"Il faut permettre au futur enseignant de se construire une identité professionnelle qui s'appuie sur des savoirs, des savoir-faire, et des gestes professionnels". Jean-Louis Auduc 

Le compagnonnage suffit-il à former un enseignant ? Jean-Louis Auduc expose les risques d'une formation réduite uniquement en établissement.



JL AuducL’annonce par le président de la République le 2 juin de sa volonté de supprimer en deux ans les IUFM, écoles professionnelles de formation des enseignants, marque la fin de la reconnaissance pleine et entière de la professionnalité du métier d’enseignant ; c’est-à-dire du fait qu’enseigner , c’est un métier, qui comme tous les métiers, s’apprend.


Alors que toutes les professions qui s’occupent de l’humain ont des écoles professionnelles après les études universitaires et les concours de recrutement, la profession enseignante s’en trouve privée.


Certes, les IUFM n’avaient sans doute pas suffisamment construit et affirmé leur légitimité ; mais à qui fera-t-on croire que face à la diversification des publics, des établissements, l’enseignant n’aurait pas besoin d’une véritable formation professionnelle. Pour exercer la mission première du métier enseignant, transmettre des connaissances à toute la classe d’âge, il faut justement être bien préparé à cette transmission qui ne s’improvise pas.


La suppression de l’année de formation professionnelle des enseignants après leur réussite au concours risque de les laisser démunis face aux publics qu’ils auront à enseigner. De plus, a-t-on mesuré ce que peut signifier pour un jeune de milieux populaires désirant devenir enseignant, la nécessité de faire un an, voire deux ans  de plus de formation sans être payé…..

 

La « mastérisation » risque d’osciller selon les rapports de forces internes aux universités entre  des pilotages « Sciences de l’éducation » ou purement « disciplinaires ».


Les IUFM, écoles professionnelles, avaient pour finalité première d’être les garants d’un équilibre nécessaire entre les différentes composantes du métier enseignant, définies par le cahier des charges de décembre 2006.


Cet équilibre permettait d’aborder en formation professionnelle des questions transversales au système éducatif comme par exemple, la liaison CM2/6e, collège, lycée, l’interdisciplinarité, les relations parents/enseignants……


L’équilibre ayant été rompu, la formation professionnelle cohérente abandonnée, tout va reposer sur le compagnonnage prévu lorsque l’enseignant après son concours et son « master » sera en poste à plein temps dans un établissement.


Le compagnonnage peut avoir son intérêt , mais il peut aussi être producteur de profondes inégalités compte tenu de la diversité des situations et des publics.


Une formation axée quasi-exclusivement sur l'établissement peut être un danger si ce stage devient l'essentiel de la formation, car elle peut :

- conforter et formater le stagiaire dans ses préjugés, dans ses idées préconçues sur le métier enseignant ;

- donner une seule vision des réponses à fournir par rapport à une situation sans les confronter avec d'autres réponses possibles ;

- privilégier l'approche territoriale aux dépends d'un cadrage national ;

- en fait favoriser le conservatisme des démarches pédagogiques en ne permettant pas de réfléchir sur la pluralité des réponses pédagogiques possibles pour mettre en situation d'apprentissage les élèves ;


La construction d'une identité professionnelle enseignante demeure un enjeu fondamental.


Il faut permettre au futur enseignant de se construire une identité professionnelle qui s'appuie sur des savoirs, des savoir-faire, et des gestes professionnels.


Jean-Louis Auduc

Directeur adjoint de l’IUFM de Créteil



Par fgiroud , le lundi 02 juin 2008.

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