Du séisme financier et budgétaire au tsunami anti-prof 

Par François Jarraud



 

La RGPP c'est au moins jusqu'en 2013 a annoncé sans détour François Barouin, ministre du Budget, à l'Assemblée nationale. Impopulaires, les suppressions de postes vont continuer. Paradoxalement, elles mettent particulièrement en difficulté un allié traditionnel de la droite, l'enseignement catholique. Plus grave, le séisme financier a lancé une vague budgétaire qui tourne au tsunami anti-prof. Après les Etats-Unis, l'Angleterre y succombe. Ce ne sont pas seulement leurs postes, leurs salaires qui sont touchés. C'est aussi leurs droits et leurs libertés.


La RGPP , toute la RGPP, rien que la RGPP. C'est ce que promet le gouvernement jusqu'à au moins 2013. "Comment améliorer la performance scolaire avec moins de professeurs ?" demande au ministre Bruno Le Roux député PS du 93.  "Avec votre politique, notre pays court le risque d’un réel décrochage scolaire. L’éducation doit demain, je le dis au nom de tous les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, redevenir la grande cause nationale qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être". François Barouin répond sans ambiguïté. " Nous avons des objectifs intangibles et la révision générale des politiques publiques, qui passe par le maintien de la suppression d’un poste sur deux de fonctionnaires partant à la retraite, ira jusqu’au bout de la loi de programmation des finances publiques, c’est-à-dire jusqu’en 2013".


Les Français contre le budget. "Côté remplacement on est en plein bug", annonce Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. La fédération syndicale a fait réaliser un sondage d'opinion qui montre l'attachement des Français envers les fonctionnaires et le refus du budget actuel. Selon ce sondage, réalisé par TNS Sofres, " de larges majorités jugent les fonctionnaires « honnêtes » (75 %) «compétents» (67 %), « au service du public » (67 % ) ou « à l'écoute » (63 %)... Les évocations négatives sont en grande partie liées à l'organisation des services publics (temps d'attente, lourdeur des démarches, question des horaires) alors que les évocations positives relèvent davantage du personnel ; sont notamment mises en avant l'amabilité, l'efficacité, la compréhension et la disponibilité des agents". Une majorité (51%) pense que l'Etat traite mal ses salariés. 66 % trouvent les moyens donnés par l'Etat aux fonctionnaires pour accomplir leur mission insuffisants. Le principe du non remplacement d'un agent sur deux partant à la retraite est massivement rejeté par 71 % des répondants contre 21 %. Mais les Français se divisent à part égale entre ceux qui estiment que les missions de services publics pourraient être assurées par des salariés du secteur privé (43 %) et ceux d'un avis inverse (45 %).


L'enseignement catholique mis en danger par les suppressions de postes. C'est un "avertissement solennel" que le  Comité National de l'Enseignement Catholique a publié le 18 avril. Le CNEC "constate les difficultés insurmontables créées par le nombre très élevé de suppressions d'emplois dans l'enseignement privé alors même qu'il ne dispose d'aucun surnombre et que tous les maîtres sont devant élèves. Ces difficultés touchent les établissements en zone à faible démographie au risque de faire disparaitre le maillage territorial, les établissements en zone fortement peuplée avec des classes chargées en effectifs, et même les établissements ouverts en zone sensible au titre du plan « Espoir-banlieues ››.


L'enseignement catholique doit rendre environ 1 500 emplois à la rentrée. Dès septembre le secrétaire général de l'enseignement catholique, Eric de Labarre, avait sonné l'alarme. L'effort demandé pour la période 2011-2013 "n'est pas raisonnable", disait-il. " Il n'est pas absorbable sauf à remettre en cause l'offre de formations ou l'aménagement du territoire". Le secrétaire général avançait le chiffre d'un millier d'écoles fermées, d'une centaine de collèges ainsi qu'environ 70 lycées. Dans le communiqué du 18 avril, le CNEC recommande aux établissements " de travailler dès maintenant à la préparation de la rentrée 2012 en indiquant l'incompressible" et adresse "un avertissement solennel aux pouvoirs publics de la volonté unanime des partenaires de l'Enseignement Catholique de faire respecter la loi Debré et le contrat d'association". Le 20 avril, Luc Chatel a répondu en invitant l'enseignement catholique à prendre sa part des suppressions de postes. Il a indiqué qu'il avait ramené ces suppressions de 3 200 à 1 533 en tenant compte des spécificités de l'enseignement catholique.


