettant face à un enseignant d’une autre discipline qui leur rappellera les exigences élémentaires du code écrit, on se donne une chance de les convaincre que nous profs de lettres n’agissons pas caprice ou par réflexe quand on corrige l’orthographe et la syntaxe. Il semble que pour l’instant ces tentatives en soient restées au stade de projets.


A ces hésitations et tâtonnements dans la répartition des tâches sont venues s’ajouter les innombrables difficultés d’organisation pour la répartition des élèves. Il est encore trop tôt pour faire un premier bilan puisque le mois de septembre fut généralement consacré aux concertations, et que les chefs d’établissement viennent seulement de faire remonter l’organisation retenue dans chaque lycée. Ce que l’on constate globalement, c’est la perplexité des enseignants qui se retrouvent face à des groupes parfois hétérogènes d’élèves venant souvent de classes différentes, qu’il faut mobiliser autour d’un travail de quelques séances seulement. 


Du côté des élèves, le problème de l’investissement se pose en des termes très différents des enseignements d’exploration. D’abord, ils n’ont pas forcément choisi d’aller dans tel ou tel « atelier », pour reprendre un terme assez largement utilisé. Ensuite, ils réagissent très différemment avec un enseignant qu’ils ne connaissent pas toujours, dont ils auront au mieux entendu parler, et qui n’aura que très peu de temps pour les convaincre qu’il peut leur apporter quelque chose. Comment faire adhérer les élèves à des projets qu’on leur impose ? La redoutable question de « A quoi ça sert ? » surgit inévitablement. En français, si l’on y répond en proposant des exercices de maniement de la langue on se débarrasse assez facilement de ce questionnement ; mais si on se lance avec eux dans la rédaction d’une nouvelle, dans un travail de type atelier d’écriture, dans la pratique de lecture orale, on n’est pas certain d’effacer les doutes des élèves.


Une vraie difficulté à innover

Bien plus que pour littérature et société, il est ici difficile d’innover, malgré la nouveauté du dispositif. Les documents d’accompagnement et les fiches proposées sur eduscol suggèrent des exercices intéressants mais qui ne révolutionnent guère la pédagogie ; les fiches s’intéressent à la prise de notes, le travail au brouillon, et l’argumentation dans toutes les matières. Par ailleurs Internet regorge de ressources pour travailler l’orthographe, le vocabulaire ; des logiciels d’aide à la rédaction sont déjà utilisés dans de nombreux établissements. Mais on peine en français à renouveler vraiment l’approche, tant les besoins des élèves semblent élémentaires et récurrents. Du coup, on ne trouve guère de ressources si l’on cherche à être inventif dans la création de « micro-projets » de quelques semaines pour quelques élèves plus ou moins bien ciblés.


Alors que pour littérature et société les possibilités d’ouverture et d’innovation sont multiples et prometteuses, l’accompagnement personnalisé n’a pas su convaincre tout le monde : on est encore dans la nostalgie de l’aide individualisée. On se souvient pourtant que celle-ci avait plus intrigué qu’enthousiasmé les foules à sa création il y a une dizaine d’années, ce qui laisse penser qu’avec un peu plus de temps, de pratique et d’échanges sur le sujet les enseignants de lettres pourront mieux profiter de ce créneau. Pour le moment le besoin de formation se ressent, et l’on deviendra difficilement autodidacte si l’on se tourne vers Internet ou les publications traditionnelles pour alimenter son cours : le site de l’académie de Paris liste des « fiches-outils » prometteuses, mais les liens ne fonctionnent pas. Sur le site de l’académie de Rouen, outre les documents nationaux, on trouve un espace entièrement consacré à l’accompagnement personnalisé, qui fait part des expérimentations, et propose une bibliographie utile pour ceux qui orienteront leur travail sur la méthodologie.


Les quelques fichiers « powerpoint » consultables ici ou là sur eduscol expliquent brièvement dans quel esprit on doit travailler, mais en français on souhaiterait sortir des exercices habituels de soutien ponctuel. Si l’on se tourne vers la méthodologie, on proposera alors de l’aide aux devoirs, à la révision du cours de français, à l’utilisation du brouillon ; cependant si l’on se fie à notre intuition ou à notre propre pratique d’enseignant pour éduquer à tout cela, on risque de tomber effectivement dans le bricolage et non dans une aide efficace, tant cela mobilise des compétences annexes à notre discipline : d’où la nécessité de se former.


Sur Eduscol

http://media.education.gouv.fr/file/reforme_lycee/31/2/Le-nouve[...]

Sur l’académie de Paris

http://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_253671/l-accompagnement[...]

Sur l’académie de Rouen

http://www.ac-rouen.fr/espaces-pedagogiques/accompagnement-des[...]



Sur le site du Café
Par fsolliec , le vendredi 22 octobre 2010.

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