Les comportements violents seront vaincus par l'éducation 

Par Georges Dupon-Lahitte, Président de la FCPE


Personne ne nie l'augmentation des signalements des faits de délinquance des mineurs, encore qu'il faille s'entendre sur ce que ce terme recouvre exactement.
Personne ne récuse la situation insupportable dans laquelle se trouvent certains quartiers, certaines zones rurales, certains établissements scolaires.

Encore faudrait-il ne pas passer systématiquement sous silence que les pires violences faites aux jeunes, ce sont d'abord celles qu'ils s'infligent à eux-mêmes : anorexie, auto-mutilation, suicide, par sentiment d'abandon ou désespoir.

Exploiter certaines situations difficiles pour faire l'amalgame entre jeunesse et délinquance, entre délinquance et immigration est une imposture !
C'est désigner à bon compte des boucs émissaires pour occulter des situations bien plus scandaleuses, c'est exacerber le sentiment d'insécurité pour mieux récupérer les voix de la peur.

Chaque élève prend le chemin de l'école avec son propre bagage, que le poids des difficultés transforme souvent en fardeau.
Dès qu'il franchit le portail du collège napoléonien, chaque jeune fait l'apprentissage précoce des instruments de la sélection : il suffit que son établissement soit plutôt à la périphérie qu'au centre ville, il suffit que ses outils intellectuels soient différents de ceux qui sont sollicités par la norme dominante pour que très vite l'échec scolaire s'installe, provoque le découragement et la fuite vers d'autres terrains d'études…

Ainsi s'installe peu à peu une forme de violence, voire de délinquance, qui provoque autrui et le regard d'autrui pour se sentir exister, y compris par le truchement de l'exaction.
Cette violence tend à combler le vide laissé par l'absence de respect mutuel, qui est d'abord, et fondamentalement, " …la reconnaissance minimum de l'espace de dignité de chacun… ".
Elle dérive parfois très vite vers une délinquance d'oppression, un mode de vie en marge, où l'exigence de respect devient alors univoque, et imposée par la domination du caïd.
Cette soumission au plus fort reste malheureusement pour ces jeunes la seule offre sociale qui leur soit accessible.

C'est pourquoi, dans des cas extrêmes, des mesures d'éloignement du jeune de son milieu d'origine sont parfois nécessaires et profitables, à condition qu'un certain nombre de conditions soient réunies dans la perspective d'un retour à la vie sociale : un séjour encadré par du personnel compétent et en nombre suffisant, un retour adapté aux apprentissages scolaires, un lien régulier conservé avec le monde extérieur, un soutien apporté aux parents invités à accompagner au jour le jour la réinsertion de leur enfant dans une vie normale.

On n'a jamais vu un milieu clos qui ne devienne très vite un véritable bouillon de culture des attitudes déviantes.

Cette focalisation obsessionnelle sur la délinquance juvénile fait habilement oublier, comme le souligne Jean-Pierre ROSENCZWEIG, que si 21% des délits sont imputables aux mineurs, c'est qu'il en reste 79% à la charge des adultes.

Alors, vraiment, la vaine incantation qui enjoint l'Ecole à revenir à l'enseignement de la morale civique tourne à la provocation quand se développent au même moment, dans notre société, des comportements qui vont à l'opposé.

La violence, c'est aussi celle que l'école produit elle-même : essentiellement la ségrégation entre et au sein des établissements, mais aussi le fossé culturel et social qui se creuse entre les jeunes des milieux populaires et l'Ecole.

De nombreux exemples démontrent que l'on peut instaurer un climat serein dans les établissements scolaires pour peu que l'équipe en ait la volonté et que les moyens lui en soient donnés.

Fixer les règles claires qui s'appliquent à tous élèves et adultes, être fermes quant à leur respect, établir une relation de confiance avec les parents et les associer le plus étroitement possible à l'action éducative, savoir écouter, comprendre et respecter sans être laxiste, telles sont les pistes qu'il convient de suivre.

Les comportements violents seront vaincus sur le long terme par l'éducation par la prise de conscience de l'obligation de respecter l'autre et non par la répression aveugle et la mise au banc des accusés de toute la jeunesse.

 

 

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Par fgiroud , le samedi 01 février 2003.

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