Suppressions de postes ou déprofessionnalisation ? Les suppressions de postes permettent déjà de revenir sur les droits des enseignants. Alors que l'Etat supprime des milliers de postes à la rentrée 2011, les rectorats recrutent. C'est ce que montre cet entretien publié par Pôle Emploi où le DRH de l'académie de Paris explique que le rectorat a des besoins "dans l’ensemble des disciplines, mais c’est vrai qu’on a des besoins plus pressants dans certaines disciplines, par exemple dans les disciplines générales, langues étrangères, mathématiques, éducation physique et sportive, ou dans les disciplines professionnelles, je pense à biotechnologie, électrotechnique, ou lettres, histoire".


Aux Etats-Unis, la révolution conservatrice frappe l'Ecole.  Les Républicains ont réussi à modifié largement le système éducatif américain, souligne Education Week. La revue américaine fait le bilan des mesures budgétaires prises dans les états gouvernés par les Républicains. Elles affectent aussi bien la paye des enseignants que leurs droits syndicaux et l'école publique dans son ensemble.


Des budgets en baisse. La réduction des dépenses publiques, un thème central des campagnes électorales républicaines, est un des moteurs de ces bouleversements. Ainsi en Floride, le budget éducatif est diminué de 8% en un an. C'est 540 dollars qui sont économisés sur chaque élève. Concrètement, la Floride a décidé d'étendre son programme de "chèque éducation" (voucher) qui permet aux parents de faire financer par l'état les frais de scolarité dans le privé, de mettre en place un système de paye au mérite des enseignants, de noter les écoles selon leurs performances et d'obliger tous les élèves à s'inscrire obligatoirement à un cours d'enseignement à distance au moins uen année avant la fin du lycée. C'est ce mélange de privatisation, de mise en concurrence des écoles et de réduction des droits qui est mis en place dans plusieurs  états.


Ainsi les chèques éducation ont été étendus en Indiana, Floride, Arizona et Oklahoma. En Idaho une partie du budget sera consacrée au développement le développement de l'enseignement à distance. Ce système déséquilibre le financement et le recrutement des écoles publiques.  Les droits syndicaux des enseignants ont été diminués dans le Wisconsin et l'Indiana  (où ils ne pourront plus faire grève que sur les questions de salaire), et Ohio (interdiction de faire grève sur les conditions de travail). La paye au mérite, en fonction des résultats des élèves, est introduite  en Floride, Indiana, Idaho, Illinois. La mise en concurrence des écoles a été approuvée en Oklahoma, Nouveau Mexique, Utah.


Tsunami anti-prof en Angleterre. Selon une étude indépendante, la majorité des écoles, collèges et lycées anglais voient leur budget diminuer. Moins d'une école sur trois reçoit davantage de moyens. L'étude met en cause à la fois la baisse des versements de l'Etat et des autorités locales. Cela concerne davantage les établissements secondaires que le primaire. Cette situation oblige les établissements à faire des choix. Un tiers des établissements a décidé d'aller chercher de l'argent dans le secteur privé, par exemple en devenant des "academies", des écoles privées mais bénéficiant d'argent public. Mais toutes sont obligées de réduire les enseignements et l'encadrement des élèves. Et ce sont les enseignements jugés les moins importants qui disparaissent en premier : langues rares, musique, par exemple. Le déploiement des TICE est aussi touché , la majorité des établissements feront des économies en ce sens. Ainsi la politique d'économies budgétaires dans l'éducation impacte le système éducatif de façon profonde et sans doute durable.


