L’enseignement doit être avant tout relationnel 

Par Gérard de Vecchi


"La plupart des professeurs qui en sont encore à proposer des cours magistraux, que les élèves doivent apprendre et qui sont suivis d’exercices d’application, oublient un peu vite des conséquences de leur attitude. Ne sont-ils pas en train de scier la branche sur laquelle l’ensemble des enseignants est assis (de moins en moins confortablement !) ?" Pour Gérard de Vecchi  c'est le cours traditionnel qui incite à sa suppression…


Une diminution très importante du nombre de postes d’enseignants est-elle possible ?


Une diminution de moitié du nombre de maîtres… et même plus ! Avec, en bonus, les meilleurs cours réalisés par les meilleurs spécialistes, pour des élèves qui travailleraient en autonomie ou par équipes, sur des projets d’apprentissage et un programme qui serait équilibré sur toute l’année, pour tous les écoliers de France… et même d’ailleurs ! Impensable ? Mais non ! Réfléchissez un peu !!!


On assiste au retour en force des méthodes d’apprentissage passant par les explications, les exercices et les leçons à apprendre (mémorisation, rabâchage). Elles satisfont bon nombre de parents… ainsi que certains enseignants traditionalistes (pardon "républicains" !). D’ailleurs, cela doit devenir la règle.


Et si on rapprochait cela des potentialités immenses offertes par le réseau Internet et l’informatique ? Bientôt, la plupart de foyers en seront pourvus (pour Internet : 24,6% des foyers en étaient équipés en 2005 et déjà 35,7%" en mars 2008 . Pourquoi un enseignant (un de ceux qui seraient conservés !) ne renverrait-il pas un grand nombre d’élèves (tout un niveau de classe par exemple) à un site pédagogique dans lequel un sujet d’étude (pardon, une leçon ou un ensemble de leçons) serait traité par un spécialiste bien mieux équipé et beaucoup plus compétent que le "professeur moyen" dans sa classe ? Facilement réalisable !


On appellerait cela du "travail autonome" ; si un sujet d’étude plus global était abordé, ce serait un "travail sur projet". On pourrait même travailler à plusieurs et on parlerait de "travail d’équipe", de "collaboration", d’"entraide"… tous ces concepts qui appartiennent à la pédagogie moderne mais qui sont sans cesse détournés, vidés de toute leur substance ! Beaucoup de sujets du programme, et cela dans presque toutes les disciplines, pourraient être traités ainsi ! Quant à l’évaluation, à laquelle nos dirigeants tiennent tant, elle aussi pourrait être informatisée et contenue dans le logiciel ou le site utilisé. Chaque élève pourrait même la faire parvenir à son établissement scolaire et elle serait corrigée sur ordinateur (résultats et gestion immédiats). Que de travail d’enseignant… économisé ! Et les élèves n’apprendraient sûrement pas moins bien que dans certains cours frontaux (pour ne pas dire "dorsaux" quand le maître passe beaucoup de temps à écrire au tableau !) dans lesquels ils se contentent de faire semblant de suivre… quand ils ne s’endorment pas sur leur bureau ! Et les élèves qui ne possèdent pas d’ordinateur ? On pourrait les aider financièrement et ils pourraient venir travailler "en autonomie" au collège ou au lycée !


La plupart des professeurs qui en sont encore à proposer (ce qui, dans le langage scolaire, signifie imposer) des cours magistraux, que les élèves doivent apprendre et qui sont suivis d’exercices d’application, oublient un peu vite (ou n’ont pas encore conscience !) des conséquences de leur attitude. Ne sont-ils pas en train de scier la branche sur laquelle l’ensemble des enseignants est assis (de moins en moins confortablement !) ?


Si la pédagogie doit se résumer à l’instruction, si l’éducation à la citoyenneté doit se limiter à la morale civique d’antan, si… nous n’avons plus besoin de beaucoup de maîtres et, en poussant le bouchon un peu loin, il ne sera plus vraiment utile qu’ils soient spécialistes des contenus qu’ils auront à gérer !


Bien sûr, les élèves devront toujours être liés à un établissement "scolaire" (ne serait-ce que pour contrôler leur évolution ("contrôler", encore un mot à la mode !). Ils devront toujours y venir, de temps en temps, pour avoir des rapports (techniques) avec leur(s) "enseignant(s) de référence", peut-être pour clarifier certains points… et pour recevoir récompenses (il faut bien que le "mérite" soit reconnu)… et punitions !


Et quelle aubaine pour les parents qui pourront connaître, en temps réel, les résultats de leur enfant, en consultant le site de l’école, du collège ou du lycée ! Comment pourraient-ils ne pas être sensibles à cela ?


Tout ceci n’est qu’une vue de l’esprit ? Jamais, surtout en France, ce type de structure ne sera accepté ? Peut-être (et même je l’espère)… mais une partie de ces orientations ne pourraient-elles pas être mises en œuvre, tout doucement, par petites étapes… à moins que l’enseignement passe en grande partie dans le privé (ce qui, convenons-en, arrangerait bien nos finances !). Autrement, comment diminuer vraiment de moitié le nombre d’enseignants ?


L’enseignement doit être avant tout relationnel. Pour que les savoirs aient du sens, les élèves doivent apprendre avec les autres par les autres et pour les autres. Le maître doit être à leur écoute, les encourager et les aider individuellement à devenir autonomes et responsables. 


Cela ne signifie pas qu’il faille refuser l’apport de l’informatique dans l’Ecole : ce serait ridicule ! Mais il ne faudrait pas lui donner n’importe quel statut. Heureusement l’informatique peut apporter un ensemble de changements qui sont loin d’être négligeables  !


Gérard De Vecchi

Maître de conférences en sciences de l’éducation

Auteur de : Ecole : sens commun… ou bon sens. Manipulations, réalité et avenir, Delagrave, 2007.

http://www.EveryOneWeb.fr/gdevecchi



Par fjarraud , le mardi 15 avril 2008.

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