B2i : l'Etat renonce-t-il à la culture numérique pour tous ? 

Bruno Devauchelle est sans doute un des meilleurs spécialistes des usages éducatifs des TICE et spécifiquement du B2i. Il réagit ici à la publication au Journal Officiel du 28 décembre d'un arrêté modifiant le mode délivrance du Brevet informatique et Internet (B2i). Impulsé par en haut, le B2i est l'instrument censé donner aux jeunes Français la culture numérique dont ils ont besoin. Le ministère a réussi, à sa façon, à régler une épineuse question : puisque le B2i est maintenant obligatoire pour obtenir le brevet, comment faire pour maintenir un taux normal de réussite à cet examen sachant qu'environ un collège sur deux n'a toujours pas réellement mis en place cette évaluation ?

 

 

Bruno DevauchelleRéalisme ou utopie ? Désormais les choses sont tranchées, ce sera le réalisme. En effet en publiant au JO de ce 28 Décembre un arrêté du 18 décembre dernier (NOR: MENE0773559A) , le ministère a choisi son option. Deux éléments principaux sont modifiés par rapport à l'arrêté de juin 2006 :

1 - La place des élèves dans l'évaluation

2 - Les modalités d'attestation et le lien avec le Brevet des Collèges

 

 


Une validation qui pourra se faire à l'insu de la demande de l'élève

 

On peut dire qu'il s'agit de faire preuve d'un certain réalisme. Malheureusement d'aucuns pourront parler de braderie annoncée. En effet 14% d'élève ayant obtenu leur attestation B2i en 2006 ne pourra pas se transformer en 100% d'élèves présentant le Brevet des Collèges. Or d'après les textes officiels, le B2i serait obligatoire pour obtenir le Brevet. Comment dès lors parvenir à ne pas pénaliser les élèves qui n'auront pas eu le B2i ? Il avait été récemment écrit que les carences de l'administration ne pénaliseraient pas les élèves et que ceux qui seraient dans l'impossibilité de valider le B2i pourraient, selon les causes, ne pas en être pénalisés. Or il semble bien que les mouvements d'humeurs récents, en particulier ceux des enseignants qui se sentent les plus concernés (ceux de technologie, ou ceux qui sont particulièrement engagés dans le B2i) ont mis en évidence ce paradoxe : on ne parviendra pas à l'objectif prévu. Dès lors, deux solutions sont possibles : la première consisterait à renoncer, la deuxième à aménager. Or c'est cette deuxième solution qui vient d'être "arrêtée".

 

D'une part le texte amendé déclare : « Tout professeur peut valider les items constitutifs des compétences qui figurent dans les feuilles de position du B2i. La validation est réalisée tout au long de la scolarité. » en lieu et place de l'alinéa sur l'élève qui demande cette validation d'item. Autrement dit, la porte peut ainsi s'ouvrir à une validation qui puisse se faire à l'insu de la demande de l'élève. Du coup on supprime un des freins, puisqu'il suffira qu'un enseignant, devant l'angoissante feuille de position blanche, coche toutes les cases pour que l'affaire soit entendue.

 

 


Briser le thermomètre…

 

Mais cet alinéa modifié ne peut s'entendre sans la deuxième modification qui va être particulièrement intéressante pour le Brevet. La voici ainsi rédigée :

        « Art. 4. - L'attestation est délivrée selon les modalités suivantes :

        « a) A l'école élémentaire, l'attestation est délivrée par le directeur de l'école sur proposition du conseil des maîtres de cycle ; dans les écoles élémentaires privées sous contrat par l'enseignant ou l'équipe pédagogique prévue à l'article D. 321-20, lorsque 80 % des items (et au moins la moitié des items de chacun des domaines) sont validés.

 

        « b) Au collège, l'attestation est délivrée par le chef d'établissement sur proposition du professeur principal, après consultation de l'équipe pédagogique de la classe, lorsque 80 % des items (et au moins la moitié des items de chacun des domaines) sont validés.

 

        « Dans le cas contraire, les feuilles de position et tout renseignement complémentaire sont transmis au jury du diplôme national du brevet, qui se prononce sur la validation du B2i collège. Cette validation entraîne la délivrance de l'attestation du B2i.

 

        « c) Au lycée, l'attestation est délivrée par le chef d'établissement sur proposition du professeur principal, après consultation de l'équipe pédagogique de la classe, lorsque sont validés en dehors des items optionnels 80 % des items, et au moins la moitié des items de chacun des domaines.

 

        « d) Dans les centres de formation d'apprentis (CFA) et les sections d'apprentissage (SA) gérés par des EPLE, l'attestation est délivrée par le directeur du CFA ou le chef d'établissement responsable de la SA, après consultation de l'équipe pédagogique, lorsque sont validés en dehors des items optionnels 80 % des items, et au moins la moitié des items de chacun des domaines. »

 

Parmi la reformulation détaillée des modalités de délivrance des attestations se trouve glissé un alinéa particulièrement nouveau dans la partie b). En effet on annonce que le jury du brevet des collèges pourra se substituer à l'établissement pour délivrer le B2i quand celui-ci ne l'aura pas attribué. Autrement dit, si le thermomètre indique une mauvaise température, il suffira de le régler autrement pour que les choses s'arrangent. Encore une fois, les critiques sur la valeur des diplômes vont pouvoir déferler avec de telles assertions. En effet désavouer les enseignants au travers d'un jury d'examen revient à considérer que le travail n'est pas fait de manière correcte.

 

 


Au risque de dévaloriser le B2i…

 

En articulant les deux changements, on s'aperçoit qu'il va être possible de valider le B2i n'importe comment, surtout si l'on veut obtenir des résultats satisfaisants au Brevet des collèges. D'une part on n'implique plus les élèves, cela va faciliter la tâche des validateurs et donc des validations. D'autre part on met en doute la qualité des validateurs du coup on suppose que leur remplissage des feuilles de position peut ne pas être satisfaisant...

 

De quel réalisme parle-t-on ici ? Non pas du réalisme de la difficulté de mise en place du B2i, mais de la difficulté devant laquelle se trouve le ministère s'il ne veut pas déjuger le choix d'associer le B2i au Brevet.

 

Quels effets réels risque-t-on d'obtenir ? Dévaloriser, dans le futur, un B2i déjà très fragile et surtout en empêcher la reconnaissance sur le marché du travail. Plus généralement, au moment où le socle commun se met en place, ce n'est pas l'excès de rigueur qui accompagne la réforme, mais une porte ouverte à un laxisme.

 

Faisons pour l'instant confiance aux enseignants qui choisiront de rendre honnêtement les attestations B2i ou les feuilles de position renseignées de manière exigeante et réaliste. Attendons de voir les résultats des brevets pour mesurer l'écart entre 14% de 2006 et le niveau attribué par le brevet.

 

Ou alors, il faut modifier profondément le B2i. Et là les débats sont suffisamment riches et variés actuellement pour donner des idées aux décideurs.

 

Un arrêté publié lors des vacances de fin d'année... étonnante époque...

 

Bruno Devauchelle

Formateur au Cepec

 

Liens :

L'arrêté du 28 décembre 2007

http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnText[...]

Le blog de B. Devauchelle

http://www.brunodevauchelle.com/blog/

Sur le Café, les dossiers B2i du Café, le feuilleton de 2007

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/LeB2i.aspx

Le blog B2i du Café

http://www.cafe-b2i.net/

Sur le Café,le Guide du bac et du brevet

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/[...]

 

 

Sur le site du Café
Par fgiroud , le mercredi 02 janvier 2008.

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