Une nouvelle législation sociale. Dès la rentrée, une nouvelle législation permettra de licencier rapidement et facilement les "mauvais profs", annonce le ministre de l'éducation britannique. Partie des Etats-Unis, la vague conservatrice n'a pas mis longtemps à traverser l'Atlantique.  Une nouvelle législation donnera la possibilité aux chefs d'établissement et aux directeurs d'école de licencier en moins de trois mois les "mauvais profs", a annoncé le 24 mai le ministère de l'éducation.  Pour M. Gove il s'agit de "défendre les intérêts des enfants qui souffre quand un enseignant en difficulté n'est aps aidé ou changé". La secrétaire général de l'Association des chefs d'établissement juge cette mesure nécessaire. Ce n'est pas l'avis de la secrétaire générale de l'ATL, un syndicat d'enseignants. "Au lieu d'aider les enseignants à devenir meilleurs on donne la possibilité aux chefs d'établissement de se débarrasser des profs qu'ils n'aiment pas". En France le gouvernement donne aux chefs d'établissement une place plus grande dans l'évaluation des enseignants en les chargeant des bilans de carrière.

Question à l'Assemblée

http://mailing.gsan.org/files/ml_GSAN/QA_LeRouxDurandSRC_17-180511.pdf

Communiqué FSU

http://www.fsu.fr/Les-Francais-et-leurs

Communiqué CNEC

http://www.enseignement-catholique.fr/ec/communiques/184[...]

Dans L'Expresso de septembre 2010

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/09/[...]

Article du Point

http://www.lepoint.fr/societe/chatel-l-enseignement-cath[...]

Sur Pôle emploi

http://www.pole-emploi.fr/actualites/recrutement-d-enseignants-l[...]

Budget en baisse pour la majorité des écoles anglaises

Article BBC

http://www.bbc.co.uk/news/education-13346238

BBC News

http://www.bbc.co.uk/news/education-13521768

Article Education Week

http://www.edweek.org/ew/articles/2011/05/25/32legisover[...]


Bill Gates : L'école, les vieux et les jeunes

Les vieux vont-ils saccager l'Ecole ? C'est un cri d'alarme que lance Bill Gates, l'ex PDG de Microsoft, lors d'une conférence du TED (Technology, Entertainment, Design) en mars 2011. Pour lui, l'augmentation des dépenses de santé amène les états américains à diminuer de moitié les dépenses d'éducation. "Il faut faire attention aux budgets des états car ils sont importants pour nos enfants", affirme Bill Gates. Son intervention se situe au moment où les états diminuent effectivement les dépenses éducatives.

La vidéo

http://www.ted.com/talks/lang/fre_fr/bill_gates_how_state_b[...]



Les maires demandent l'arrêt des suppressions de postes


L'association des maires de France demande au gouvernement de mettre fin aux suppressions de postes dans le primaire, notamment dans les zones rurales. Elle conteste le mode de calcul choisi par Luc Chatel et présenté par lui comme proche du terrain.


"Les maires font part de leur vif mécontentement au regard de la réduction de 8 967 postes de personnels enseignants du 1er degré en 2011. Elle aura pour conséquence la suppression de 1 500 classes, en milieu rural comme en milieu urbain, sachant que la réserve de remplaçants a déjà été fortement réduite depuis la rentrée précédente, que 379 postes de Rased seraient également supprimés et alors que 4 900 nouveaux élèves sont attendus". L'association des maires de France conteste aussi " les conditions de concertation engagées localement par les inspecteurs d’académie, d’autant plus que les critères d’appréciation retenus pour l’élaboration de la carte scolaire varient sensiblement d’une académie à l’autre".


Concernant les zones rurales, "les maires déplorent l’absence d’application par les inspecteurs d’académie de la Charte sur les services publics en milieu rural de 2006 qui prévoit que les maires des communes rurales soient informés par les autorités académiques deux ans avant tout projet d’ouverture ou de fermeture de classes".


L'AMF demande à Luc Chatel de "mettre fin à la poursuite des suppressions de postes dans le primaire engagées par le gouvernement ; de clarifier le concept « d’environnement social défavorisé » ouvrant droit à la scolarisation des enfants de moins de 3 ans, suite à la demande adressée au ministre sur cette question en février dernier ; de rappeler aux inspecteurs d’académie la nécessité d’appliquer correctement les modalités et les délais de concertation inscrits dans la Charte des services publics en milieu rural". Présidée par Jacques Pélissard, l'AMF regroupe 34 486 maires.

Communiqué

http://www.amf.asso.fr/document/index.asp?doc_n_id=10417



Sur le site du Café

Par fjarraud , le samedi 28 mai 2011.

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