Formation des enseignants : quelques avancées, beaucoup d’inconnues et de vrais obstacles. 

pontaisClaire Pontais

Responsable formation au SNEP-FSU
Professeur IUFM- Basse Normandie – Centre de St Lô


A propos du texte d’André Ouzoulias : Formation des maîtres « où va-t-on si vite ? »
Le texte d’André Ouzoulias publié sur le café pédagogique contient 3 parties : la première analyse les 10 principes directeurs de la réforme, la deuxième dénonce la cacophonie liée à la précipitation de mise en place des masters ; il termine par des propositions alternatives en appelant à la mobilisation.
Je suis d’accord avec ses deux dernières parties. Sur l’analyse des 10 principes, je préfère poser la question autrement avec le souci de construire des points d’appui pour avancer dans le sens d’une amélioration de la formation. Nous ne pouvons en effet défendre l’existant que nous avons, y compris en tant que formateurs IUFM, largement critiqué et par là même limiter la mobilisation des collègues par manque de perspectives.
Il y a selon moi des avancées sur ce dossier, avancées qui sont le résultat d’un rapport de forces établi depuis fin juin par les syndicats et la profession avec : le communiqué commun de toutes les organisations syndicales, la rencontre de Toulouse, la demande de report ou de moratoire, l’appel « pour une formation de haut-niveau dans des IUFM rénovés » (près de 5000 signatures en 15 jours), la nuit des IUFM et la prévision des Etats généraux.

Certes, le ministère ne change pas son schéma : Il faudra être titulaire d’un master pour être recruté à titre définitif. Pour passer le concours, il faudra avoir un master ou être inscrit en M2, avec tous les problèmes qui en découlent. Les concours comporteront 3 types d’épreuves (disciplinaire, professionnel, connaissance du système éducatif) avec une réduction des coûts prévue. L’année de stage après le concours se fera en responsabilité avec l’aide d’un professeur référent et seulement des compléments de formation. Cette réforme prend effet dès les concours 2010, avec toute la précipitation que cela engendre.

Mais, par rapport aux déclarations de juin, il y a des avancées sur :
-    Le non décrochage entre les différents niveaux d’enseignement, non affirmé au départ.
-    La pré-professionnalisation, au départ limitée à des stages d’observation et de pratiques accompagnée, doit être articulée à la formation scientifique, disciplinaire et didactique en lien avec la recherche. Bien sûr, on peut regretter que le texte ne parle pas de « formation intégrée » et il sera nécessaire de repenser le disciplinaire au regard des « visées » professionnelles, mais la charte avec la CPU et la CDIUFM parle de didactique, d’épistémologie et d’histoire des disciplines, ce qui est une avancée notoire.
-    Concernant les stages en responsabilité, il n’est pas anormal de reporter la totale responsabilité après le concours (c’est le cas actuellement). Les stages de pratique accompagnée bien pensés ne sont-ils pas formateurs ? Demander des stages en responsabilité avant le concours ne revient-il pas à entériner le fait que la formation serait terminée après le concours ? Dans ce cadre, rien n’est perdu, la bataille sur les contenus et modalités de stages est devant nous.
-    Les contenus de concours : en juin, seuls les 3 types d’épreuves étaient mentionnés avec un modèle unique pour tous les concours. Le texte de négociation spécifie qu’il doit y avoir articulation entre les différents types d’épreuves et qu’elles pourront varier en fonction des disciplines et spécialités ainsi que des niveaux d’enseignement.
-    D’autre part, le texte parle de « capacité à concevoir et organiser son enseignement » et pas seulement de planification, ce qui n’est pas négligeable vue la conception du métier véhiculée par nos dirigeants.
-    Les conditions du stage : en juin, le stage était annoncé en plein exercice, avec des compléments de formation hors temps de travail (!), le texte final parle de pleine responsabilité et de compléments de formation, ce qui ouvre la porte à des décharges de service pour avoir le temps de se former sur le temps de travail.
-    L’ouverture sur des dispositifs d’aide pour la poursuite d’étude (et pas seulement des bourses au mérite), alors qu’au départ, rien n’était prévu.

Bien sûr, il reste beaucoup d’inconnues et des obstacles importants, notamment le refus d’un cadrage des masters, une incitation à multiplier les offres de masters qui va déchainer la concurrence entre universités et menace l’existence même des IUFM.

Mais ne boudons pas les avancées, même si elles sont pour le moment uniquement des avancées sur le papier ! Nous ne nous faisons pas d’illusion, le ministère n’a pas changé fondamentalement sa conception du métier d’enseignant, ni sa conception de la formation, ni l’objectif de faire des économies avec un stage à plein temps et de la formation hors-temps de travail, etc…mais le texte permet des ouvertures et offre des points d’appuis qui n’existaient pas au départ !

Les négociations ne font que commencer. Comment nous emparer de ces espaces partiellement reconquis ? Notre expression dans la période qui vient est déterminante ; cibler nos revendications est important.

Deux problèmes essentiels : la date de 2010 et l’avenir des IUFM.
La date de 2010
Le ministère a refusé des mesures transitoires pour une application définitive en 2011, ce qui met tout le monde (universités, IUFM) dans une situation d’urgence dont il ne peut sortir rien de bon. Nous allons vers un éclatement de l’offre de formation d’enseignants dont personne, pas même un recteur (qui est pourtant à la fois chancelier des universités de son académie et « employeur »), n’aura une vision globale. Il faut donc continuer de demander de la concertation pour réguler l’offre et des délais supplémentaires avec a minima des dérogations pour les dépôts des masters et des mesures transitoires pour certaines filières.

L’avenir des IUFM
Les IUFM, totalement absents du discours ministériels en juin, sont cités dans le texte de négociation mais leur rôle explicite n’est toujours pas affirmé. Quand on l’interroge, le ministère se contente de parler du « potentiel des IUFM », mais celui-ci, s’il est éparpillé dans l’université perdra tout son sens.
L’intégration des IUFM dans l’Université s’est faite dans un contexte de concurrence exacerbée entre universités (les universités non intégratrices se sentant lésées). En affirmant que toute université peut proposer un master pour les futurs enseignants, la « mastérisation » peut se traduire – de fait – par la disparition (plus ou moins progressive) des IUFM.
Comment dans ce contexte éviter les « guerres de territoire » qui vont faire exploser la carte des formations aux métiers de l’enseignement mais aussi la structure IUFM ? Quelle évolution proposons-nous pour qu’un IUFM reste la structure unique de conception et coordination de la formation des enseignants dans une académie, tout en multipliant les partenariats avec toutes les composantes ? Ne faut-il pas inventer des nouvelles instances de concertation  ? Créer des antennes IUFM dans des universités non intégratrices ?
Les antennes départementales sont directement menacées de part l’évolution du cursus de formation initiale (avec le recul du concours). Pour conforter l’existence de ces  antennes, ne doit-on pas faire valoir le rôle déterminant qu’elles jouent dans l’aménagement du territoire, dans la formation continue des enseignants ?
Là encore nous aurions besoin de temps et de concertation. Le gouvernement nous impose un rythme effréné. Il n’y a que deux solutions : nationalement, continuer de demander du temps, une véritable concertation, un cadrage (avec le risque qu’il ne nous plaise pas !) et localement, créer le maximum de solidarités autour de l’enjeu d’une politique globale de formation des enseignants et donc d’une structure IUFM rénovée qui incarne cette politique.

Sur le site du Café
Par ppicard3 , le samedi 04 octobre 2008.

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