A l'école des écrivains (suite) 

 

 

Par Adeline Buisson

 

Si vous avez manqué l’épisode précédent 

Je vous racontais le mois dernier l’extraodinaire aventure d’un enseignant (votre humble serviteur) qui participait à l’opération nationale « A l’école des écrivains, des mots partagés ». Le projet a aujourd’hui bien avancé. L’écrivain est revenu, les élèves ont écrit, et tous ont échangé sur un ton enjoué.

 

Episode 2 : ils s’inscrivent au concours

Je pensais mes élèves plus forts en rdaction de SMS que pour l’écriture poétique. Je n’étais pas si loin du compte… L’écriture leur fait peur. La page blanche les effraie autant qu’une séance de révisions grammaticales en S3-S4. Après la rencontre de l’auteur, les élèves sont allés sur le site du concours Des mots pour voir. Il fallait s’inscrire au concours à l’aide d’une adresse mail. C’est un réel désenchantement pour ces jeunes qui ne jurent que par les nouvelles technologies mais qui ne savent pas… envoyer un mail ! L’inscription au concours nous prend deux longues heures. Très vite se mettent en place des binômes naturels : un élève plus à l’aise avec l’ordinateur prend sous son aile un néophyte des Tice. Il faut créer une adresse mail, trouver la bonne page pour s’inscrire au concours, récupérer son identifiant envoyé par mail. Le dialogue s’instaure aussitôt : s’ils baignent dans la culture numérique, ils n’en sont pour la plupart que de simples observateurs. Ils ne la comprennent ni ne la maîtrisent. Même en salle informatique, je retrouve mon statut de magister. Sans mon aide et mes conseils, ils sont perdus devant leur clavier. Ne jamais se fer aux apparences, ni croire que les élèves maîtrisent mieux les outils numériques que nous.

 

Choisir une œuvre sur internet

Les inscriptions faites, il est temps pour eux de choisir une œuvre d’art, qui deviendra le support de leur imagination. Ecrire une histoire à partir d’une œuvre d’art, telle est peu ou prou la consigne qui leur est donnée. Il faut donc choisir une œuvre, se laisser porter sur la toile. Une fois encore, leurs pas sont hésitants. Plutôt que de se laisser porter par les rubriques, ils cliquent au hasard et choisissent la première ou la seconde œuvre qui s’affiche sur leur écran. Ils ne sont pas à l’aise avec l’outil. J’ai encore bien du travail avant de pouvoir valider leur B2i. Je m’inquiète… il y a le B2i, mais aussi le Brevet, et l’Histoire des Arts…

 

A vos plumes !

L’œuvre choisie et imprimée, nous quittons la salle informatique. Je fais le choix pédagogique de ne pas faire écrire les élèves directement sur l’ordinateur. Pas de frein supplémentaire inutile.

Nous relisons les consignes du concours, nous les explicitons et le mot d’ordre est lancé : « Au travail ! ». Un silence, quelques soupirs, mais pas un seul grattement de stylo. L’inspiration ne vient pas. Mes élèves éprouvent des difficultés terribles pour noircir cette maudite feuille blanche. Ils s’énervent, me réclament, me demandent de les aider en leur soufflant les premières lignes. La page blanche est anxyogène, même dans les cités. Elle les renvoie d’une certaine façon à leur manque de maîtrise de la langue. Ils ne savent pas raconter des histoires, pour la simple raison qu’on ne leur en a pratiquement jamais raconté .Une fois encore, c’est un fossé culturel qui se creuse devant nous.

Je prends le parti de jouer le jeu avec eux. Sur mon tableau blanc interactif, je choisis une œuvre et je réfléchis à voix haute. Que puis-je faire dire à ce tableau ? Que pense ce petit chérubin, en haut du tableau ? Que font ces gens réunis au Paradis ? Que peuvent-ils se raconter toute la journée ? Les langues se délient.

« Madame, pourquoi vous avez fait prof de français et pas écrivain ? 

Parce qu’il faut du talent…  Quelle question ! »

Il nous faut plusieurs heures de travail pour arriver à une ébauche de texte. Dans un premier temps, la priorité porte sur le maillage d’un récit. Les corrections de langue s’ajouteront ensuite. Je dois progresser étape par étape pour ne pas les perdre en chemin.

 

Atelier d’écriture avec l’auteur

Vendredi 11 mars l’écrivain est revenue au collège pour participer aux deux dernières heures de l’atelier d’écriture. Il s’agit d’améliorer les textes. L’heure tourne et les inscriptions sont bientôt closes. Tous les élèves réclament notre attention. Certains boudent car ne pouvons pas les aider sur le champ. Sous leurs airs de grands gaillards, ce sont pour beaucoup de grands enfants.

Les deux heures sont épuisantes, mais l’objectif est atteint : tous une rédigé un texte !

 

A la rencontre du Ministre…

Le message est arrivé avant les vacances de février. Notre modalité de participation à cette opération a retenu l’attention du cabinet ministériel. Nous sommes donc invités à présenter notre travail lundi 21 mars au Salon du Livre, en présence du Ministre de l’Education Nationale.

« Mais c’est qui le Ministre, c’est quelqu’un d’important ? me demande un élève.

Oui, c’est le grand patron des écoles, lui dis-je.

Genre plus important que la Principale ?

Oui !

Genre plus important que le maire d’Orléans ?! Faut que je le dise à ma grand-mère ! »

Je me réjouis de cette sortie financée par le Ministère. En ces temps de disette, le collège ne dispose d’aucun crédit pour une quelconque sortie. Au Salon du Livre, en plus !

Il ne reste plus que quelques jours pour préparer nos interventions, réviser nos lectures. Rendez-vous le mois prochain pour l’épisode 3, « A la rencontre du Ministre » !

 

 

Sur le site du Café
Par fsolliec , le dimanche 20 mars 2011.

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